Et afin de mieux suivre la présentation, l’illustration qui, en tête du présent billet représente une commode, pourra être utile : chaque tiroir représente un type différent de mémoire – certaines sont les premières atteintes, d’autres résistent plus longtemps.
mercredi 31 juillet 2013
Alzheimer – h
Dans ce qui précède on a eu l’occasion – dans
un cas particulier – de dire comment l'Alzheimer se manifeste à ses débuts, et comment cela se traduit dans l'entourage de la personne qui en est atteinte.
Dans ce cas particulier, on retrouve bon
nombre de caractéristiques classiques :
Les
premiers symptômes sont des troubles de mémoire ; l’âge auquel ils
apparaissent tourne autour de 65 à 70 ans ; ils sont légèrement plus
fréquents chez les femmes (une estimation courante donne trois femmes pour deux
hommes) ; l’environnement (familial et fréquemment amical) des proches est
largement mis à contribution – dans la littérature sur le sujet, on les désigne
par les aidants et une réelle dynamique (parfois commerciale) s’est
mise en place pour aider les aidants…
Particulier quand même :
Dans la
mesure où, par exemple, Magali a reçu un bon
niveau d’instruction et a exercé de réelles responsabilités
professionnelles ; où, tout en étant célibataire – c’est-à-dire ne
bénéficiant pas du soutien d’un conjoint – elle a trouvé dans une fratrie qui
s’entend une diversité de points d’appui qui ne reposent pas sur le dos d’une
seule et même personne ; où, ayant développé dans sa vie adulte des
prédispositions sociales et culturelles qui s’étaient déjà manifestées dans des
mouvements de jeunesse, elle y a acquis un certain répondant pour faire face
aux difficultés ; où elle a su se constituer des réserves qui se révèlent
maintenant utiles pour ses années à venir…
Ce dernier billet fournit quelques éléments
complémentaires qui sortent du cadre de ce témoignage. La littérature est
particulièrement abondante à ce sujet. Dans ce qui suit, on ne prétend pas être exhaustif ni de
parler à la place des nombreuses personnes et institutions concernées :
les personnes directement touchées, celles qui les aident ou leur apportent des
soins, ou qui gèrent les actions entreprises à ce sujet… Ni d’indiquer ce qu’il
faut faire.
Le souci de préserver l’anonymat dans le cadre d’un
bloc-notes qui est publiquement accessible a pour contrepartie de ne pas pousser plus loin le détail. Celles et ceux qui ont
participé à la rédaction témoignent qu’ils ont rencontré tout du long des
personnes remarquables, non seulement
pour leurs qualités professionnelles mais clairement aussi dans leur capacité d’écoute
et leur dynamisme à faire évoluer des contextes où on est encore mal conscient des
progrès récents et des enjeux pour la suite.
Voici quelques coups de projecteurs – le choix
aurait plu être différent.
Le premier pourra sembler décalé par rapport à
notre propos et contribue pourtant à l’éclairer. S’y exprime une ingénieure en électronique, mariée à un homme extra
et l'heureuse maman de 3 enfants. Elle est atteinte d'une maladie apparentée
Alzheimer, et a été diagnostiquée il y a bientôt 3 ans. Le titre : J'en
fais des efforts pour me maintenir dans le monde !
Extraits :
… On n'est
plus une personne, ni même une personne malade. On est un malade, un Alzheimer ... Le regard des personnes est tronqué … La maladie m'oblige à
trouver des solutions pour essayer de comprendre ce que l'on me dit … Elle
m'oblige à me concentrer sur ce que le corps trahit de ce que mon interlocuteur
essaie de me dire … Je n'ai pas le choix … J'en fais des efforts pour me
maintenir dans le monde … La maladie, me force à développer ma confiance en
l'autre. Lorsque l'on entend Alzheimer,
tout le monde, je crois, associe la maladie à des pertes de mémoire ... Après
tout, cela arrive à tout le monde d'oublier quelque chose ! …
En
revanche, je suis aussi amenée à vivre des oublis d'un autre type, des oublis qui
n'ont rien de classique et qui
transforment ma réalité. Autant le dire tout de suite, je ne vis plus toujours
dans votre réalité … Par exemple, je suis allée réclamer une commande que je
suis sûre d'avoir passée. Arrivée là-bas, les vendeurs m'ont assurés que je
n'avais pas fait de commande. Et pourtant je peux affirmer que je suis certaine
de moi : je l'ai passée cette commande ! Que s'est-il donc réellement
passé ? … Parfois des objets apparaissent à la maison : d'où
viennent-ils ? Comment sont-ils arrivés là ? …
Ce sont
juste quelques exemples, de manière à essayer de faire sentir la différence
entre un simple oubli, et une
réalité différente. … Si demain on vous annonce que le ciel est vert à pois
rouges, saurez-vous faire suffisamment confiance à l'autre pour le croire, même
si pour vous il est bleu ? … Ne risquez-vous pas d'être amené, dans ce cas
à défendre avec force, voire avec agressivité, votre réalité intérieure ?
… Perdre confiance en ma réalité, au profit de la réalité de l'autre. …
Michel
Audiard a eu cette merveilleuse formulation : Heureux
les fêlés, car ils laissent passer la lumière. La maladie va me rendre démente, fêlée... J'espère que cette maladie
me permettra de laisser passer la lumière, d'apporter quelque chose aux autres :
un regard, une façon d'être. Quelque chose de positif dans la vie de ceux qui
me côtoieront !
Le second et le troisième sont tournés vers les aidants, les proches qui viennent en appui.
Extraits :
Alzheimer
est une maladie qui dure longtemps, une dizaine d'années en moyenne, et qui est
évolutive … Le malade va devoir être aidé pour des tâches du quotidien de plus
en plus simples … Malgré la bonne volonté de l'aidant, il y a un fort risque
d'épuisement physique et psychologique si le recours à une aide extérieure
n'est pas anticipé. D'autant que le malade n'a pas conscience de l'étendue de
sa maladie et de ses besoins: il n'est donc pas rare qu'il résiste aux soins.
Il peut même devenir agressif … La relation se détériore à mesure que la
lourdeur des tâches s'accroît …
Quels signes doivent alerter sur l'état de santé général de l'aidant ? … Quand l'aidant ne s'octroie plus de temps
pour lui, au point de négliger sa santé – il ne consulte plus son médecin
généraliste, son alimentation, son sommeil, ses loisirs. Ou encore des signes
similaires à la dépression …
Que recommandez-vous aux aidants pour limiter les difficultés ? … Tout d'abord, il ne faut pas rester seul.
Nous conseillons de contacter des professionnels … Cela leur permettra de savoir
vers qui se tourner quand le besoin commencera à se faire sentir. Car la
maladie entraîne vite dans une spirale infernale …Enfin, il est essentiel de
conserver une activité sociale pour discuter et rire avec d'autres personnes.
Majoritairement
âgés, les couples malades/aidants conjoints sont encore aujourd'hui construits
sur la valeur de l'engagement, le sens du devoir et la notion culturelle de couple pour
le meilleur et pour le pire tel que
défini par la loi du mariage … Pourtant, l'usure et
l'épuisement nerveux de l'aidant, ses propres difficultés de santé, pourront et
devront à un certain moment remettre en cause la forme de cet engagement … Rester
debout aux côtés de son mari, de son épouse malade, autrement, dans un autre
lieu de vie, l'établissement d'hébergement pour personne âgée dépendante …
Une telle décision ne coule pas de source ni sur le
plan moral, affectif, ni sur le plan matériel et financier … Par exemple, confier son conjoint malade à des mains étrangères … La présentation souvent
caricaturale … idyllique d'établissements en présence d'un ministre de la
santé visitant de charmantes vieilles dames … À l'inverse, de sordides images filmées en caméra cachée …
Cette
décision aura aussi des conséquences financières … d'autant plus lourdes que le
malade est le mari sur lequel repose l'essentiel des revenus de la retraite. Les
épouses de ces générations n'auront plus alors pour continuer à vivre chez
elles que le minimum vieillesse, autrement dit au-dessous du seuil de pauvreté
en France … dans le langage de ces femmes âgées, cela ne veut pas dire se payer
des loisirs, des téléviseurs à écran plat, des Smartphones et des produits de
consommation, mais ne plus pouvoir faire de cadeaux à Noël et aux anniversaires
de leurs petits-enfants, ne plus changer ses lunettes, ne plus se faire soigner
les dents.
Un malade, c'est toute une famille qui a
besoin d'aide.
Le quatrième se focalise sur le moment de l’annonce
du diagnostic, et après: sur la manière de s’adapter à cette situation et de chercher à
continuer à être reconnu(e) comme personne. Cela recoupe à plusieurs reprises
ce qui s’est manifesté de la part de Magali.
Extraits :
Que nous
disent les personnes malades à la suite de l'annonce diagnostique ? … La
grande majorité des personnes interrogées ont énormément insisté sur la
nécessité pour elles de ne pas se laisser envahir par l'angoisse de l'annonce et
par celle des perspectives qu'elle recouvre. Il s'agit bien entendu d'un moment
choc, un traumatisme qui est décrit comme faisant basculer leur vie de la
minute à l'autre … Beaucoup d'entre-elles ont jugé l'annonce diagnostique souvent
maladroite et inadaptée voire brutale … Elles évoquent la souffrance ressentie
face au discours qui leur est tenu ou qu'elles entendent comme tel : Vous ne
pouvez plus rien faire que par l'annonce
elle-même …
Suite à
l'annonce la nécessité presque immédiate est de faire face et vivre au jour le
jour : Elles essayent de relativiser la situation … il faut maintenant faire avec en vivant leur vie au jour le jour … Cette
vie au jour le jour leur permet de vivre de manière moins anxiogène la
situation en évitant de se projeter et en redonnant tout son sens à l'instant
présent …
Elles réclament
qu'on les aide à maintenir une image de soi valorisée en réinvestissant des
activités qui font moins appel à leurs compétences cognitives qu'à leurs
compétences affectives et émotionnelles … On retrouve chez
toutes trois axes essentiels :
La grande
majorité a exprimé l'importance de mettre en place de nouvelles activités afin
d'occuper le vide laissé par la réduction progressive de leurs occupations
habituelles : activités physiques, sorties sociales et culturelles,
contacts avec des animaux, participation à un club etc. L'important est de
trouver de quoi s'occuper qui soit adapté à leur envie et à leur personnalité
et qui ne leur soit pas imposé par l'extérieur.
Agir sur
l'évolution des troubles et compenser les difficultés : travailler sa
mémoire ; suivre des séances d'orthophonie, trouver des outils qui
compensent les difficultés (agendas, calendrier) … Elles ont le sentiment que
cela leur permet à défaut de pouvoir guérir cette maladie, d'en ralentir les
effets. Elles ont également besoin de mettre en place des habitudes afin de ne
pas être trop déstabilisées par le changement ou les imprévus.
S'appuyer
sur leur proche notamment le conjoint. Elles évoquent souvent l'importance, la
patience et la gentillesse qu'il ou elle a au quotidien … Si elles déclarent en
général ne pas vouloir peser sur leur entourage, notamment leurs enfants, elles
attendent beaucoup de leur conjoint.
Les
personnes interrogées insistent sur le fait qu'être malade d'Alzheimer ne
signifie pas ne plus rien faire … Certaines d'entre elles expriment même la sensation
d'avoir découvert de nouvelles habiletés jusqu'alors non explorées qui leur
permettent de garder contact avec elles-mêmes, notamment à travers la pratique
artistique …
Pour
certaines d'entre elles la volonté est forte aussi de faire changer les
représentations négatives attachées à la maladie d'Alzheimer. Représentations qui
véhiculent une image de grande dépendance et de folie … Elles revendiquent
aussi le droit d'être reconnu comme une personne et non comme des objets de
soins passifs.
Le dernier élément ici fourni se réfère à une
vidéo sur les différents types de mémoire. C’est prioritairement tourné vers l’Alzheimer,
c’est charpenté, accessible et clair. On trouve ce document audiovisuel sur le
site suivant :
Comme l’ensemble dure au total une heure (qui passe
vite), on peut le découper en quatre parties d’environ un quart d’heure chacune,
que l’on retrouve sur YouTube :
Et afin de mieux suivre la présentation, l’illustration qui, en tête du présent billet représente une commode, pourra être utile : chaque tiroir représente un type différent de mémoire – certaines sont les premières atteintes, d’autres résistent plus longtemps.
Explication (un peu rapide) en attendant :
La mémoire
de travail
Cette mémoire permet de conserver les informations reçues pendant 2 minutes, par exemple : le
code d’une porte, un numéro de téléphone et permet – lorsque nous parlons –
d’être cohérent avec ce que nous disions en début de phrase.
Cette
mémoire est conservée au début de la maladie d’Alzheimer.
La mémoire épisodique
La mémoire épisodique concerne les événements de vie allant de 2
minutes à la petite enfance. C’est elle qui craque en premier dans la maladie.
En effet, le cerveau n’enregistre plus les événements quotidiens et le malade
ne peut plus les restituer. Cela concerne donc les événements récents – ceux qui
remontent loin restant conservés.
À titre
d’exemple, nous pouvons engager une conversation avec la personne sur des
événements de sa vie ancienne ; en revanche, elle ne saura pas répondre si
nous lui demandons ce qu’elle a mangé ce midi, ou quelle activité elle a menée hier.
La mémoire sémantique
C’est la mémoire des mots et du langage. Elle concerne les
notions générales telles que : la géographie, les langues étrangères… Tant
qu’elle se maintient – ce qui est généralement le cas – on peut avoir avec le
malade, des conversations d’ordre général (cuisine – sport – mode – jardinage –
politique …)
La mémoire procédurale
La mémoire procédurale concerne les gestes : tenir
fourchette et couteau ; marcher ; danser ; jouer d’un instrument ;
jardiner ; chanter...
À titre
d’exemple, chanter ensemble a plusieurs actions : celle de souder le
groupe ; faire travailler les mémoires épisodique (évènements plus anciens
que 2 minutes) et procédurale (les gestes) et enfin accroître l’estime de Soi.
Quand la
mémoire procédurale craque, le malade ne peut plus marcher, ni s’alimenter
seul.
La mémoire implicite
La mémoire implicite est celle qui reste active le plus
longtemps. C’est la mémoire inconsciente. Tous les évènements que les malades
vivent y restent ancrés – mais comme ils n’en ont pas conscience, ils ne
peuvent simplement plus restituer ce qui a été vécu à ce niveau.
Le
présentateur la qualifie de mystérieuse : grâce à elle un lien unit parfois
ceux qui prennent soin des malades… La
belle qualité de ce métier est de créer ce lien si particulier.
Ce
billet est le huitième et dernier d’une chronique vécue (et en cours) sur
l’Alzheimer. Les noms des personnes et des organismes ont été changés, afin
d’en préserver l’anonymat.
L'illustration
est extraite de la vidéo sur les différents types de mémoires.
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