dimanche 26 juin 2011

Un pied dans l'école


La réunion des bénévoles de fin mai aura été la dernière avant la période d’été. Il est prévu quelque chose de moins studieux, un mois plus tard – comme une fête… où Émile sera présent.

Une étape importante et bien préparée
Émile venait tout juste d’avoir pris le chemin de l’école. Ne serait-ce qu’une heure par semaine pour l’instant. Mais avec l’intention d’augmenter la dose si les premières tentatives se passaient bien. Cela a été le cas dès la première fois. Et cela s’est confirmé les semaines suivantes aussi (ce billet est rédigé dans la deuxième quinzaine de juin).

Il faut dire que la transition avait été soigneusement préparée : la directrice connaissait la famille et était partante ; l’institutrice – qui avait déjà une expérience de ce genre de situation – était également motivée ; Émile avait à ses côtés, dans la classe, une assistante de vie scolaire, ce qui le sécurisait, et au cas où ; ses parents avaient non seulement tenu à lui expliquer, presque pas-à-pas, comment cela allait se passer, mais ils avaient tenu à le transcrire bien lisiblement sur quelques feuilles pour qu’Émile puisse de nouveau s’y référer.

Quelle ou quel bénévole n’a pas eu droit, dans les jours qui ont précédé ce grand jour, à une lecture in extenso par Émile de ce texte préparatoire ? Ponctuée par l’exclamation : Je suis heureux ! qui voulait dire à la fois qu’Émile se sentait mûr et avide de prendre le chemin de l’école, comme les autres enfants, mais peut-être aussi qu’il testait ce mot heureux, pour voir ce que ça faisait à ses interlocuteurs et qu'il explorait comment se formule et se partage l’expression d’un certain bonheur que l’on s’attend à découvrir.

Le fait est qu’à la sortie de cette heure vécue de façon calme et attentive parmi d’autres élèves de CE2, de son âge (avec lesquels, il est vrai, il n’y a pas encore eu beaucoup d’interactions), Émile était tout fier… et loquace – se promettant d’y revenir la semaine suivante. Il a été décidé d’augmenter la dose avant même la fin de cette année scolaire – prélude à une démarche destinée à s’intensifier à partir de la prochaine rentrée de septembre.

Euphorie ?
La psychomotricienne considère que son rôle est terminé : Émile est désormais quelqu’un qui habite son corps, pour qui l’autre existe, et dont la motricité fine ne manquera pas, dorénavant, de s’acquérir au contact de ses pairs…

Le psychothérapeute ne cache pas sa surprise devant le niveau de compréhension manifesté par Émile en lecture… et en matière d’humour…

… École, psy- et psy-, autant de bénédictions pour se mettre à bâtir des plans pour l’année prochaine, en s’appuyant sur quatre piliers : bénévoles, école à domicile, scolarisation progressive, activités extérieures (ateliers, théâtre, anglais, sports, piano…). Tendance caractéristique : plus de temps pour l’école et sans doute moins avec les bénévoles.

Venait-elle de relire Perrette et le pot au lait ? A la vue d’un tel programme, la présidente de l’association qui apporte son soutien aux familles et qui est forte d’une expérience acquise à travers nombre de situations de ce genre, l'a certes approuvé mais elle a néanmoins actionné un signal d’alarme : Si Émile va à l’école, ne serait-ce qu’à temps partiel, cela va le fatiguer et lui demander des efforts. Si on ajoute des activités extérieures, notamment en groupe, on aura là une autre source d’angoisse et de fatigue. Or les enfants dans son cas restent fragiles – pour les consolider, il faut du zéro stress. Elle conseille donc que la moitié du temps qui ne sera pas consacrée aux activités scolaires (à domicile ou en classe) reste suffisamment orientée vers une activité ludique, telle que la pratiquent les bénévoles, et n’incorpore qu’une seule activité sportive et une seule activité culturelle extérieure.

Les soubassements du conceptuel
Le compte rendu de fin mai, sur lequel je m’appuie, comporte une analyse documentée de ce qui est remonté de la réunion avec les parents, les bénévoles et les maîtresses à domicile, assortie de propositions. Bon nombre de ces remarques sont dans la continuité de ce qui avait été constaté les fois précédentes et elles soulignent les progrès. Même si on y met en relief quelques faits nouveaux, il n'est pas impérativement nécessaire d'y revenir cette fois encore.

Je me contente ici de donner un coup de projecteur sur une interrogation qui a surgi à propos de la découverte du monde qu’Émile fait à l’occasion de ses lectures : Est-ce qu’il comprend tout ? Une tentative de réponse y a été donnée, complétée par la façon d’en tenir compte ensuite. Dans la mesure où Émile n’a pas vécu consciemment une bonne partie de l’éveil du tout petit enfant, il faudrait associer sa découverte du monde (qui reste relativement conceptuelle, si on s’en tient aux mots apparus au cours de sa lecture) à des apprentissages plus directs. Exemple : aller voir cet été un champ de blé, un moulin, une boulangerie… et ainsi assembler des éléments de réponse à une question du genre : d’où vient le pain ?

vendredi 24 juin 2011

Le pétrole devint légende


Rétro-perspective
Il y a une dizaine d’années est paru un ouvrage signé par Jeremy Rifkin sur le pétrole, assez rapidement traduit en français : L’économie hydrogène (Éditions de la Découverte – 2002). Titre qui insiste sur la solution proposée, mais qui risque de faire oublier que l’intérêt principal du livre résulte de son analyse du rôle joué par l’accès à des sources de plus en plus importantes d’énergie au cours des derniers siècles… et la perspective de profonds bouleversements car les sources couramment utilisées désormais vont se tarir.

Le 21ème siècle nous promet pourtant de superbes ruptures potentiellement bénéfiques : productivité - les besoins de l’ensemble des habitants de la planète pourraient être satisfaits par une fraction limitée de la main-d’œuvre actuellement nécessaire ; ère nouvelle grâce à la manipulation des génomes ne seraient-ce que pour le végétal et l’animal ; et sous un autre angle, développements consécutifs à la généralisation et à la mondialisation de l’Internet.

Mais… après avoir assuré deux siècles de production industrielle et d’échanges commerciaux, le travail de masse est sur le point de disparaître. Pourquoi ? Parce qu’il est asservi à des machines alimentées par des combustibles fossiles… qui, comme toutes les bonnes choses, ont une fin – plus proche qu’on ne le pense. Beaucoup estiment en effet que le progrès a été directement lié à la disponibilité de surplus énergétiques – d’un strict point de vue quantitatif, on estime que l’Américain moyen recourt désormais, sous forme d’énergie, au travail d’une soixantaine d’esclaves, à son service 24 heures sur 24. Le fermier dont le travail permettait de nourrir 4 personnes, il y a 150 ans, en nourrit 20 fois plus maintenant – mais au prix d’une consommation de 10 calories pour en produire 1 alimentaire… chaque litre d’essence pour votre voiture aujourd’hui manquera à la production agricole de demain.

Mais, d’une part, cette énergie est consommée lors de la production des objets (ex. : une tôle d’acier) dont une partie terminera comme déchets, et celle des services (ex. : transports, chauffage…) – les réserves, en particulier celles des combustibles fossiles les plus couramment employés, finissent par s’épuiser ; d’autre part, une partie est dissipée dans l’environnement (ex. : chaleur, gaz à effet de serre…).

De plus, au moment où l’apport énergétique classique devient insuffisant pour la poursuite de l’expansion, les surplus alimentaires et la consommation énergétique se réduisent, les infrastructures de base arrêtent d’être entretenues, l’autorité centrale qui s’était greffée sur ce système s’effondre, les zones urbaines se dépeuplent, l’organisation de la sécurité intérieure (protection policière) et extérieure (armées) s’effrite.

La saga de l’énergie a vu l’Angleterre se hisser du temps du charbon puis les États-Unis du temps du pétrole. Celui-ci est devenu le premier secteur économique mondial – extrêmement concentré : quelques sociétés publiques d’État contrôlant l’extraction, et un tout petit nombre de grands groupes contrôlant les activités en aval. Les investissements y sont colossaux. Cette saga a comprimé les distances et le prix des transports, transformé l’organisation industrielle et celle de la gestion, favorisé la standardisation et la concentration au niveau mondial.

L’électricité ? N’oublions pas que – toute indispensable qu’elle est devenue – elle n’est qu’un forme intermédiaire d’énergie, essentiellement produite aujourd’hui grâce aux combustibles fossiles. Coupons l’électricité : nous mettons un terme à la modernité, y compris dans ses développements les plus récents (PC et Internet).

On estime que la production pétrolière a commencé de plafonner vers 1980 à 11 barils par habitant de la planète. C’est maintenant la production totale mondiale qui se met à plafonner : avec la croissance démographique et un début de décroissance, ce chiffre pourrait être divisé par 2 ou 3 au cours des décennies à venir… et surtout, devoir se répartir autrement entre les différents pays consommateurs : ceux du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), désormais moteurs de l’économie mondiale et aux besoins croissants, viendront mordre dans les consommations des pays actuellement dits développés.

Démocratie des sous-sols
Laissons Jeremy Rifkin et ce retour de 10 ans en arrière pour nous intéresser à un curieux petit livre (une centaine de pages), paru le mois dernier aux Éditions de l’Ère, signé par Timothy Mitchell – un britannique qui s’intéresse à la politique et au Moyen-Orient, qui est passé par Cambridge mais a ensuite traversé l’Atlantique pour Princeton, puis Columbia – et préfacé par Julien Vincent, docteur et agrégé d’histoire : Petrocratia – La démocratie à l’âge du carbone.

Ce dernier résume ainsi la thèse du livre : il existe des connexions aussi puissantes qu’ignorées entre le régime énergétique des sociétés (qui se conçoivent elles-mêmes comme modernes) et le régime politique (que nous avons pris l’habitude de nommer démocratie). L’auteur le redit autrement dans sa conclusion : en retraçant les connexions établies entre les pipelines et les stations de pompage, les flux de dollars et le savoir économique, les experts en armement et le militarisme, on découvre comment s’est tissé un ensemble particulier de relations entre le pétrole, la violence, la finance, l’expertise et la démocratie.

Qui trop embrasse, étreint ? Ce n’est pas impossible. Démarche un tantinet obsessionnelle ? C’est le lot de toute thèse. N’est-ce pas dans le cortège qui suit le corbillard que prend forme la légende du défunt ? Ce serait donc le tour de l’ère du pétrole. Mais qu’on y adhère ou non, l’éclairage porté par cet ouvrage me semble mériter qu’on s’y arrête un moment.

Dans le sous-titre, on lit : l’âge du carbone. Avant de s’attaquer au pétrole, on s’intéresse d’abord à l’ensemble des combustibles fossiles – ces soleils souterrains dont l’origine remonte à quelques centaines de millions d’années et que nous consommerions actuellement 400 fois plus vite qu’il ne leur a fallu pour se former (4 siècles brûlés en un an). Il y a 200 ans encore, l’humanité consommait de l’énergie solaire à l’année (labourage et pâturage pour se nourrir, bois pour se chauffer, moulins pour une énergie plus mécanique). Ce qui supposait des étendues suffisantes, un habitat relativement dispersé et de vivre au rythme des saisons et du renouvellement de la nature (prairies et forêts).

Au 19ème siècle, là où le charbon est devenu facile à extraire, ces vastes étendues sont devenues moins nécessaires : on estime que celui utilisé en Grande-Bretagne vers 1890 fournissait une énergie équivalente à des forêts qui auraient couvert plus de 15 fois la surface du pays. Concentration démographique (essor des villes) et de la grande industrie (dont métallurgie). Développement des moyens de communication (marine, chemins de fer) et de la capacité de contrôle sur des régions éloignées… Mais pour certains produits à transformer (ex. : le coton) et en quantités croissantes, il fallait continuer à leur donner leur soleil quotidien (ou saisonnier). Suivez mon regard : nouveaux espaces à mettre en exploitation, colonisation, empires.

Les réserves de charbon de qualité et facilement exploitables se limitaient à un petit nombre de sites. Extraire, remonter à la surface, acheminer vers les sites industriels ou centrales électriques : réseaux vitaux et concentrés, dont le contrôle était crucial. La main-d’œuvre ouvrière employée devint le noyau d’un militantisme qui troquait une relative autonomie sur le terrain contre une garantie d’approvisionnement de cette source d’énergie. L’interconnexion grandissante entre les activités favorisa l’extension de ce militantisme. Depuis le travail obligatoire ou l’interdiction des grèves, jusqu’à l’évolution du droit de vote, l’État-providence ou les régimes sectoriels de faveur, les politiques s’en mêlèrent. Grosso modo, on a abouti à une exigence démocratique renforcée au service d’une réduction de la précarité.

Le charbon avait donc contribué à façonner les démocraties européennes. Qu’est-ce qui a changé avec le pétrole ? Aux débuts, et malgré des mouvements ouvriers également dans ce secteur (Californie, Galicie autrichienne), pas grand-chose, sauf peut-être à Bakou et dans le Caucase lieux de production très concentrée (notons que Staline y fit ses premières armes). C’est à ce point qu’il faut décortiquer attentivement les spécificités du secteur.

A la différence du charbon, on n’envoie pas d’équipes au fond des mines : la pression fait monter le pétrole. Les lieux de production sont éloignés de ceux où le pétrole est utilisé. Son stockage est plus aisé. On n’emprunte pas un réseau ferré gourmand en main d’œuvre et sous la coupe des États desservis, mais des pipelines et des tankers sur un espace maritime international peu perméable au droit du travail, voire sous des pavillons de complaisance. La main d’œuvre, déjà moins nombreuse, est également plus fractionnée, soit en faisant appel à des ethnies différentes, soit surtout parce que c’est une succession d’affaires de spécialistes. L’offre et la demande s’ajustent plus fréquemment selon une logique concurrentielle que dans le cadre de cartels et de schémas planifiés.

Alors qu’avec le charbon c’était la main d’œuvre qui s’était saisie de l’arme du blocage potentiel de l’approvisionnement, avec le pétrole, ce furent les producteurs et distributeurs qui y parvinrent, favorisant d’une main une plus grande consommation et, de l’autre, contrôlant la rareté.

De plus, le rôle joué par les États-Unis au cours de la 2nde Guerre mondiale et une relative symbiose alors opérée avec le monde politique, facilita l’éclosion par la suite d’une attitude favorable à l’utilisation du pétrole en Europe (plan Marshall) et le resserrement des liens avec les pays producteurs du Moyen-Orient. L’histoire des années qui suivirent est émaillée de luttes politiques et coups d’États qui, dans cette région, sont fortement liés aux objectifs de sécuriser à long terme la production et l’exportation pétrolières.

L’auteur consacre un dernier chapitre au pétrole comme monnaie. J’ai entendu dire que ce n’était pas le point fort de l’ouvrage mais ne suis pas en mesure de porter un jugement qualifié. Je me contente donc d’esquisser les grandes lignes de ce que j’en ai compris.

Entre-deux-guerres, montée du fascisme, effondrement des démocraties européennes, simultanément à celui du système financier international. C’est au cours de cette période que se développa, avec Keynes et le New Deal, un savoir nouveau, une expertise économique, visant à à fabriquer un monde maitrisable, une gestion (ici aussi comme dans le cas du pétrole) par des spécialistes, qui devenait la tâche essentielle des gouvernements et dont l’auteur estime que c’était une tentative de soustraire bon nombre de sujets au débat démocratique. Toujours vers cette époque, autre école, opposée dans sa visée mais semblable dans sa démarche favorisant l’expertise aux dépens de la démocratie : un marché nouvelle mouture – le néolibéralisme à la Hayek. Ses tenants reprirent du poil de la bête à partir de 1955.

A la sortie de la 2nde Guerre mondiale, les États-Unis détiennent 80% des réserves d’or de la planète, les alliés européens ayant dû régler sous cette forme ce qu’ils en avaient importé. A même époque, ils contrôlent l’essentiel de l’approvisionnement mondial en pétrole. En 1944 (Bretton Woods), les alliés européens adossent leur monnaie au dollar – soit disant à 35 dollars l’once, en pratique au pétrole qu’ils paient en dollars. La mise en place par Washington de quotas d’importations à la fin des années ’50 visait d’ailleurs à soutenir le dollar.

Pendant une vingtaine d’années, le secteur pétrolier aussi bien que les spécialistes de l’économie semblent partager une vision d’où la notion de limite aurait disparu : pétrole à gogo et croissance du PIB ad libitum. Autant dire que les politiques emboitent le pas et que la façon dont s’exprime le débat démocratique s’en ressent.

Choc pétrolier à la fin des années ’60. Abandon de Bretton Woods et des quotas d’importation. Émergence politique d’une nouvelle problématique comme alternative à l’économisme : l’environnement et les limites à la croissance… Avec la participation des compagnies pétrolières – celles-ci cessèrent alors de considérer que les réserves étaient illimitées, avec le triple avantage : d’augmenter le prix du pétrole, de financer de nouvelles recherches, et d'imposer un coût environnemental au concurrent potentiel – le nucléaire.

Sans même effleurer la question de la présence militaire américaine au Moyen-Orient, l’auteur note que les intérêts des secteurs pétrolier et de l’armement y convergent, ne serait-ce que pour recycler les pétrodollars et assurer un sentiment de sécurité aux régimes (peu démocratiques) des pays producteurs.

jeudi 23 juin 2011

Pétrole – remettez m’en un


État et devenir des lieux
Les informations sur l’énergie et le pétrole, que l’on trouve dans la version française de Wikipedia, remontent le plus souvent à 3 ans (2008). Comme on s’en doutait, la production et la consommation se sont fortement accrues dans le secteur au cours des dernières décennies. Soyons plus précis : depuis les années ’60, c’est une multiplication par 2,5 pour l’ensemble. La part actuellement prise par le pétrole est de 34%, celle du charbon de 29%, du gaz 24%, de l'hydraulique 6% et du nucléaire 5%. Restent moins de 2% pour les énegies renouvelables (éolienne et solaire).

Restons dans la production : pour le pétrole, le tiercé des pays gagnants est l’Arabie saoudite, la Russie et les États-Unis : à eux trois ils produisent 33% du total (si on regarde les 10 premiers pays producteurs, on monte à 62%). Pour le charbon, ce sont la Chine, les États-Unis et l’Afrique du Sud (69% et jusqu’à 95% à 10). Pour le gaz, la Russie, les États-Unis et le Canada (45% ; 64% à 10). Pour l’hydraulique, ce sont la Chine, le Brésil et le Canada. Et pour le nucléaire, les États-Unis, la France et le Japon.

Mais quels sont les pays consommateurs ? On les trouve essentiellement en Amérique du Nord ainsi qu’en Europe – il faut y ajouter le Japon. De plus, les pays qui tirent actuellement l’économie mondiale – le BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) – ont rejoint le peloton de tête. L’analyse n’est pas la même si on considère la consommation totale de chaque pays ou celle par habitant.

Si, en 2008, les États-Unis sont en tête pour la consommation totale d’énergie, la Chine la suit, pas très loin derrière… puis la Russie et l’Inde, mais pour des quantités déjà 4 fois plus faibles. La consommation par habitant met également les États-Unis dans le peloton de tête. Mais, cette fois, la Chine est reléguée bien derrière (parmi les pays du BRIC : la Russie, 40% de moins qu’aux États-Unis ; la Chine et le Brésil, 5 à 6 fois moins ; et l’Inde, 15 fois moins). Tout à la fin, pour les habitants de Birmanie du Népal ou de l’Éthiopie, c’est 25 fois moins.

Utilisateurs privés de tout ou utilisateurs gourmands, la consommation mondiale s’élève à 12 milliards de tep (tonnes équivalent pétrole) dont on a vu que près de 90% provenaient d’énergies fossiles (pétrole, charbon et gaz). Quelles sont les réserves ? On distingue celles qui correspondent à l’exploitation classique actuelle et pour lesquelles on a des estimations relativement sûres, et le reste – beaucoup plus spéculatif.

Ce que l’on appelle donc les réserves conventionnelles prouvées sont estimées à 1000 milliards de tep – ce qui fait un environ un siècle au rythme actuel. Si on pousse l’analyse, on aboutit à moins d’un demi-siècle pour le pétrole, un peu plus pour le gaz et à près de 2 siècles pour le charbon. Avec toutes les incertitudes que cela comporte, certains avancent qu’avec le non-conventionnel, les réserves de pétrole pourraient être multipliées par 3 ou plus.

On a aussi vu que, malgré les subventions et les efforts qui y ont jusqu’alors été consacrés, les énergies renouvelables sont loin d’assurer la relève. Un chiffre fait saliver ceux qui poussent à persévérer dans cette direction : une fois traversée l’atmosphère, l’énergie solaire qui se déverse sur notre planète équivaut à 10 mille fois l’actuelle production énergétique mondiale.

La dépendance au pétrole
Non seulement le pétrole représente un bon tiers de la consommation énergétique mondiale mais – sauf un concours d’heureuses surprises quant à découverte de gisements, quant à une exploitation respectueuse de l’environnement, et quant aux coûts de production à partir de ressources non conventionnelles – il ne reste même pas un demi-siècle de réserves pour le pétrole classique.

Situation aggravée du fait que ces moteurs de l’économie mondiale que sont les pays du BRIC – en premier lieu la Chine – ne pourront continuer à jouer ce rôle qu’en poursuivant leur développement : ce qui veut dire de nouveaux besoins en énergie, et pour leurs importations et exportations, pour l’industrialisation et suite à la croissance du niveau de vie de leurs ressortissants. Ces économies empruntent le chemin suivi par les pays développés qui, outre l’industrie, sont déjà très dépendants du pétrole pour les transports, pour le chauffage, pour l’agriculture et pour les produits chimiques ou plastiques dérivés.

Il existe des remèdes partiels : transports plus économes (ou faisant appel à l’électricité – mais d’où viendra cette-ci ?) ; réduction des gaspillages (notamment pour le chauffage et la climatisation des bâtiments). La piste des énergies de substitution est particulièrement malaisée : on a vu la lenteur et le coût du décollage pour les énergies renouvelables ; la substitution par le charbon présente de sérieux risques pour l’environnement – le nucléaire suscite d’autres appréhensions ; l’option en faveur des agro-carburants s’avère menaçante pour la filière agro-alimentaire ; le gaz naturel, plus propre, s’épuisera à son tour.

dimanche 12 juin 2011

Dérive ? Anticipation ?


Rat des médias écrits, Till épluche une partie de la presse internationale et me fait part de ses trouvailles, lorsque nous nous rencontrons. Il a cette fois le sentiment de crouler sous les archives qu’il s’est constitué au fil du temps et propose de s’en dessaisir en ma faveur – avec le secret espoir que j’en extrairai quelques bonnes feuilles pour mon bloc-notes. Forte présence, dans le lot, de son The Economist chéri Sensibilisé par la récente lecture des textes de Frédéric Brun autour de ses origines juives polonaises, par Lisbeth qui nous avait justement accompagnés en Pologne, voici deux mois (voir son billet du 15 mai sur le blog ami Seine & Vistule : http://seine.vistule.blogspot.com/)… j’ai sélectionné deux articles dans le gros paquet tous azimuts que l’on venait de me remettre : un d’il y a quatre ans, un autre tout récent… et j’en fais, un peu plus loin, la synthèse.

Puis je ressors quelques photos et retrouve des notes prises en avril à Varsovie sur le tournage d’un film sur lequel j’étais tombé par hasard, portant sur un Mouvement (réel ? fictif ?) de renaissance juive en Pologne. Cela fait le troisième volet du présent billet. Ne nous trompons pas : on ne trouvera pas dans ce collage l’unité de temps (un jour), ni celle du lieu, ni d’action, chères au théâtre classique. Dommage – et en même temps pas si étonnant dans un monde devenu à la fois instantané, en différé, de flash-back et de projection dans l’avenir, où l’espace prend très vite les dimensions du globe, où les proximités relationnelles se substituent à celles de la géographie. Quant à l’action…

Economist 13-01-2007 – Second thoughts about the Promised Land
Aux lendemains de l’extermination entreprise par le Nazis, la création de l’État d’Israël en 1948 répondait en partie au souhait de disposer d’un lieu où se rendre si les choses devaient de nouveau tourner mal. Au-delà du ciment religieux, culturel et communautaire de leurs grands-parents, les nouveaux venus y trouvaient aussi un pays qui soit le leur.

Mais quid pour les Juifs qui n’en n’avaient pas pris le chemin ? S’assimiler dans leur pays de résidence ou s’identifier au nouvel État, même sans y résider ? Autre point : en Israël, ce sont les orthodoxes qui sont finalement parvenus à détenir l’autorité en matière de religion – comment se situer en tant que Juif de la diaspora, lorsque sa foi prend une forme nettement plus libérale ? Se pose enfin à eux le problème l’image que projette une puissance militaire considérable pratiquant une oppression qui ne manque pas d’être critiquée. Depuis le soutien sans faille, jusqu’à la mise en cause explicite, l’éventail des attitudes est large.

Certains parlent en termes de hiérarchie entre Israël et la diaspora…dans la mesure d’ailleurs où ce terme d’origine grecque (dispersion) n’est pas remplacé par celui, hébreu de gola (exil forcé) : aliyah – option de venir s’installe en Israël – ne veut-il pas dire : montée ? S’appuyant sur le fait qu’il y a autant de Juifs aux États-Unis qu’en Israël *, mais qu’à peine un sur six s’y considère comme sioniste, le constat est que les autres ont une attitude complètement différente – ce qui ne veut pas dire que le soutien américain à l’État d’Israël ni que le lobby en sa faveur soient tièdes – au contraire.
* Sur un total mondial alors estimé à 13 millions – Amérique du Nord : 42% millions – Israël : 40% – Europe : 11% – Amérique latine : 3% - Ex-URSS : 3% – Afrique, Asie et Océanie : 2%.

Mais chez lez jeunes (ceux qui l’étaient trop pour se souvenir de la Guerre des six jours – donc 40 ans avant que cet article ne soit écrit), le fossé d’avec leurs cousins de Tel-Aviv ou Jérusalem s’est singulièrement élargi. Le fait que des mariages mixtes (et conversions) soient reconnus par certains rabbins, mais pas chez les orthodoxes, n’arrange pas les choses. Prenant du champ par rapport à un style de vie communautaire, le fait d’être Juif n’est plus qu’une des facettes de leur identité.

Même des initiatives a priori efficaces comme celle de favoriser des séjours de jeunes en Israël, ne vont pas forcément dans le sens escompté : certes, ce sont des séjours qui marquent l’intéressé mais, à son retour, il aurait plutôt tendance à s’engager dans des services sociaux à la juive, tout en désapprouvant les prises de positions pro-Israël trop marquées de l’ancienne génération encore à la barre.

Même tendance en Grande-Bretagne, même si l’ancrage à Israël semble plus net. Sur l’espace européen, un Juif sur deux réside en France. Ils viennent principalement d’Afrique du Nord et leurs liens avec l’Hexagone en sont amoindris – si le support à Israël est fort, la tentation d’aller y résider n’est cependant pas évidente.

En Russie, plus d’un million de Juifs s’en sont allés en Israël depuis 1990 puis 100 mille en sont revenus… qui font affaire dans un marché qu’ils connaissent et 20 fois plus important qu’Israël même… et tissent des liens entre les deux contrées. Si on ajoute ceux qui n’avaient pas quitté la Russie, cela ferait près de 400 mille. Parmi les quelques 100 mille Juifs qui se trouvent en Allemagne, une bonne part vient de l’ex-bloc soviétique : leur problème est d’abord de s’intégrer – le sionisme n’est pas la priorité.

Russie, Allemagne… on assiste peut-être à un certain renouveau culturel juif en Europe dite centrale : musique, films, festivals, s’exprimer en yiddish… certains estiment que, d’ici une décennie, des fondations juives américaines consacreront plus d’argent à y envoyer des jeunes Juifs, plutôt qu’en Israël.

Economist 28-05-2011 – Lexington – The kosherest nosh ever (America’s mighty pro-Israel lobby may be less durable than it looks)
Situé dans le Massachussetts, c‘est à Lexington qu’eut lieu une des premières batailles de la Guerre d’Indépendance américaine. C’est sous cet anonymat qu’un journaliste de The Economist signe chaque semaine une page qui conclut la rubrique United States. Le sujet abordé allait de soi : quelques jours auparavant, le 24, le Premier ministre israélien avait fait un tabac au Congrès, à Washington – alors que le Président américain s’était envolé pour Londres… et que le Premier ministre palestinien se faisait soigner en cardiologie dans un hôpital du Texas.

L’évènement devait beaucoup à un intense lobbying Et cela venait après la prise de position, contestée – ne serait-ce sur la forme plus que sur le fond – de Barack Obama sur les frontières de 1967. Les Républicains en auraient bien fait une arme de campagne dans la perspective des présidentielles de 2012… mais, selon Lexington, les choses ne sont pas si simples.

Sans même compter le soutien financier, militaire et diplomatique (ex. : les sanctions contre l’Iran) que la Maison Blanche a constamment apporté à Israël, les élus Démocrates ne sont pas à la traîne derrière les Républicains dans ce domaine. De plus, les Juifs américains votent majoritairement pour les Démocrates et continueront en dépit de l’attitude du Président – et même si c’est lui qui se présente pour 2012… d’autant que les options des Républicains sur d’autres sujets sont loin de les enthousiasmer.

Par ailleurs, de plus, on constate – les orthodoxes mis à part – chez les jeunes Juifs une tiédeur plus marquée vis-à-vis d’Israël. Le lobbying qui s’aligne systématiquement sur les positions des dirigeants israéliens actuels, un conservatisme qui choque leurs convictions plus libérales, et un sionisme qui ressasse une position victimaire sans montrer par ailleurs d’empathie envers les Palestiniens… tout cela contribue à cet éloignement. L’évolution en cours peut déboucher sur des changements significatifs que même l’alliance tactique avec les Évangélistes américains à propos d’Israël ne pourra entraver.

 
Varsovie – avril 2011 – The Jewish Renaissance Movement in Poland
Les photos qui illustrent ce billet ont été prises début avril 2011 sur la place Piłsudski à Varsovie où je me trouvais pour peu de temps, celle où se déroulent habituellement des cérémonies officielles et militaires. Il est vrai qu’elle sert parfois de lieu de rassemblement à d’autres types de manifestations : je me souviens – quelques mois auparavant – y être tombé sur des syndicats Solidarność de policiers qui actionnaient de lugubres sirènes pour appuyer des revendications pour leur retraite. Elle est sinon entièrement dégagée, laissant la voie libre à ceux qui viennent se recueillir auprès de la Tombe du Soldat inconnu, et aux touristes.

Ce à quoi je m’attendais, cette fois, était que quelques attroupements spontanés y prendraient naissance pour marquer le premier anniversaire de la catastrophe de Smolensk qui a vu disparaître le précédent Président polonais : les partisans de ce dernier ont en effet mal digéré que son successeur vienne d’un autre bord. Aussi n’ai-je pas été étonné de voir quelque chose prendre corps dans les tous premiers jours d’avril – mais c’étaient des tentes qui avaient été montées, abritant un service d’information sur la béatification de Jean-Paul II (prévue pour le 1er mai).

Ces tentes ont été repliées au bout de deux jours… pour donner place à d’autres ainsi qu’à l’estrade que l’on voit en photo. Je l’ai pris pour une manifestation d’un nouveau genre… mais cela semble avoir servi au tournage d’un film et a duré trois jours. Nous allons y revenir. Quant au souvenir de la catastrophe de Smolensk, elle a bien fait l’objet d’une journée particulière (le 10 avril) mais de façon relativement ordonnée et encadrée par les autorités, s’étendant à toute cette partie environnante et symbolique de la capitale, sans focalisation particulière sur la place Piłsudski.

Le premier montage photographique se focalise sur l’estrade. On peut y voir le nom du mouvement The Jewish Renaissance Movement in Poland (les initiales JRMIP apparaissent via des pancartes, dans le second montage), ainsi qu’un slogan : We shall be strong in our weakness. L’estrade apparaît tantôt vide, tantôt occupée avec un léger cordon policier placé devant. Quelques manifestants (ils sont pour, mais ce n’est pas évident d’emblée). Sur l’emblème rouge, l’étoile de David se combine à l’aigle polonais. En arrière-plan, trois drapeaux : celui du JRMIP, un polonais, et celui de l’Union européenne. La croix n’est pas un élément du tournage – elle est à demeure dans ce coin de la place Piłsudski.

Sur la droite une imposante statue en buste de quelqu’un dénommé Sławomir Sierakowski, avec une plaque à son nom et une phrase indiquant, en anglais, que 3,3 millions de Juifs peuvent changer la vie de 40 millions de Polonais. Ces 3,3 millions représentent sensiblement le nombre estimé de Juifs vivant en Pologne à la veille de la 2nde Guerre mondiale (la population totale du pays étant aux alentours de 35 millions) et 40 millions est un chiffre arrondi par excès de la population polonaise actuelle (une estimation complémentaire est que 6 millions de personnes – surtout des civils – ont été tués pendant la guerre, dont la moitié étaient Juifs).


Le deuxième montage montre des manifestants, filmés face à l’estrade pendant le tournage. Ceux qui portent les pancartes JRMIP ont des masques neutres. Sur d’autres pancartes, la photo du leader, ici avec la phrase : With one culture we cannot feel. Je suis revenu à deux ou trois autres reprises (un mini-service d’ordre bloquait le passage vers la zone de tournage, rendant difficile la prise de photos plus rapprochées) : les slogans et les langues utilisées variaient un peu – essentiellement anglais et hébreu, un petit peu de polonais. Je n’en ai pas vu en yiddish. En arrière-plan, sur la façade du théâtre national, une affiche pour Lorenzaccio (en polonais, mis en scène par Jacques Lassalle).

Ce sont les langues utilisées (ou sous-utilisées) qui m’ont intrigué. Nous étions bien à Varsovie qui servait ne serait-ce que de toile de fond à ce tournage. On y parlait bien de Juifs aussi bien que de Polonais : le nom donné au Mouvement, l’étoile et l’aigle du drapeau, l’évocation, cette fois quantifiée, de Juifs et Polonais sur la plaque de marbre, sous la statue du leader au nom polonais… tout allait dans le même sens. Mais ce dont on parlait, on en parlait – ainsi que je l’ai rappelé plus haut – pratiquement qu’en anglais et un peu en hébreu. Parfois en polonais mais de façon accessoire. Même pas en yiddish. Un doublage n’y ferait rien. Un sous-titrage, très peu. Une renaissance ? Peut-être, mais faisant singulièrement table rase du passé culturel (pastichons : With one culture, may we feel ?), éventuellement dans un sens privilégié (Jews can change the life of Poles).

Au même moment, dans le supplément Wysokie obcasy (Hauts talons) de Gazeta Wyborcza du 9 avril, on trouve un entretien avec Yael Bartana qui est à l’origine de ce film. Une partie de la famille de son grand-père paternel, qui était de Bialystok, a quitté la Pologne dans les années ’20. Elle-même est née en Israël il y a une quarantaine d’années, et y a été éduquée. Cette période encore de construction, en partie en kibboutz, l’a fortement marquée. Étudiante en Arts, elle ne s’est pas sentie à l’aise dans un Israël devenu oppresseur de son environnement : elle est partie aux États-Unis et dit y avoir viré sa cuti. Fréquemment en Pologne à partir de 2006 (son domicile européen est à Amsterdam depuis une dizaine d’années), son sentiment d’identité juive a évolué. Elle représente cette année la Pologne à la Biennale de Venise.

Son film est une trilogie ** : Un leader de la jeune gauche polonaise, sensible au fait qu’historiquement la Pologne a su vivre à travers les siècles avec bon nombre de minorités, et porteur également d’un certain sentiment de faute à racheter, veut faire venir 3 millions de Juifs en Pologne. Cela se fait : un kibboutz – à l’image de ceux de la construction d’Israël – se monte à Varsovie. Le leader polonais est assassiné, on ne sait par qui. Ses funérailles sont l’occasion d’échanges polono-israéliens à assez haut niveau, qui laissent espérer une évolution significative des relations entre les deux pays, ainsi que de la présence et de l’apport juifs en Pologne.
** Le cauchemar de Marie – Mur et tour - Attentat,

Bien qu’axé sur les deux pays, le film s’adresse aussi aux ressortissants d’autres pays d’Europe, qui deviennent frileux ou rejettent les immigrants, et où se développent des partis nationalistes tendant vers l’extrême. Même si l’objet est de faire venir de Juifs dans une Pologne, qui avait comme oublié son passé de cohabitation entre populations d’origines différentes, le film s’adresse tout autant à un Israël où le refus de l’autre va grandissant. Il s’agit, par ailleurs, de deux pays, chacun marqué par un messianisme (depuis son partage au 19e siècle, la Pologne se dit volontiers Christ des Nations). La mort du leader prend alors un sens plus particulier – prise de conscience et anticipation d’une rédemption ?

Sławomir Sierakowski n’est pas seulement un des principaux personnages du film, c’est un être réel. D’une trentaine d’années, il est sociologue de formation, fondateur du magazine Krytyka Polityczna dont des journaux publient fréquemment les articles, et leader d’un Mouvement politique de gauche en Pologne. Sa collaboration avec Yael Bartana remonte à 2008, lors du tournage de la première partie du film, où il lance son appel pour faire venir 3 millions de Juifs en Pologne.