mardi 26 septembre 2017

Du boulier au digital

COMPTER SUR SES DIX DOIGTS… EN BASE 2
Le terme digital vient de l’anglais, où il dérive de digit «chiffre», du latin digitus «doigt»…
Simplement parce que les humains ont d’abord compté sur leurs doigts.
C’est aussi pourquoi nous comptons en base 10…
Sauf dans la sphère digitale, où l’on compte en base 2.
RACINES ÉTYMOLOGIQUES INATTENDUES DU VERBE COMPTER
Le latin computare est formé de cum «avec» et du verbe putare, dont le sens premier est «nettoyer, purifier», et en particulier «élaguer les arbres».
Au figuré, il faut aussi «élaguer», et pour cela «apurer ses comptes, compter, calculer, estimer» :
Tel est le sens métaphorique de putare, qui se retrouve en partie dans computare «compter».
Autrement dit, compter, c’est établir les comptes justes, sur lesquels on peut compter.
Enfin, putare, c’est aussi «penser, croire», d’où ce qui est putatif.
ARBORESCENTE LEXICALE DE COMPTER :
Amputare «couper une branche» puis «amputer».
Deputare «prélever une branche», d’où l’idée du député, qui est «détaché» de sa communauté pour la représenter.
Supputare «tailler les pousses inférieures», et ensuite supputer : «estimer compte tenu d’hypothèses».
Reputare, où le préfixe re- marque l’ampleur, comme celle d’une réputation.
Disputare «mettre au net un compte après discussion», quitte à régler des comptes  (en évitant si possible de se disputer).
Imputare comporte l’idée d’un ajout, comme lorsqu’on impute une dépense.
RACONTER DES COMPTINES
Computare signifie aussi, en bas latin, «relater une histoire», dont on compte (en quelque sorte) les épisodes… et devient en ancien français conter, dans le sens d’un conte que l’on raconte … alors qu’une comptine reste un conte qui s’adresse aux tout-petits.
FOI DE GEEK : J’EXPÉDIE MON COURRIEL, GRÂCE AU LOGICIEL DE MON COMPUTER
Pour «compter», l’anglais a le verbe usuel to count, et dans les calculs to compute, d’où computer, qui a désigné les grands calculateurs des années 1940, et qui a été adopté tel quel ou presque dans la plupart des autres langues… mais pas en français.
En effet, les dirigeants d’IBM France ont eu l’idée en 1955 de chercher un nom commercial plus sympathique que computer, et le linguiste français Jacques Perret (1906-1992) leur a proposé ordinateur, du latin ordinare «mettre en ordre».
Ce nom a tout de suite rencontré l’adhésion et c’est ainsi que le français est l’une des rares langues où l’on ne dit pas computer.
À noter que sur les continents américains, la langue espagnole emploie computadora, mais qu’en Espagne, on suit en général le français avec ordenador.
Si ce mot ordinateur a eu un relatif succès, la langue française a également donné logiciel et courriel. Mais elle est cernée en ce domaine par de nombreux anglicismes : PC, blog, web, open source, open data, big data… ou hacker, geek...
Source :
WEIRD --- ÉTRANGE, BIZARRE
THROUGH --- VIA, PAR L’ENTREMISE DE
TOUGH --- ROBUSTE, DUR, DIFFICILE
THOROUGH --- APPROFONDI
THOUGHT --- PENSÉE
THOUGH --- ENCORE QUE, POURTANT

jeudi 14 septembre 2017

Café, thé, chocolat...

L’histoire des trois boissons (thé, café, chocolat) qui composent notre repas du matin est au cœur des processus de mondialisation.

Trois boissons, trois continents

L’invention du petit-déjeuner remonte au XVIIIe siècle : ce repas commence à se distinguer des suivants, tout comme le terme qui vient à le désigner. Dès lors, il s’organise autour d’une trinité de boissons d’origine tropicale: café, thé et chocolat.

Le sucre joue aussi un rôle important, lui qui, à cette époque pousse sous d’autres latitudes; la culture de la betterave sucrière changera ensuite la donne. Les composants solides du petit-déjeuner (beurre, céréales) et le lait sont en revanche issus de productions plus «locales».

Le café
Il est la plus consommée et la plus internationalisée de ces trois boissons. Les «pays anciennement industrialisés» en sont les plus friands.
Il commence à être diffusé dès le XIIe siècle mais sert d’abord d’épice.
Ce n’est qu’à partir du XVe siècle, qu’il est cultivé pour servir de boisson au sein du monde musulman, l’interdit frappant l’alcool contribuant à son développement.
Il arrive en Europe via le commerce maritime et séduit d’abord les populations urbaines.
Les Européens en ré-exportent la production en Amérique du Sud, Antilles et Brésil notamment, contribuant ainsi à faire de ce continent le premier producteur de café.


«Chaï» et «té»

En comparaison du café, l’histoire du thé est «multimillénaire». Jusqu’au XIXe siècle, le thé est une boisson chinoise; il faut attendre les Britanniques pour que cette dernière ne se diffuse à l’échelle mondiale. Et à la différence du café, le thé est consommé par les pays qui le produisent, en sus des pays européens.
La boisson a connu deux mondialisations :
La première débute dès le Moyen Âge et le parcours du thé recoupe celui de la «route de la soie».
La seconde commence avec la domination européenne des mers.
Les deux principales racines des mots désignant le thé dans les langues européennes témoignent ainsi de son mode de diffusion :
  • À l’Est, les pays qui ont connu la boisson par la voie terrestre disent “chaï”.
  • À l’Ouest, ceux qui l’ont connu par la voie maritime des Compagnies des Indes disent “”.
La consommation de thé par les Britanniques explose dès le XVIIIe siècle, les rendant dépendants de la production chinoise. La mise en culture du thé dans l’Empire colonial britannique – en Inde : ce qui leur permet de se libérer de cette contrainte.
Le chocolat
C’est le cousin américain du café africain et du thé asiatique…
Il est d’abord consommé amer par les populations américaines.
Ce n’est qu’au milieu du XVIe siècle qu’il est pris avec du sucre, contribuant grandement à son succès auprès des colonisateurs espagnols.
C’est via ces derniers qu’il se propage en Europe, rivalisant encore au XVIIIe siècle comme boisson du petit-déjeuner, fonction qu’elle conserve surtout pour les enfants de nos jours.
Le succès du chocolat sur la longue durée se fera davantage sous sa forme solide.

Des boissons au cœur de la mondialisation

La consommation du café et du chocolat tels que nous les connaissons actuellement nécessite une série de transformations techniques relativement complexes qui expliquent en partie leurs histoires respectives.
Le thé est plus facilement et directement buvable. En conséquence, il concerne d’abord des «sociétés de commerce».
Café et chocolat sont l’affaire des «entreprises industrielles, devenues souvent des acteurs clés du secteur agro-alimentaire».
La commercialisation et la production de ces boissons est ainsi d’abord liée à la maîtrise des mers par les puissances européennes, à la colonisation de vastes territoires et à l’emploi d’esclaves dans les plantations.
Ancêtres lointains de nos multinationales, les compagnies maritimes ont joué un rôle essentiel dans cette diffusion :
Compagnie unie des Indes orientales pour les Hollandais, East India Company pour les Britanniques ou Compagnie d’Orient pour les Français.
La production du café, du chocolat et du sucre n’ont eu lieu qu’avec l’apport d’une main d’œuvre d’esclaves africains : les bateaux important en Europe ces matières premières servent alors de négriers à l’aller.
Enfin, la diffusion de ces boissons contribue à une uniformisation des pratiques alimentaires matinales. Au XIXe siècle, le petit-déjeuner devient «le dopant de la révolution industrielle». Au niveau mondial, le Sud agricole nourrit le Nord industrieux».

L’histoire du petit-déjeuner touche-t-elle bientôt à sa fin ?
  • En Occident, le désintérêt d’une partie des adolescents pour le petit-déjeuner et la montée en puissance de la pratique (dominicale) du brunch en annoncent peut-être le déclin.
  • Plus largement, la «tendance croissante […] à vouloir manger des produits locaux» au Nord risque de heurter fortement une pratique alimentaire fondée sur la consommation d’importations tropicales.
  • Ce mouvement est cependant parallèle à celui en faveur du commerce équitable à l’échelle mondiale, dont le café est l’un des produits phares avec le chocolat.

PRODUCTION ET CONSOMMATION DE CAFÉ

La production mondiale de café est actuellement de 9000 milliers de tonnes. Elle a progressé d’environ 50% sur les 15 dernières années. Les 4 principaux pays producteurs sont le Brésil (2600), le Vietnam (1650), la Colombie (800) et l’Indonésie (650).

La consommation par pays est :
EN EUROPE
Consommation en kg par habitant
Finlande
12.0
Norvège
9.9
Danemark
8.7
Pays-Bas
8.4
Suède
8.2
Suisse
7.9
Belgique
6.8
Autriche
6.1
Italie
5.9
Allemagne
5.5
Grèce
5.5
France
5.4
Estonie
4.5
Lituanie
4.5
Espagne
4.5
Portugal
4.3
Grande-Bretagne
2.3
Russie
1.7
AILLEURS
Canada
6.5
Brésil
5.8
États-Unis
4.2
Japon
3.3
Australie
3.0
Angola
0.1
Rapporté dans COURRIER INTERNATIONAL