mercredi 20 février 2019

Giacometti de 1935 à 1947 : la Longue marche


Dans la biographie qu’en a faite Anca Visdei, le chapitre “La Longue Marche” (titre qui s’inspire d’un entretien ultérieur avec l’historien d’art Pierre Schneider), couvre les années juste avant la Guerre ; puis pendant celle-ci - en partie à Genève où il se lie avec Annette Arm, qui deviendra plus tard sa femme ; et enfin le retour à l’atelier parisien, où Annette le rejoindra.

Le propos n’est pas ici d’en dévoiler le contenu - ce serait un double appauvrissement : vu la richesse du texte originel ainsi que le plaisir de la lecture.

À propos du chapitre précédent, je n’avais fait qu'effleurer le contexte historique et idéologique du cheminement artistique de Giacometti ainsi que du mouvement surréaliste qu’il avait alors accompagné. Des histoires personnelles ou interpersonnelles dans la grande Histoire. Allez-y, précipitez vous dans ces pages : Giacometti n’était pas neutre, bien d’autres surréaliste non plus.

Avec la Guerre qui se rapproche et qui va servir de toile de fond au présent chapitre, on grimpe de quelques degrés. J’ai choisi un angle d’observation relativement décalé et mis l’accent sur la relation d’Alberto avec Isabel. À grands traits, et avec des omissions - exemple flagrant : le rôle d’Isabel dans la propagande antinazie.

De même, nous devons à la présence du journaliste américain Robert Wernick, arrivé à Paris à 20 ans en 1938 et qui a vécu une grande partie de sa vie dans le 14ème arrondissement, une information précieuse sur les frères Giacometti qu’il connaissait fort bien. Ce qui nous vaut un article a priori assez rocambolesque et dûment relaté dans la biographie, sur la façon dont Paris s’est vidé à l’approche des Allemands en 1940 (“The Cambronne picnic - Alberto Giacometti and the End of the World, Paris, June 13 1940”) - le lien de son blog fonctionne encore, 5 ans après sa mort en 2014 :
L’article se prolonge sur les routes de l’exode à bicyclette - histoires individuelle et Histoire, c’est un témoignage exceptionnel.

Revenons à la “Longue marche” : En 1935, cela fait bientôt 15 ans qu’Alberto est à Paris. Il vient de se séparer des surréalistes et ainsi se clôt une parenthèse d’une dizaine d’années. En 1925, il avait renoncé au modèle vivant et à l’étude d’après nature pour ‘inventer des œuvres dans la tête’ (“les plaques”). Il opère maintenant un demi-tour en sens inverse : travailler “avec un modèle toute la journée”. Il pensait résoudre cela en deux semaines, cela lui prit le temps de sa vie.

Alors qu’il se consacre à sa nouvelle manière de travailler, son environnement se reconstruit lui-aussi. Il se rapproche d’André Derain dont il est un admirateur : “Depuis l’instant de ce jour en 1936 où une toile de Derain vue par hasard dans une galerie (...) m’a frappé d’une manière totalement nouvelle (...) toutes les toiles de Derain(...) m’ont forcé à les regarder longuement, à chercher ce qu’il y avait derrière.”

Sartre et Beauvoir qui le croisent au Dôme s’intéressent à lui, jusqu’à des amorces d’une collaboration qui, à un rythme mesuré, se poursuivra quand même une trentaine d’années en attendant de se rompre en 1964.

On le voit aussi, lui, le mesuré et profond qui creuse son sillon, face à un Picasso brillant, accumulant les œuvres, extraverti. Deux génies qui se respectent sur un fond d’ententes provisoires et d’un peu de méfiance.

Toute autre relation, celle entre Alberto Giacometti et Samuel Beckett : “puissants démiurges de leur époque, arpenteurs de la condition humaine, ces deux provinciaux universels se préoccupaient de sens métaphysique, de l’avenir de l’homme et ils rendaient leur réponse et leur sentiment par des œuvres métaphoriques que l’absence de références parasites rend éternelles.”


Mais comment ne pas se laisser captiver par l’attention qu’Anca Visdei nous conduit à porter à Isabel? Je vous recommande de vous y plonger. Cela s’égrène tout au long du chapitre : Isabel I : la rencontre ; Isabel II : l’accident ; Isabel III : à la veille de l’exode ; Retour à Paris : Isabel IV ... On aurait presque attendu d’autres épisodes … De 11 ans plus jeune qu’Alberto, elle a quitté sa Grande-Bretagne natale pour Paris.  “Supérieurement intelligente, c’est une femme qu’on ne peut ignorer, tant pour sa présence physique que pour sa personnalité” souligne Anca Visdei. Inscrite à la Grande Chaumière, elle commence par poser pour Derain. Elle rencontre Alberto Giacometti et pose pour lui.

Portraits d'Isabel par Derain 

Ici deux étonnements :

“D’après les écrits de ce dernier, le premier buste qu’il fit d’elle fut l’un des rares qui ne lui donna pas de fil à retordre. Aucune allusion à l’impossibilité de représenter le modèle, pas de désespoir créatif. Non : ce buste sort des mains du sculpteur aisément, avec naturel et s’impose à l’observateur avec évidence.”

Et, en 1937, “elle se rend presque quotidiennement à l’atelier de la rue Hippolyte-Maindron. Elle y travaille ses aquarelles, elle visite le Louvre et d’autres musées avec Giacometti (...) La présence d’Isabel dans l’atelier d’Alberto est exceptionnelle : c’est l’unique fois où il partagera son atelier avec quelqu’un. Même Diego travaille dans un atelier contigu.” Arrêtons-nous provisoirement ici et retenons ces mots: “Ils sont en harmonie, en constante communion. En miroir.”

Juin 1940 : Alberto est encore à Paris - échanges de correspondances. Brèves retrouvailles, le temps d’une nuit, avant le départ d’Isabel pour l’Angleterre. Ils feront ensuite des efforts surhumains pour correspondre. Elle aura été “à la fois, une amante, un camarade de travail, une très belle femme et un petit soldat courageux. Jamais il ne retrouvera cet ensemble de qualités chez une autre. En plus, elle est talentueuse.”

Fin 1945 : Giacometti retrouve Paris. Isabel aussi est là. Elle et Alberto auraient vécu quelques mois ensemble - rien de sûr. Lors du réveillon de Noël, elle part sous ses yeux aux bras d’un beau musicien. C’est fini - même s’ils resteront amis jusqu’à la fin de leurs vies.

1987, elle fait partie des personnalités proches des Giacometti, qui ont signé un encart paru dans “The New York Review of Books”, d’autres magazines en anglais, ainsi que dans “Le Monde”, désapprouvant clairement la biographie que James Lord vient de publier sur Alberto.

C’est épouvantablement condensé, je sais : il vaut mille fois mieux se laisser porter voire enchanter lors de la lecture directe.

Et pour mémoire, car nous avons sauté quelques étapes :

D’abord une anecdote (toujours significative comme on sait) : en 1939, pour une exposition suisse d’importance nationale, on a préparé, en bonne place, un socle immense pour une œuvre de Giacometti. Celui-ci s’y rend au dernier moment avec sa sculpture … minuscule … dans sa poche.

Début 1942, Alberto s’installe à Genève où habitent son beau-frère et son neveu Silvio, orphelin d’Ottilia, sœur d’Alberto, morte en couches 4 ans plus tôt. Sa propre mère est également venue pour s’occuper du petit. Son lieu de vie et de travail est dans un petit hôtel. Il constate que ses sculptures rétrécissent de plus en plus.  Puis mouvement en sens inverse avec la Femme au chariot et orientation qui s’ébauche vers de longues figures émaciées.

C’est d’ailleurs à Genève qu’il rencontre de plus en plus régulièrement sa future femme, Annette, de 22 ans sa cadette. Elle ne le rejoindra à Paris qu’à mi-1946, environ 6 mois après la rupture entre Isabel et Alberto. Elle s’installera dans l’atelier - les rapports au sein du trio avec les deux frères ne sont pas toujours évidents. Le mariage, sous acquiescement quasi arraché à la mère, aura lieu mi-1949.


jeudi 14 février 2019

L’aventure surréaliste d’Alberto Giacometti



Pour ceux qui aiment se raccrocher à la chronologie, la vie d’Alberto Giacometti pourrait se répartir en trois tranches d’une vingtaine d’années chacune, avec une interruption pendant la 2nde Guerre mondiale : l’enfance et l’arrivée à maturité dans les Grisons ; Paris de l’Entre-deux-guerres ; puis Paris de l’Après-guerre, à partir de son retour de Genève.

Et la première tranche parisienne ne pourrait-elle pas elle-même se découper en quatre périodes de 5 ans ? Pas très poétique mais mnémotechnique : les cours à la Grande Chaumière ; les Plaques et l’installation, avec son frère Diego, dans l’atelier de la rue Hippolyte-Maindron ; et voici la rencontre avec les surréalistes - ils se tiendront compagnie de 1930 à 1935. C’est ce dont nous allons maintenant nous occuper. Le quatrième quinquennat (?) nous mènera ensuite jusqu’à juin 1940, quand les Giacometti tenteront de quitter Paris à vélo.

Le premier Manifeste du Surréalisme, d’André Breton, date de 1924.

L’idée à la base (est) l’abolition de toute autocensure. L’inconscient doit s’exprimer sur n’importe quel support et sous n’importe quelle forme, à condition que l’émotion ressentie soit la plus forte possible. Cette idée-là ne pouvait que plaire à Giacometti.

Dans sa Boule suspendue - composition apparemment simple, exposée en mai 1930 - il y a tant de choses :

le sexe, les planètes, la-pendule-du-salon-qui-dit-oui-qui-dit-non, l’inexorable passage du temps… et ce fil, est-il solide ? Serait-il filé par le fuseau des Parques ? Protège-t-il la boule ? La retient-il ? Tout est exprimé et rien n’est dit.

[...] Impressionnés (...) Breton et Dali (...) invitent Giacometti à faire partie de leur groupe et à participer à leurs réunions. [...] Bien avant l’adhésion, Giacometti était surréaliste jusque dans sa manière d’être.

[...] Peu d’œuvres de cette époque-là, créées sous l’égide du courant surréaliste, allaient passer l’épreuve du temps. Celles de Giacometti, elles, feront date. André Breton, malgré ses penchants dictatoriaux, était un homme de goût : il réalisait que Giacometti était l’un des prochains grands qui allait faire sa route, avec ou sans lui…

[...] Giacometti, lui, adhère au surréalisme car, écrit-il : 'C’était le seul mouvement où quelque chose d’intéressant se passait.'

Au fil des pages, Anca Visdei nous offre une fine et sensible analyse d’œuvres où la violence est pourtant loin d’être exclue. Inutile de les recopier : il faut les parcourir soi-même.

[...] Ses œuvres de l’époque reflètent son état intérieur avec des notations sur des expériences très intimes, références autobiographiques qui disparaîtront par la suite de son art plastique, se réfugiant uniquement dans ses textes.

[...] Mais Giacometti a bien pris le soin de le préciser : ces sujets ne sont pas que sexuels. L’artiste cherche à y représenter le mouvement.

Alberto est par ailleurs un sujet recherché par les photographes : il le restera. Et pas par n’importe lesquels : à cette époque, surtout Man Ray. Qui s’intéressent autant à lui qu’à ses œuvres.

C’est aussi l’occasion pour l’auteur de dresser un portrait particulièrement renseigné sur couple des Noailles dont le mécénat éclairé a, en quelque sorte, exploré et orienté la vie artistique, littéraire, musicale, cinématographique… de leur époque - surréalistes… et Giacometti compris : n’avaient-ils pas, dès 1928 contribué à le mettre en meilleure lumière en lui achetant notamment La Tête qui regarde, chez Jeanne Bucher ?

Faut-il s’arrêter ici à chacun de ces changements d’angles qui enrichissent notre compréhension et de l’œuvre et de la démarche et de ce que l’une et l’autre sous-tendent ? À la signification de l’emploi de cages et/ou de cadres quant aux effets de volume, au travail comme une quasi religion (l’ascèse du titre de la biographie refait ici surface) ? À sa mise vestimentaire - preuve de respect : à l’égard des autres et de soi ? À la sexualité et à la cruauté dans ce qui est désigné par plaques de jeu ? Aux rôles du jour et de la nuit ? Toute paraphrase deviendrait inutile - mieux vaut inviter chacun à y aller voir soi-même.

C’est aussi l’époque où Alberto (qui, là, dessine - vases, lampes, appliques, mobilier...) - et Diego (qui réalise) travaillent pour Jean-Michel Frank, un des meilleurs décorateurs de l’époque au service de la classe aisée.

Les événements extérieurs et l’inflexion prise pour ses propres créations font que les temps changent, et parfois vite. La crise économique mondiale commence à secouer les marchés, les fortunes et la raison d’être d’artistes qui en dépendent. Sans oublier la montée des fascismes… qui ne sont pas la tasse de thé des surréalistes.

Plus proche, Diego - avec qui il continue de travailler - est en train de se “caser”. Son père Giovanni meurt.

Une sculpture comme L’objet invisible - femme étrange et filiforme, à la tête de masque aux yeux immenses, aux mains splendides tenant littéralement le vide - est (sous toute réserve, habituelle à son auteur) magnifique. La priorité de Giacometti sera désormais d’exprimer l’émotion que les objets et les êtres créent en lui et ce sera à cette aune qu’il mesurera les œuvres des autres.




Dans la dernière partie de cette Aventure surréaliste, on assiste à l’exclusion - à son tour - d’Alberto. L’attitude dictatoriale d’André Breton permet d’employer le terme de terreur. Ce qui nous vaut une séquence digne d’un film - une charge où les cavaliers s’effondrent les uns après les autres ? Ou un rappel du fonctionnement à haut régime de la veuve, du temps de la Terreur, avec un T majuscule. On y voit défiler une bonne vingtaine d’exclus nommément désignés, sans compter, les groupes, les chapelles, les charrettes… Bien que trotskiste, le Pape du surréalisme est dit user de méthodes staliniennes.

Ce qui permet de mieux savourer l’ambiance dans le cas Giacometti. Mise en scène, avec prélude sournois, comparution, acte d’accusation, invitation à s’humilier dans la repentance… Mais où l’on voit aussi l’indépendance de caractère de celui qui devient notre héros.

La réponse de Giacometti a dû les laisser pantois. 'Je ne me laisserai pas juger par vous', se serait écrié Alberto avant de s’en aller. Le tribunal auto désigné reste bouche bée, peu habitué à ne pas être supplié lors de ce genre d’exclusion aux conséquences graves tant matérielles que sociales. Autre version, à peine différente, mais c’est celle de Giacometti : 'J’ai dit pas la peine : je m’en vais.' Et comme ils n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur un motif, il n’y a pas eu d’excommunication publique.
[...] Ce passage par le surréalisme avait duré à peu près cinq ans, de son enrôlement à son exclusion du groupe. Sans diminuer l’importance du courant ni l’enthousiasme avec lequel il l’avait embrassé, l’artiste a toujours considéré cet intermède comme un accident temporel par lequel il devait passer, comme il avait reçu et accepté la leçon d’autres courants artistiques.

[...] La rupture est une excellente chose pour l’œuvre de Giacometti.
C’est ce que nous aurons à apprécier en continuant de cheminer dans cette biographie. Nous aborderons 'La Longue Marche' qui va nous amener au début de la Guerre puis au retour à Paris après celle-ci.


vendredi 8 février 2019

Les débuts d’Alberto Giacometti à Paris




Rappel sur les chapitres précédents

Grâce à la biographie que vient de lui consacrer Anca Visdei, nous avons bien pris conscience que, pour Alberto Giacometti, l’entracte italien entre les études classiques et celle plus approfondie au service de sa vocation de sculpteur et de peintre a été déterminant.

Non seulement, Venise, Padoue, Florence, Pérouse, Assise, Rome ou Naples lui ont apporté autant de chocs avec Le Tintoret, Giotto, les Étrusques, Cimabue…
Non seulement sa juvénile complicité avec son irrésistible cousine Bianca en anticipe à mon sens une autre : celle qui s’épanouira deux décennies plus tard avec l’étonnante Isabel…
Mais la mort à ses côtés dans les Dolomites de son compagnon de voyage Van Meurs (je n’invente rien), provoque en lui un déclic : l’ascèse et la passion qui font le titre du livre se consolident en lui pour de bon, sorte de boussole pour sa vie et sa création artistique.

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Il a guère plus de 20 ans. Il s’installe à Paris, s’inscrit à l’Académie de la Grande Chaumière alors sous la houlette d’Antoine Bourdelle. Il y étudiera cinq ans. Heureusement que l’auteur nous conduit par la main - pas d’illusion :

L’apprenti sculpteur Giacometti avait un problème : il savait trop bien ce qu’il voulait. Difficile, quand le but est si clairement défini dans son esprit, de se plier à un enseignement de routine, avec des stations obligées dans l’acquisition. Des élèves moyens, en admiration du maître, peuvent s’y conformer, mais pas nécessairement les jeunes génies.

[...] Curieux de tout, Giacometti visite les musées de la capitale. Il a des rendez-vous fréquents avec l’art océanien, africain, précolombien et cycladique au musée du Trocadéro. Assidu au Louvre, il couvre ses carnets de croquis. [...] Sa curiosité est insatiable. Pas seulement pour les œuvres du passé : il s’intéresse à tous les artistes, à toutes les recherches. Il fréquente les galeries.

[...] De même que Bourdelle s’était rebellé contre son maître Rodin, pour tracer sa propre voie [...] dans ses lettres à ses parents, écrites en italien, Alberto confesse qu’il lui arrivait de contredire complètement Bourdelle.

C’est à l’issue de cette formation parisienne qu’il opte de louer un minuscule atelier, dans le 14ème arrondissement. Il avait jusqu’alors vécu dans des chambres d’hôtel ou occupé des ateliers qui lui avaient été prêtés dans le même quartier. Il s’était, un temps, rapproché de Flora Mayo, une américaine qui suivait cette même formation à la Grande Chaumière.



Son installation coïncide avec l’arrivée de son frère Diego (prénom donné en mémoire de Vélasquez - on n’est pas artiste pour rien dans la famille). Arrivée orchestrée presque manu militari par leur mère Annetta dont on a déjà évoqué le rôle dominant dans le foyer. Diego - qui ne manque ni de qualités, notamment artistiques, ni de savoir-faire, ni de contact humain - vivra dans ce même atelier et restera pratiquement au service de son frère aîné jusqu’à la mort de ce dernier, 40 ans plus tard.

On pourra, à cet égard, se reporter à l’analyse (terme à prendre au sens fort) que Claude Delay qui les a l’un et l’autre connus, en a faite il y a une douzaine d’années : Giacometti Alberto et Diego. L’Histoire cachée.

C’est aussi à partir de cette époque qu’Alberto commence à voler de ses propres ailes.

Déjà au cours des dernières années chez Bourdelle, un décalage s’était opéré entre le travail sur modèle pendant les cours, et ce à quoi il s’adonnait par ailleurs :

[...] son principal problème reste la recherche d’un nouveau moyen artistique et/ou technique pour exprimer sa réalité. Or sa réalité est de représenter la totalité, sans omettre les détails. Malgré la définition bidimensionnelle du dessin, Giacometti veut y introduire la troisième dimension.
Dans ses sculptures de têtes, il veut donner à voir l’intégralité du modèle représenté, en un seul clin d’œil, sans déplacement de l’observateur qui, placé frontalement devant le buste, n’en voit évidemment pas l’arrière. Théoriquement, c’est mission impossible [...]


C’est alors qu’il décide de prendre un virage à 180 degrés : inventer des œuvres dans la tête.
Cette approche sera la sienne pendant une (...) dizaine d’années au bout desquelles il reviendra au chemin jadis quitté, reprenant son travail d’après nature. Laissant affleurer son inconscient (...) Giacometti commence la série des plaques, dont le sujet est toujours conceptuel. Renonçant à la ressemblance visuelle, il s’attelle à présenter une ressemblance d’essence et ceci avec le minimum de moyens [...] cela se réduisait à très peu de chose (…) à une plaque posée d’une certaine manière dans l’espace, confiera-t-il.
Après Homme et femme, inspirée d’une statuette en provenance du Gabon, il sculpte et expose en 1926 sa célèbre Femme cuiller :

Elle perturbe notre appréhension du corps féminin. Une tête minuscule, un buste polyédrique sans douceur ni courbes. [...] Dans son excellent ouvrage, Alberto Giacometti, malheureusement pas encore traduit en français, Reinhold Hohl (...) souligne à juste titre que seuls Giacometti et Brancusi ont su, se servant de l’éloquence de l’art africain et de ses formes, aboutir à de telles présences magiques.

Plus concrètement, son père qui pourvoyait jusqu’alors à ses besoins, lui dit qu’il devait désormais essayer de se prendre en main. Nous allons ainsi, sous la conduite d’Anca Visdei, suivre le cheminement d’Alberto, toujours fidèle à son atelier qu’il vient de louer dans le 14ème. D’abord jusqu’au début de la 2nde Guerre mondiale (période au cours de laquelle il quittera Paris pour Genève avant d’y revenir - Diego montant en quelque sorte la garde à l’atelier parisien), puis au cours de la vingtaine d’année, de son retour à sa mort.

Trois étapes jusqu’au retour après-guerre à Paris : le rapprochement (qui va vers qui ?) avec les Surréalistes ; de l’adhésion (1930) jusqu’à l’exclusion (1935) ; puis ce que l’on a appelé : La longue marche. Nous nous en tiendrons cette fois à la première de ces étapes.

En premier lieu, Alberto continue à travailler sur les sculptures plaques. Sa quête constante, l’une de ses originalités marquantes, est celle d’une synthèse entre la peinture et la sculpture dans cette tentative de saisir le monde et le représenter dans sa totalité. Les sculptures seront donc peintes et réduites à deux dimensions. Des sculptures surfaces. Des sculptures tableaux.

Il racontera plus tard que, de retour de l’Académie, il essayait de dessiner ce qu’il lui en restait sur la rétine. Mais tout lui semblait faux : les bras, les jambes, la tête. Il ne lui restait comme permanence de la vision qu’un carré avec deux trous figurant l’horizontal et le vertical. Ceci donna la Tête qui regarde de 1928, chef d’œuvre en marbre blanc poli dont le carré-visage n’est altéré que par deux alvéoles ovales dont l’évidence s’impose.
Pour ses soutiens indéfectibles d’origine grecque à Paris - Christian Zervos et Tériade - l’art des Cyclades est à l’origine des œuvres de cette période. De telles oeuvres ne laissent pas le monde artistique indifférent.

Giacometti expose (...) dans la petite mais réputée librairie-galerie-appartement de Jeanne Bucher, femme à la forte personnalité, rigoureuse, à l’œil aguerri et au goût très sûr. A côté des œuvres de Lipchitz et Laurens, figurent deux plaques : Personnage et Tête qui regarde. Ces deux œuvres feront connaître Giacometti du jour au lendemain car elles seront rapidement achetées par Marie-Laure et Charles de Noailles.

Ce qui lui attire non seulement des contrats mais de nouveaux amis - notamment aussi bien des plus ou moins dissidents des surréalistes qu’alors des surréalistes pur sucre. Des portes de galeries renommées s’ouvrent à lui, ainsi que les pages de revues d’art. Il commence à percer au-delà des frontières de l’Hexagone - y compris dans son pays d’origine.

Et il n’a d’ailleurs pas perdu le contact avec Stampa et Maloja du Val Bregaglia. Il va s’y retaper chaque été - sa mère aux petits soins et son père le conseillant, l’encourageant et peignant avec lui.

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À suivre - avec pour la prochaine fois un plat de résistance… savoureux :
L’aventure du surréalisme


Tous les 9 du mois, une messe pour Johnny



J’ai sélectionné ici une vidéo dont j’avais cru au début qu’elle avait été montée de toutes pièces.
Et même qu’on aurait fait venir des figurants, heureux de percevoir un “cacheton” qui mette du beurre dans leurs épinards et leur donne accès aux prestations sociales propres aux intermittents.

Eh bien non : il s’agit de personnes venues spontanément pour cette messe-hommage. Certes, il y a eu un montage a posteriori dont les effets me semblent être :
. de donner une vue d’ensemble et de l’ambiance de l’événement chez les participants ;
. de monter aussi en épingle quelques réactions émotionnelles et néanmoins relativement authentiques ;
. de faire comprendre l’organisation, notamment des chants ;
. de donner la parole au curé de la Madeleine pour qu’il précise ses motivations, et pourquoi et comment il s’y prend ;
. d’accompagner l’image par un sous-titrage, en particulier sur ce que les gens disent.


Cette vidéo dure 5 minutes.

Si on se réfère aux annonces du calendrier des messes, il s’agit de celle du 9 janvier 2019 - cette vidéo est d’ailleurs apparue vers fin janvier.

    

    

    

    

    


Cette vidéo a été tournée pour Konbini - on la retrouve dans les pages de Konbini sur Facebook (la version ci-dessus a été choisie sur YouTube afin que ceux qui ne sont pas inscrits sur Facebook puissent y accéder).

Konbini est un média d'info-divertissement fondé à Paris en 2008. Le nom du site est une référence au konbini japonais, magasins de proximité ouvert 24 h / 24. Sa stratégie passe par une présence importante sur les réseaux sociaux et cible les jeunes âgés de 18 à 30 ans.