jeudi 27 novembre 2008

FIP-flop

-
Attention, subjectif...
Principe de précaution : cet article ne cherche pas à interférer avec le débat politique de cette fin d'année 2008 sur la réforme de l’audiovisuel ; il n’émane pas non plus de quelqu’un qui aurait un intérêt ou des contacts avec une station de radio ou avec des syndicats soucieux du devenir de leurs adhérents. Prenez-moi comme un auditeur avec la subjectivité que cela suppose.
-
Un des traits de cette subjectivité : je ne fais pas partie de celles ou de ceux dont la motivation première est de suivre des exposés, des discussions, des commentaires ou des bulletins d’information – ni, à la limite, de ceux qui trouvent réconfortant d’avoir une voix humaine en fond sonore. Je mettrais presque la publicité dans le même sac : moins elle débarque, mieux je me porte.
-
Éloge en faveur des grèves à la radio
C’est pourquoi j’ai régulièrement éprouvé un bonheur très spécifique chaque fois que l'on a annoncé une grève sur la radio nationale. Pensez-donc ! Les bavardages sur la musique qui étouffent la musique s’évanouissent ; la méta-culture sur la culture s'évapore dans un ciel serein ; le prêt-à-penser sur la vie quotidienne est remisé à la cave… A la place, un programme musical continu, variant les genres de façon relativement équilibré, et souvent bien choisi…
-
Mais on n'a pas la chance qui fait le charme d'autres secteurs, à savoir que ces grèves se répètent et s'étirent dans la durée : elles ne sont qu'épisodiques. De plus - à l'image de la nostalgie - la qualité du programme de remplacement n’est plus ce qu’elle était.
-
Il restait néanmoins deux refuges : FIP du côté variétés et Radio Classique, comme son nom l’indique. Las ! Le bavardage et la réclame – explicite ou rédactionnelle – les grignotent, les rongent, les engloutissent l’une et l’autre et - surtout - mettent à mal l'équilibre entre les genres qu’elles avaient jusqu'alors réussi à trouver.
-
Le refuge des variétés : touché, coulé
Dans le premier cas, celui des variétés, le coin enfoncé depuis quelque temps en faveur d’établissements se gargarisant de jazz contemporain a fait tache d’huile. Tous les quelques morceaux, une soi-disant sélection de la station est prétexte à promouvoir ce dont on n'avait jamais entendu parler hier et dont on constate que cela sera passé aux oubliettes demain. Le programme est interrompu de façon répétitive par de longues phrases aux adjectifs ampoulés que la speakeresse égrène en traînant sur les syllabes. La modulation de voix qui faisait le charme des brèves informations humoristiques d'antan sur le trafic ou la météo devient source de tics.
-
Malgré quelques mieux épisodiques quant à la diversité des morceaux (il est plus efficace de féliciter que de dénigrer), le tropisme promotionnel vers les productions éphémères est peu encourageant.
-
Le refuge du classique : touché, coulé
Dans le second cas, celui de la musique classique, l’esprit qui avait présidé à la création de cette radio privée a coulé corps et biens en reproduisant les défauts bien connus de son équivalente nationale. C'est le tsunami du poly-monologue entre professionnels, plus convaincants quand ils s'expriment en jouant que quand ils s'étalent en pépiant et glosant. Et, cherry en plastique sur la gélatine du cake, le coup fatal est porté aux quelques courageux qui restent encore, sous la forme d'une curieuse et irritante publicité que la station se fait pour elle-même, plus celle – à bases de stéréotypes qui justifieraient une analyse bourdieusienne – pour des CD et des concerts.
-
Puisqu'il faut un couplet positif : découvrez de jolies perles, non accompagnées de commentaires, entre 2 heures et 4 heures du matin.
-

Autisme : premier bilan

-
Une pièce de jeu au domicile familial
Voici un mois qu’en accord avec l’institution scolaire, Émile en a pris provisoirement congé pour, mettons, un ou deux ans. Une ou deux fois par semaine (au total, dans les 40 heures), des bénévoles se relaient dans la petite pièce de jeu aménagée au domicile familial.
-
On y trouve notamment une table et deux chaises, un trampoline, un toboggan et une balançoire – tout cela à sa dimension – ainsi que de gros ballons et une étagère murale où sont rangés ses jouets et livres, théoriquement hors de sa portée afin qu’il ait à les désigner et qu’on les atteigne pour lui, avant de s’en servir.
-
Sur le mur d’en face, un miroir où il se voit en entier, et un tableau noir avec les jours de la semaine, les mois et les nombres de 1 à 31. On obtient la date en encadrant l'information qu'il faut, grâce à des rectangles aimantés. L'adulte dit par exemple le mois : Émile sait placer le rectangle au bon endroit. Suspendues par des pinces comme du linge en train de sécher, les photos des volontaires qui passeront dans la journée.
-
Première réunion mensuelle
Une réunion est organisée à peu près chaque mois, qui permet d’abord aux bénévoles qui ne font que se succéder, d’échanger sur ce qu’ils ont vécu. On relève des constantes, mais on s’aperçoit que, de l’un(e) à l’autre, le contenu de ces séances d’une heure et demie avec Émile est très varié : à son rythme et sa demande, beaucoup d’activités physiques (y compris se cacher, câlins, lutte, massages, danser…), ainsi que des périodes de plus grande concentration : des lectures, des jeux logiques, des chansons, des activités imaginaires, des questions / réponses… Compte tenu de l’éventail des apports de chacun(e), il lui arrive aussi de parler en espagnol ou en anglais.
-
Des représentants de l’association qui a mis au point la méthode grâce à une expérience réussie avec plusieurs dizaines d’enfants, sont là pour nous conseiller. Nous passons en revue une vingtaine de thèmes (langage, regard, stéréotypes, miroir, interactions, faire semblant…) et cherchons à les évaluer sur une échelle de 1 à 4. Il ne s’agit pas tant de noter pour noter que de devenir capables de suivre la progression d’un mois sur l’autre.
-
Impressions partagées
Dans l’ensemble, nous en retirons le sentiment qu'Émile est sur la bonne voie ; qu’il a une grande capacité de mémoriser et d’intellectualiser, associée à une volonté d’y arriver ; mais cela masque de réelles insuffisances dans la perception qu’il a depuis les débuts de son propre corps. C’est avec ces bouts de prise de conscience que nous nous donnons rendez-vous pour la prochaine réunion mensuelle, début 2009.
.
Ce billet fait partie d’une série qui permet de suivre l’évolution d’Émile (ce n’est pas son vrai prénom) depuis septembre 2008 : on y accède directement en cliquant sur le thème Autisme dans la marge de droite.
D’autres articles sont voisins, notamment ceux sous le thème du Cerveau, ainsi que ceux des 15 et 16 juin 2009 (Chiffres, langues… et Savants vs neurotypiques, qui figurent aussi sous le thème de l’Autisme), ou du 27 juin 2009 (Mémoire photographique)
-

dimanche 9 novembre 2008

Brassens dans le 14ème


-
Sur la trace des nuages
Quand le baromètre chute, j'appelle des proches à La Rochelle. Que vaut pourtant le leur ? Car leur microclimat suit le rythme des marées. Si des nuages y défilent néanmoins, c'est qu'on va les voir bientôt arriver ici. Ils suivent le trajet des TGV : Niort, Poitiers... doit-on parler de Tours ? Dieu ! Que Saint-Pierre-des-Corps est triste le long des voies !
-
Les voilà : ils franchissent le périphérique parisien et le boulevard des Maréchaux. Quelle rue vont-ils emprunter ? Ce sera aujourd'hui celle qui s'appelait la rue de Vanves et que l'on a rebaptisée du nom d'un résistant fusillé par la Gestapo. Elle est devenue une longue voie commerçante que l'on peut remonter jusqu'au cimetière du Montparnasse.
-
Un p'tit coin d' parapluie
Je m'y engage à mon tour, justement. Quelques dizaines de pas... premières gouttes. Recherche d'un endroit sec en rasant les murs. Face à Notre-Dame du Rosaire, un petit espace mieux protégé - devant un coiffeur pour homme. A cet endroit, une femme, visiblement intéressée par la vitrine - pas banale car remplie de photos-souvenirs de Georges Brassens. Pluie légère mais qui ne semble pas vouloir s'arrêter. Allons-y quand même. Elle me propose un coin de son parapluie – situation bizarre : c'est à l'inverse de ce qui est dit dans la chanson.
-
Impasse Florimond
Flash-back : Georges Brassens a longtemps habité le quartier. Plus loin, près du croisement avec la rue d'Alésia, il a été hébergé une vingtaine d'année chez la Jeanne, celle d'un de ses airs les plus connus. Un autre titre évoquait le parcours emprunté : Entre la rue Didot et la rue de Vanves.
-
Nous y sommes. Au surréalisme de la situation répond celui d'un lieu que quelques décennies ont profondément transformé. Une station-service d'un vert franc, précédée par un imposant panneau d'affichage des prix (SP 98, SP 95...), dans les mêmes tons, qui masque l'entrée de la minuscule impasse Florimond. Une plaque de marbre de dimension A4 indique que c'était bien là.
-
En face, un long immeuble, balcons en verre fumé, surplombe une supérette, une autre station-service, amarillo, et un point de vente d'Emmaüs. La pluie a cessé, et de même le rêve éveillé. Je m'éloigne de l'ex-rue de Vanves pour me rapprocher de la rue Didot et du café où il se rendait, dit-on, parfois – comme le faisaient Joseph Kessel ou Alberto Giacometti.-
(Outre la plaque de l'impasse Florimond, cet article est illustré par une apparition inattendue : on aperçoit l'église Saint-Pierre-de-Montrouge, en cours de rénovation à la Christo. Et, en perspective au fond, la tour Montparnasse.)
-