dimanche 26 août 2012

L’été à l’affiche

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Mois d’août à Paris. Pour ce fouineur de revues et, plus généralement, de l’écrit qu’est l’ami Till, un endroit idéal pour ses vacances. Il risquait d'être mis au régime sec. Sous prétexte de numéros doubles, plusieurs périodiques escamotent leur parution pour une semaine ou deux, parfois un mois. Beaucoup de kiosques à journaux sont fermés. Et même si quelques bonnes librairies mettent un point d’honneur à rester ouvertes, la rentrée littéraire est quand même pour plus tard.
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Enfin, les Parisiens se sont évaporés et les touristes remplissent métro et lieux de passages obligés de leur babillage babélien. Et si la luminosité du ciel épargne l’espace public d’une multiplication des flashes, ça mitraille néanmoins allègrement. Allez savoir pourquoi, pouvoir revenir en disant J’y étais, planté(e) à proximité de la statue de la Femme aux pommes, près du Sénat face à la Fontaine Médicis, semble pour certain(e)s relever du must.
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Cette sculpture qui ne manque pas d'une certaine grâce sensuelle, est de Jean Terzieff.  Elle a été réalisée pour l'Exposition universelle de 1937 à Paris. Les bras levés, la femme tient une pomme dans chaque main : les pommes de la discorde entre les peuples. Et elle tente de les écarter. Rappelons que deux pavillons imposants se faisaient face lors de cette exposition : celui de l'Allemagne hitlérienne et celui de l'Union soviétique... et qu'ils reçurent l'un et l'autre une médaille d'or. Par ailleurs, le tableau Guernica, qui n'avait pas encore acquis la célébrité qu'on lui connaît désormais, était exposé dans le pavillon de la République espagnole.

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Privé donc en ces jours de grâce de sa ration ordinaire, l’œil sollicité par d’autres mirages, voici mon Till en vadrouille, le nez en l’air, le long des rues. Pas du côté de Paris-Plage, même si la Seine et son charme ne sont pas à dédaigner. De ses périples, il me ramène quelques anecdotes dont j’extrais ce qui suit. Il s’agit d’affiches de pub, de celles dont le déroulement inexorable gratifie passants et conducteurs d’un semblant d’animation le long des trottoirs (3, 4 ou 5 pubs dans un sens, puis les mêmes en marche arrière, et le cycle reprend…)
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Au début du mois, m’avoue-t-il, il a ressenti un petit choc. Parmi les bons conseils que la Mairie de Paris dispense à ses concitoyens, ne débarque-t-il pas une affiche qui – esquisse stylisée à l’appui, sur un fond vert tendre, je vous prie – annonce et vante l’édification dans un avenir certain de quelques IGH dans le 13e arrondissement.
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Ceux qui ont suivi depuis quelques années le débat musclé qui a opposé des points de vue pour le moins divergents au sein de la coalition qui préside aux destinées de la capitale, savent que IGH veut dire Immeuble de grande hauteur – en clair, jusqu’à 5 fois plus haut que le plafond jusqu’alors de rigueur (ne parlons pas des tours Eiffel et Montparnasse) de 37 mètres. Au nom du modernisme, de l’économie et du prestige, il y avait ceux qui étaient pour. Les Écologistes ruaient furieusement dans les brancards.
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Et Till n’était pas sans savoir que le chef de file des Verts dans l’équipe municipale venait tout fraîchement de se faire élire à l’Assemblée nationale et qu’il en avait même obtenu la vice-présidence. Élu dans quelle circonscription ? Une qui recouvre une bonne partie du 13e arrondissement, justement.
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Désireux que cette petite perle vienne s’ajouter à ses intéressantes archives, Till se promit de repasser le lendemain avec son appareil photo. Au choc initial s’en superposa un nouveau : les affiches prodiguant civiquement leurs conseils poursuivaient leur ronde monotone… mais celle à la gloire des IGH n’en faisait plus partie.
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Ce n’est pas de façon neutre que le terme de mirages a été choisi, plus haut dans ce billet : un moment durant, il a cru être victime de ce genre d’illusion.
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L’illustration aux aspects miroitants, qui figure en tête de ce billet, de l’IGH en question provient d’une autre source qui précise que le projet a été confié à l’Atelier Jean Nouvel et que l’opération pourrait être financée par des capitaux canadiens.
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Rendu prudent par cette première expérience, Till a pris des précautions quand, en cette fin de mois d’août et sur un panneau à une cinquantaine de mètres à peine du premier, il est tombé en arrêt sur une autre affiche – ne sachant au tout début démêler entre ce qui lui semblait relever de la politique et du commercial.
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Cette fois, c’est le texte qui l’a intrigué plutôt que le graphisme : d’abord le mot austérité et comme si un parti politique cherchait à s’exprimer à ce sujet – le PC. Plus embrouillant encore, mais en plus petits caractères... avec une Angela pour porte-parole.
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L'illustration vous en fournit la photo – et de l’affiche en entier et du texte. Car Till avait cette fois son appareil photo sous la main, d’autant qu’il était parti en reconnaissance pour repérer où se trouve la Fondation Henri Cartier Bresson, toute proche – comme en témoigne le panneau en arrière-plan. Fondation que l’on a récemment et amplement évoquée car elle avait été admirablement soutenue et dirigée par Martine Franck, la femme du célèbre photographe, qui vient de décéder ce mois-ci, huit ans après lui.
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En décodant un peu, les ressorts  publicitaires sont, somme toute, classiques. Attirer d'abord l'attention (le feuilleton de l'actualité politico-économique vient à la rescousse, sur un terrain vague entre subliminal et explicite). Induire alors une préférence (soulagement de pouvoir sortir la tête hors de l'eau). Faire une proposition (un produit, un prix, un revendeur ayant pignon sur rue). Il ne restera à ce dernier qu'à vous accueillir pour faire affaire... sur ce produit ou sur d'autres – l'objectif n'était-il pas de vous faire venir chez lui plutôt qu'ailleurs ?
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Histoire de philosopher un brin, Till marmonne que l’été est souvent l’occasion de faire appel à des stagiaires pour remplacer des aînés plus chevronnés qui se sont octroyé quelques vacances. Pourquoi pas dans la pub aussi ? Bride sur le cou pour des galops d’essai. Y aura-t-il une suite ?
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