mercredi 5 septembre 2012

Neurones miroirs



Vous souvenez vous de la suite d’articles de ce bloc-notes sur l’évolution d’un enfant présentant quelques tendances à l’autisme ? Dans l’un d’entre eux, une notion un peu curieuse, la théorie de l’esprit, avait été évoquée. Vous la retrouverez dans le billet du 15 décembre 2010… mais aussi dans celui du 13 août de la même année qui, lui, s’inscrit dans la série des articles sur les deux hémisphères du cerveau. Disons-le un peu rapidement : la théorie de l’esprit se réfère à la capacité de se mettre à la place des autres.

C’est sur ce sujet que Till m’a repêché quelque chose qui a paru – voici déjà sept ans – autour du concept des neurones miroirs, dans The Economist. Il s’agit de neurones qui s’activent tout aussi bien quand on fait une certaine action (ou que l’on éprouve une sensation ou encore une émotion) que quand on observe quelqu’un d’autre dans une situation similaire (agir, ressentir ou éprouver).

Certains animaux – tels les singes rhésus – ayant aussi cette capacité, des expériences de laboratoire ont été entreprises. Avec les humains, on a, de préférence, eu recours à des scanners du cerveau. On a ainsi pu vérifier que les mêmes neurones (dits neurones miroirs) étaient activés quand on fait sentir quelque chose de désagréable à quelqu’un (odeur d’œuf pourri ou de beurre rance) ou quand on lui montre un film de personnes réagissant comme lui dans le même contexte. Cela vaut aussi à propos du toucher – l’exemple donné consiste à toucher la jambe d’une autre personne.

On se rend par ailleurs compte que les sujets ne se contentent pas de réagir à un stimulus bien précis : ils mettent de plus une intention derrière ce qui se passe. Pour eux, saisir une assiette devant une table bien garnie n’est pas la même chose que si elle se trouve au milieu d’un empilement de vaisselle vide.

Le mécanisme observé s’accompagne de la disparition de certaines ondes qui parcourent le cerveau. Il s’agit des ondes dites mu (µ) qui oscillent à environ 13 périodes par seconde – et donc aussi bien quand on agit soi-même que quand on observe cette action.

Il est intéressant de remarquer que, chez des autistes confirmés, cette suppression des ondes mu accompagne bien l’exécution de leur propre geste… mais que ces ondes ne s’évanouissent pas quand ils observent ce même geste fait par quelqu’un d’autre : l’effet miroir ne fonctionnerait alors pas.

Ce qui m’a frappé à la lecture de cet article est que l’expérience mentionnée consistait à faire des mouvements avec les doigts de la main. Or un des points qui m’a semblé marquant au cours de l’évolution de cet enfant, Émile, que j’ai rapportée dans ce bloc-notes (blog), est que sa maîtrise du mouvement des doigts s’est significativement améliorée au fil du temps. Au début, il avait la plus grande difficulté à faire bouger ses doigts autrement qu’en bloc, comme regroupés dans une moufle. Par la suite, cette contrainte s’est assouplie, ses doigts se sont déliés, au point de pouvoir manipuler plus habilement les objets, ou encore savoir tenir un crayon et ainsi accéder à l’écriture où les progrès se sont alors poursuivis.

La question qui se pose est si l’expérience rapportée dans The Economist  faisait appel à des autistes dont la capacité à manipuler des objets était malhabile. On sait déjà qu'il y a autistes et autistes. Mais, de plus, l’évolution constatée chez Émile, montre qu'une transformation peut s'opérer  ne serait-ce qu'à propos de l'habileté à manipuler et à être conscient de ses propres gestes.

Cela ne met en cause ni l'expérience décrite ni les constats immédiats qui s’en dégagent. Mais elle ouvre une perspective beaucoup plus large que la conclusion fermée à laquelle le lecteur pressé pourrait aboutir et garder ensuite en mémoire.