C’est au cours du 1er semestre de 2012 que Magali a pris
clairement conscience que ses troubles de mémoire relevaient de l’Alzheimer.
Grâce à son environnement, notamment médical et familial, elle a commencé à
recevoir une assistance à domicile et s’est inscrite à des ateliers de mémoire.
Cette orientation s’est poursuivie au 2nd
semestre qu’il faut classiquement scinder en deux étapes : l’organisation
mise en place pendant l’été, alors que les équipes médicales et les membres de
la famille adaptent leur propre emploi du temps à la période des congés. Puis le
temps qui va de la rentrée jusqu’à Noël.
Bien des événements ici relatés le sont grâce à des notes
prises sur le moment, ou à des échanges du type courriel. S’y est ajouté un document dit : Cahier à
rebours où Magali à qui il est confié en permanence, retrouve ce qui s’est fait ou dit. Même si
elle est a priori incrédule, elle peut faire le recoupement avec les
rendez-vous et annotations qu’elle avait inscrits à cette date
dans son agenda. C’est une aide rétro-visuelle de une mémoire du passé récent... dont
on sait qu’elle est la première à flancher.
La période estivale
Les deux pivots qui ont facilité l’organisation sont :
Que Magali a été accueillie à plusieurs
reprises dans sa famille, sur le lieu de leurs vacances. Elle a ainsi passé presque
la moitié des mois de juillet et août en Bourgogne, sur les rives de
l’Atlantique, dans les Alpes et dans un pavillon de la région parisienne.
Et que les organismes
d’assistance à domicile et d’animation des ateliers de mémoire ont fonctionné
tout au long de cette période – on a même si besoin fait appel à eux de façon
plus intense. En clair, tant qu’elle restait sur Paris, le rythme est dans
chaque cas passé de 2 fois à 3 fois par semaine.
De plus, presqu’à chaque interstice des amis parisiens venaient
lui rendre visite, sortaient avec elle ou l’accueillaient chez eux pour la
journée. Le dimanche, ceux de son équipe paroissiale prenaient le relais de
façon conviviale. En résumé, il n’y pas eu beaucoup de moments de solitude.
Le sac « volé »
Septembre peut être considéré comme un mois de
transition : certaines activités de longue date reprennent – telle une
chorale, où Magali,
dont la voix est entraînée a plaisir à se rendre. Et certain(e)s profitent des
derniers jours d’été pour souffler un peu : c’est le cas de Véra qui avait été
largement sur pont pour l’organisation et l’accueil : fin septembre elle
va prendre quelque détente du côté de la Bretagne et de l’île de Jersey.
Question à cent sous :
Chorale + Jersey = ?...
De
retour de la chorale, Magali ne trouve plus son
sac. Suspicion et panique : on le lui a volé. L’ange gardien, c’est Véra. Magali
feuillette un répertoire, compose à minuit le numéro du mobile de Véra qui de Jersey, doit s’en
débrouiller seule – ses autres sœurs sont en province et Trevor à plus de 1500 km.
Elle
mobilisera dès l’aube une amie de Magali pour venir à la rescousse (celle-ci finira presque par disjoncter), puis la
personne en charge de l’assistance à domicile, ainsi que la responsable de la
chorale et la gardienne des locaux (qui ne s’y rend normalement pas les jours
où il n’y a pas de répétitions). Véra doit encore prévenir l’atelier de mémoire que Magali ne viendra pas ce jour.
Et
quoi d’autre ? Faire opposition pour la carte bancaire : trouver les
bons numéros de téléphone depuis Jersey, déployer quelques trésors de
diplomatie pour convaincre au bout du fil que, bien que l’on n'est pas
soi-même titulaire de cette carte volatilisée, opposition doit être néanmoins faite.
La
journée se passe, la gardienne finit son service normal, se rend aux locaux de
la chorale, y retrouve le sac dans le vestiaire, le remet à la chef de
chœur : restitution à sa propriétaire le lendemain.
Bien des proches de personnes atteintes de l’Alzheimer ont probablement
une histoire similaire à vous raconter. Ce que l’on peut noter à cette occasion
est, d’une part, la forte pression qui s’exerce alors sur l’entourage et,
d’autre part, la situation bancale où l’on se trouve lorsque l’on est conduit à
décider pour autrui – fut-il un parent – alors que l’on n’est pas mandaté pour
le faire. Et qui plus est, à distance.
Essayez enfin, plus tard, d’en parler avec
l’intéressée : elle ne se souvient pratiquement plus de cette concentration
d’attentions autour d’elle. Peut-être ne vous croira-t-elle même pas… et se
défendra, pour l’avenir, qu’on en prenne prétexte pour décider à sa place.
Une routine qui s’étoffe
Ce qui a été auparavant mis en place se poursuit au cours du dernier trimestre 2012 : l’aide à domicile assurée par PHARE DE VISSAC, les
ateliers de mémoire dans les locaux de TASCA DE PASTEL et un entretien toutes des deux semaines
avec la psychologue de l’hôpital PARIS-ÉTIENNE.
Début octobre, s’y rajoute la venue d’infirmières, matin et soir, pour
s’assurer de la prise conforme des médicaments et, en novembre, celle d’une aide pour
préparer son dîner, 4 soirs par semaine. Notons à ce sujet que suite a été
donnée à une recommandation de changer la cuisinière à gaz contre des plaques
électriques qui se régulent automatiquement.
Déplacements accompagnés
S'agissant d'accompagner
Magali quand elle
se rend à ses ateliers de mémoire, diverses solutions ont été expérimentées. Cela est devenu de plus en plus nécessaire, ne
serait-ce que pour éviter des oublis ou des confusions sur la date du jour,
mais surtout parce que qu’elle commence à craindre de ne pas s’y retrouver
toute seule malgré les fiches détaillées de trajet que Véra lui a confectionnées et rangées dans son sac… et
peut-être aussi parce que – l’hiver approchant – ces déplacements ne se font plus en plein jour.
On commence à faire appel à la personne qui assure l’assistance à domicile pour qu'elle l’accompagne dans les transports en commun…
Puis à une personne de confiance du quartier qui l’y conduit en voiture… C’est
enfin le minibus d’une société spécialisée qui ramasse
(après avoir passé un coup de fil quelques minutes auparavant) plusieurs
personnes qui vont aux mêmes ateliers de mémoire que Magali, puis les ramène au pied de chez
elles en fin de journée.
Démarches pour une résidence d’accueil
Comme on vient de le voir beaucoup de choses s’additionnent
qui absorbent du temps et de l’énergie dans l’entourage amical et surtout
familial de Magali
– et qui ont un coût financier.
Par ailleurs, à plusieurs reprises, Magali exprime un profond sentiment de
solitude : elle en parle ouvertement, supporte mal de rester dans son
appartement sans personne avec qui s’entretenir, appelle et rappelle au
téléphone pour 36 000 raisons comme de savoir quel jour on est, fait durer
ces communications une demi-heure ou une heure… ou sort quelques heures pour faire salon dans la
boutique accueillante à 20 mètres plus bas dans sa rue. La question du séjour dans un établissement d’accueil
commence à poindre.
Elle
est évoquée dès mi-octobre lors d’une consultation auprès du Chef de service de
gériatrie de l’hôpital PARIS-ÉTIENNE. Celui-ci
invite Magali à aller visiter des
résidences, juste pour voir dans lesquelles elle pourrait dire : Là, je m’y sens bien ou cette autre-là : Pour
rien au monde je n’y mettrai les pieds
ou encore : C’est pas
mal mais trop cher pour mon budget…
etc. Ça vaut la peine que vous preniez
le temps d’explorer ces possibilités,
ajoute-t-il. Et se tournant vers Véra : Bien sûr,
ça tombe sur les épaules de la famille de trouver les lieux que votre sœur
aimerait !
La balle est reprise au bond. Solmaz – dont plusieurs connaissances appartiennent au
milieu médical et d’autres ont été confrontées à des situations similaires – rassemble
des informations utiles. Certaines proviennent d’un site sur Internet, dont la
variété et la qualité des dossiers et conseils apportent une aide précieuse.
Il
s’agit de
http://www.agevillage.com/. En grattant un peu, on repère les parcours
professionnels des fondateurs et participants – mais le biais potentiel qu’on
pourrait craindre ne semble pas pesant au regard de l’importance du contenu… et
peut souvent même être considéré comme un atout.
Cela permet notamment de constituer une liste
d’établissements avec lesquels prendre contact en priorité, de disposer de
premières informations sur chacun d’eux… et d’y aller avec une fiche des bonnes
questions à y poser, afin de comparer ensuite les points forts et les points
faibles de chacun.
C’est ainsi qu’en novembre et décembre, rendez-vous est pris
avec cinq lieux d’accueil à Paris ou en banlieue proche, auxquels Magali se rend, en
compagnie selon les cas d’une deux ou trois de ses sœurs – à chaque fois une
belle équipée… Est-ce dû au fait que, arrivé sur place par temps de neige, le
quatuor ayant été accueilli avec un vin chaud, le coup de foudre a fait élire telle
résidence plutôt que d’autres ? C’est ce que nous saurons dans un prochain
billet.
Les notes prises à ces occasions montrent l’intérêt porté à
la clarté et à la disposition des lieux ; au fait que Magali resterait ou
non à proximité d’un quartier et d’activités dont elle a l’habitude ; aux questions d’hébergement, de nourriture, de rythme de vie et d’animation ;
à l’aspect accueillant et sympathique que l’on perçoit de la part des
personnes sur place, à la clarté des explications fournies ; à la
possibilité ou aux contraintes pour les pensionnaires de s’y déplacer et/ou de
sortir dehors, accompagnés ou non. Question finances : les prix se
tiennent… Mais une petite surprise choc, dans un cas particulier – les
visiteuses se voient quasiment poser une seule et unique question : La famille est-elle prête à signer pour se porter caution pour
leur sœur ?
Fin d’année
La trêve des confiseurs se rapproche. Magali est d’abord
invitée en Bourgogne, participe à la décoration du sapin et s’émerveille du
savoir-faire culinaire d’Héloïse.
Retour sur la région parisienne et accueil pendant quelques
jours chez Véra,
où elle est bientôt rejointe par la famille élargie qui défile, échange des
cadeaux et s’adonne à une bombance de bon aloi.
Parmi les commentaires de Magali : C'était très joyeux. J'avais un peu de mal à savoir qui était qui mais tout le monde semblait bien s'entendre, alors je ne suis pas fait de souci !
Pour la Saint-Sylvestre, ce sera au domicile du propriétaire
de la boutique voisine de son logement montmartrois, celle où elle fait
salon, et de la compagne de celui-ci. Souvenir d’une ambiance
chaleureuse… et encore en forme pour continuer à midi, le lendemain 1er
janvier, chez Trevor.
Ce billet est le cinquième d’une
chronique vécue (et en cours) sur l’Alzheimer. Les noms des personnes et des organismes
ont été changés, afin d’en préserver l’anonymat.
L'illustration
est une des peintures réalisées par Magali à l'occasion d'activités qui lui ont
été proposées.
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