lundi 29 juillet 2013

Alzheimer – g


Outre le choix d’une résidence d’accueil, l’autre élément marquant pour 2013 est l’aboutissement d’un cheminement nécessaire mais long et délicat : se rendre devant le Juge des tutelles et en obtenir une décision qui soit adaptée à la situation.

De la nécessité d’une protection juridique

Nécessaire, les spécialistes du domaine vous le confirmeront.

Dès la prise de contact avec l’hôpital PARIS-ÉTIENNE, l’intérêt d’une protection juridique légale a été mentionné. Car une personne présentant des signes de l’Alzheimer peut, par moments, se mettre en situation de fragilité face à des propositions financières malveillantes. Il s’agit de désigner quelqu’un qui puisse intervenir directement à partir du moment où ses biens patrimoniaux sont en jeu – l’achat ou la vente d’un bien immobilier, par exemple.

Le Professeur du Service de gériatrie est revenu à la charge en insistant fortement.

Madame, vous faites ce que vous voulez de votre argent. Ceci n’est pas en cause. Mais croyez-moi : Vous êtes fragilisée. Et moi, de par ma fonction, je connais malheureusement plusieurs cas où des personnes fragilisées se sont fait avoir. Je vous demande de nommer quelqu’un qui puisse avoir un regard et une possibilité d’intervention sur vos comptes.

Quelques mois plus tard, il demande à Magali si elle s’est préoccupée d’avoir un garant financier, non pas pour lui enlever l’autonomie financière mais pour la protéger. Il lui donne l’exemple récent d’aventures dont a été victime une de ses patientes (intervention surfacturée par un plombier ; paiement deux fois d’une note au restaurant – à chaque fois, son fils a eu le plus grand mal à intervenir puisque sa mère n’avait pas fait la démarche de le faire nommer en tant que garant) :

Madame, il faut prendre les moyens de vous protéger. Même si vous avez l’impression de ne connaitre que des bonnes personnes, il n’y a pas que des gens gentils… Faites le nécessaire maintenant …

Ceux qui ont lu les épisodes précédents feront par ailleurs le rapprochement avec les discussions de Véra avec le Service d’Opposition pour les cartes bancaires, suite à l’oubli du sac (que Magali croyait avoir été volé) dans les vestiaires de la chorale : Véra n’avait aucune autorisation officielle pour intervenir.

Quelques semaines après, c’est au médecin traitant de prendre la relève :

Madame, vous souffrez d’une maladie qui peut vous mettre en de graves difficultés. Votre état peut être stable comme aujourd’hui. Mais, du fait de votre maladie, il arrive tout d’un coup des moments dont vous n’êtes pas responsable, où il y a du brouillard, une perte de repères, une confusion… Je vous ai vu en consultation dans ces deux états – tout peut arriver : un accident…, vous perdre…, être victime de personnes beaucoup moins bienveillantes que les personnes de votre entourage…, de prendre des décisions que ne vous ne prendriez pas à d’autres moments…

Magali dit qu’elle comprend bien pour l’aspect financier, mais qu’elle ne veut pas que l’on décide à sa place. Le médecin souligne qu’il ne s’agit pas de prendre des décisions la concernant sans qu’elle soit au courant et qu’elle gardera la main sur les décisions importantes concernant sa vie :

C’est une mesure essentiellement financière. Ce qui est très important à savoir pour vous est que vous avez intérêt à choisir vous-même la ou les personnes de confiance. Et que cette ou ces personnes sont responsables devant le Juge et doivent lui rendre des comptes régulièrement.

Magali acquiesce : S’il y a un contrôle régulier fait par le juge, alors d’accord. Ce sur quoi, le médecin signe une feuille à envoyer au Juge des tutelles… Et suggère qu’il y aura sûrement quelqu’un de la famille pour aider à préparer un dossier.

Ce sera Trevor

Depuis quelques années, Magali s’adresse à Trevor pour qu’il lui donne un coup de main dès qu’il s’agit d’aspects financiers.

Cela se limite en fait à la préparation, à une présence en deuxième position puis à une sorte de débriefing à l’occasion de la rencontre annuelle avec le conseiller de sa banque. Ce qui s’est essentiellement traduit par la mise en place de deux volets : celui des liquidités (compte-courant, livret A et autres livrets), et celui de placements à plus long terme, du type assurance-vie. Plutôt fourmi, Magali dépense alors moins que ce que lui versent ses caisses de retraite : ce qui alimente le volet du long terme et constitue ainsi des réserves pour le futur. En toile de fond – mais on sort du rôle direct de la banque – un petit bien immobilier qui lui sert de logement principal.

Constat : d’une année sur l’autre, Magali – jusqu’alors gestionnaire avisée – semble avoir eu plus de difficulté à préparer, suivre et se souvenir d’un entretien aux enjeux pourtant assez limités. Auparavant interlocutrice naturelle de son conseiller, elle s’est progressivement réfugiée dans des questions de compréhension et dans une fiévreuse prise de notes.

Vers le milieu de 2012, après la mise en place d’une assistance à domicile et l’inscription à des ateliers de mémoire, les deux organismes en charge signalent des prestations impayées à Véra et à Trevorpersonnes de confiance désignées par Magali. C’est à cette occasion que l’on s’aperçoit que des factures envoyées par PHARE DE VISSAC ou par TASCA DE PASTEL, sont restées en souffrance parce que les enveloppes n’avaient pas été ouvertes ou parce qu’elles se sont glissées dans d’autres piles de papier.

On convient que Trevor se rendra chaque mois chez Magali pour faire le point et, si besoin, rattraper ce qui doit l’être. Une vérification de principe, à l’aide des talons de chèque que Magali remplit scrupuleusement, et les relevés bancaires mensuels, permet de rassurer cette dernière qu’on ne paie pas deux fois la même chose.

Sur un autre point, cette première découverte conduit celle d’une situation encore plus gênante :

Les appels de fonds que le syndic adresse à Magali en tant que copropriétaire font état d’arriérés importants. Certes, celle-ci s’en était plus ou moins aperçu, les avait jugés incompréhensibles et avait écrit qu’elle supposait qu’il y avait une erreur.

Une analyse plus détaillée fait remonter à un an plus tôt – en 2011 : plusieurs appels de fonds trimestriels n’ont pas été honorés. Trevor prend contact téléphoniquement et par messages Internet pour avoir un détail suffisant, ce qui permet de régler l’affaire sans trop d’histoires avec un an de retard.

Il est apparu clairement à cette occasion que les démarches de Trevor n’avaient pas de caution légale et que ces organismes concernés auraient par exemple été en droit de refuser de lui parler ; ou d’entamer une procédure contentieuse ; ou encore de refuser de poursuivre les prestations d’assistance tant qu’ils ne seraient pas rentrées dans leurs fonds.

Tel a été le point de départ d’une démarche commune sur laquelle Magali s’est dite d’accord, afin que Trevor puisse agir en parfaite clarté et ne pas se voir opposer par les fournisseurs de sa sœur un refus de le voir intervenir dans leurs démêlés avec elle.

Préparer un dossier destiné au Juge des tutelles

Il apparaît clairement que la personne responsable sera désignée par ce que l’on appelle le Juge des tutelles. C’est Trevor que Magali – qui décide de présenter elle-même la requête – souhaite voir désigné.

Cette appellation, Juge des tutelles, n’est pas enthousiasmante pour Magali – au contraire : le seul mot de tutelle signifie pour elle que l’on va décider à sa place et la hérisse. Une partie de sa formation avait relevé du domaine du Droit : elle estime en saisir des implications qui lui déplaisent.

Il faut commencer par désamorcer ces craintes liées au vocabulaire : le Juge des tutelles s’occupe d’une multitude de situations particulières qui ne débouchent pas systématiquement sur une mise en tutelle. Cette dernière éventualité est la forme la plus contraignante, notamment au regard de la vie privée, du suivi de santé ou de la vie civique : les autres formes – notamment celle envisagée dans le dossier – portent essentiellement sur les comptes et laissent à la personne protégée une grande indépendance de décision et d’action dans les domaines précités.

En revanche, ni le professeur de l’hôpital PARIS-ÉTIENNE ni le médecin traitant ne peuvent faire une ordonnance à ce sujet qui sort du domaine strictement médical (à cet égard, le Juge demande l’avis écrit d’un médecin expert qualifié)

Magali et Trevor entreprennent ensemble la rédaction de quelques pages qui seront insérées dans le dossier à remettre au Juge, afin de l’éclairer sur le contexte, se présenter et présenter le reste de la fratrie qui apporte simultanément son appui, et indiquer ce qu’ils attendent de la décision qui sera prise.

La rédaction de ce document commun a été une occasion fructueuse pour identifier les points importants et comment y faire face. Rédigé le plus souvent par Trevor, il a, à chaque étape, été remis à Magali qui faisait ses remarques au cours d’une lecture à voix haute, puis le gardait pour plus mûre réflexion avant finalisation au cours du 1er trimestre 2013.

En grande partie absorbé par l’installation dans la résidence d’accueil DIRE TA MÉLODIE, le 2nd trimestre est vite passé : il a fallu attendre juin pour avoir l’avis du médecin expert qualifié, remettre le dossier, être entendu par le Juge et que celui-ci arrête sa décision.

Une curatelle renforcée

Faisant sienne la conclusion du médecin expert qualifié, le Juge opte pour une curatelle renforcée. Cette mesure porte prioritairement sur la protection de biens de Magali.

Le curateur – ici Trevor – n’intervient pas (ou intervient seulement qu’en conseil) pour les décisions concernant la santé, la vie civique et la vie professionnelle ; son assistance peut être requise dans certains actes de la privée interférant avec la gestion de ses biens.

De façon non détaillée et non exhaustive mais pour l’essentiel :

Il n’a pas le droit d’ouvrir, de modifier ou de fermer un compte ou un livret au nom de Magali. Sur ces comptes, il est habilité à recevoir les revenus de celle-ci (ex. : pensions de retraite) et à régler ses dépenses (ex. : hébergement en maison de retraite). Magali pourra disposer directement d’un compte sans découvert et d’une carte bancaire associée sans accès à un crédit, alimentés par les excédents des comptes ci-dessus.

Pour d’autres actes de gestion (ex. : ceux qui engagent le patrimoine, soit immobilier, soit des valeurs financières), c’est le principe de la double signature : Magali signe mais Trevor doit contresigner. Certains de tels actes qui n’engagent pas à grande conséquence peuvent être fait à la seule initiative de Magali.


Ce billet est le septième d’une chronique vécue (et en cours) sur l’Alzheimer. Les noms des personnes et des organismes ont été changés, afin d’en préserver l’anonymat.

L'illustration est une des peintures réalisées par Magali à l'occasion d'activités qui lui ont été proposées.



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