jeudi 4 avril 2013

Quel monde dans 20 ans ? (c)





1950

1960

1970

1980

1990

2000

2010

2020

2030

2040

2050
Inde






















Iran






















Brésil






















Chine






















États-Unis






















Japon






















Russie






















Allemagne






















Gde-Bretagne






















Fenêtre d’opportunité démographique : peu de jeunes et peu de vieux
En bleu : moins de 30 % de la population au-dessous de 15 ans et moins de 15 % a plus de 65 ans
En brun : période 2010-2030 (Source : ONU)


Ce billet est le troisième d’une série qui livre l’adaptation condensée que j’ai faite de GLOBAL TRENDS 2030 (Alternative Worlds), rapport produit, fin 2012, par le National Intelligence Council américain. Le document original peut être consulté sur le site : www.dni.gov/nic/globaltrends et téléchargé.

Le billet précédent (b) décrivait deux des quatre tendances majeures qui ont été identifiées comme relativement certaines à l’horizon 2030 : la place prise par l’individu ; la dilution du pouvoir des États ;
Celui-ci (c) le complète par : les évolutions démographiques ; les tensions sur les ressources vitales.



ÉVOLUTIONS DÉMOGRAPHIQUES

Pour une population mondiale qui vient de franchir la barre des 7 milliards et atteindra les 8 milliards entre 2025 et 2030, les principales tendances identifiées sont :

Un vieillissement généralisé, tant dans les pays occidentaux que pour les pays en développement. On s’en fait une idée à partir de l’âge moyen : d’un pays à l’autre l’écart peut être considérable puisque cet âge moyen va de 25 ans (ou moins) à 45 ans (ou plus).



Le Japon et l’Allemagne sont entrés dans la catégorie la plus âgée dès 2010-2015. Le reste de l’Europe suit, à l’exception de la France, de la Grande-Bretagne et de l’Irlande, des Pays-Bas, du Danemark, de la Norvège et de la Suède.

Dans les pays âgés où l’on veut sauvegarder le niveau de vie antérieur, on débouche sur des combats économiques d’arrière-garde : la population active y est proportionnellement peu nombreuse, alors que les pensions de retraites et les besoins de santé y sont élevés. Ce sont des pays où on n’aime pas le risque. Les dépenses pour une sécurité militaire et pour une présence internationale y sont rognées. Et lorsque s’y installent des immigrés asiatiques ou africains peu intégrés, la cohésion sociale y est mise à mal : des politiques réactionnaires risquent d’y trouver la faveur des autochtones.

Même si le vieillissement n'y sera pas aussi marqué, il aura néanmoins progressé dans plusieurs autres pays. Ainsi, la Chine ne profitera plus d’une démographie jeune comme maintenant. En revanche, les États-Unis (à forte immigration) et la Russie (où les hommes meurent jeunes) auront réussi à freiner le phénomène : ils ne seront donc pas autant confrontés aux problèmes évoqués plus haut – mais l’exemple des pays qui auront subi ces problèmes avant eux les poussera à prévoir des réserves pour s’y préparer.

En Afrique subsaharienne surtout, encore plusieurs pays à population particulièrement jeune.

On constate depuis plusieurs décennies que c’est dans les pays démographiquement très jeunes que se sont concentrés 80 % des guerres civiles ou conflits ethniques – en Amérique latine, en Asie centrale et du Sud, au Moyen-Orient et dans l’Afrique subsaharienne.

Cette situation démographique va se maintenir dans l’Afrique subsaharienne. Elle se tassera quelque peu dans les autres régions mentionnées – mais il ne faut pas passer sous silence quelques pôles de forte fertilité : partiellement en Afghanistan et au Pakistan, chez les Kurdes et dans minorité ultra-orthodoxe juive.

Une accélération du processus de migration

Sans revenir à des flux comparables à ceux de la première révolution industrielle, les migrations vont prendre de l’ampleur par rapport à ce que nous avons connu récemment. Les facteurs à l’œuvre tiennent à la mondialisation, à la disparité des structures démographiques, aux inégalités de revenus, et à l’existence de réseaux organisant ces migrations de pays à pays.

Une urbanisation rapide va s’accompagner de flux internes souvent plus importants qu’à l’international. En Asie et en Afrique, les changements climatiques générateurs de sècheresses aussi bien que d’inondations, mais aussi de famines, pousseront des populations à chercher leur salut ailleurs. Dans les pays les plus riches mais vieillissant, le déficit de main-d’œuvre jeune créera des opportunités – y compris et paradoxalement à partir de pays au développement dynamique, dans la mesure où on commence à y être mieux formé, tandis que les salaires restent assez bas par comparaison à ceux dans des pays plus avancés.

Retombées collatérales, selon les cas : certaines élites des pays développés et en développement peuvent en arriver à faire de l’émigration une composante de leur stratégie, alors que d'autres pays peuvent chercher à les attirer en leur offrant les mêmes privilèges civiques qu’aux autochtones. Il faudra par ailleurs soupeser jusqu’à quel point vont de constituer des communautés d’immigrés en fonction de critères ethniques, religieux ou nationaux, avec les frictions qui peuvent en résulter dans le pays d’arrivée. Par ailleurs, grâce notamment aux communications électroniques, se maintiendront en temps réel des liens avec leurs relations dans leur pays d’origine. À apprécier aussi, les avantages et inconvénients respectifs d’envoi d’argent aux familles restées sur place et l’effet négatif de l’absence de ces migrants pour dynamiser l’économie locale. Ne pas oublier non plus les risques d’entorses au droit du travail et de trafic d’êtres humains.

Une forte extension du phénomène urbain, accompagnée de pénuries alimentaires et en eau potable.

En 1950, 750 millions des 2,5 milliards d’êtres humains vivaient dans des villes. Aujourd’hui, c’est près de 5 fois plus (sur un peu plus de 7 milliards) et on estime qu’en 2030 la population urbanisée de la planète sera sur le point d’atteindre 5 milliards. La Chine et l’Inde contribueront pour 35 à 40 % à cet accroissement. On a surtout vu jusqu’à présent se constituer une petite trentaine de mégapoles (de plus de 10 millions d’habitants). Celles-ci semblent atteindre leurs limites (terrains disponibles, congestion des infrastructures, repères de criminalité, système politique difficilement gérable…) On va désormais assister à une dynamique plus forte à leur périphérie qu’en leur cœur, et à l’apparition de véritables régions métropolitaines, dont une quarantaine à cheval même sur deux ou trois pays.

De telles agglomérations peuvent certes bénéficier de l’apport de technologies et d’infrastructures modernes. Les effets sur l’écologie sont, en revanche, souvent dramatiques (disparition de forêts, de plantes et d’animaux, qualité des sols, disponibilité en eau potable et en moyens d’évacuation sanitaire, besoins en énergie…) Comme on le voit déjà en plusieurs endroits, les responsables seront souvent pris de court pour financer les mesures indispensables, d’autant que l’économie qui s’y développe reste la plupart du temps informelle – d’où l’impossibilité de fiscaliser de quoi disposer des ressources nécessaires.


TENSIONS SUR LES RESSOURCES

En soi déjà, la croissance démographique va exercer une importante pression sur la demande alimentaire ainsi que sur celles en eau et en énergie. Les besoins qu’exprimeront les classes moyennes et ceux qui découleront de l’urbanisation accentueront cette pression. Le changement climatique l’aggravera. Sans qu’il s’agisse pour autant de pénurie mondiale, bien des pays n’arriveront pas à s’en sortir sans une aide massive venue de l’extérieur. L’absence d’un système adéquat pour faciliter les échanges internationaux à cette fin constitue un obstacle. L’interdépendance entre ces trois types de ressources, enfin, complique la situation et peut déboucher sur des choix contradictoires  (ex. : approvisionnement en eau et agriculture ; biocarburants et céréales alimentaires ; engrais dérivés de la pétrochimie…)

Alimentation, eau et climat

Au cours de ces dernières années le monde a consommé plus de nourriture qu’il n’en a produite. Or la productivité agricole est presque stagnante (environ +1 % par an)… Et les besoins alimentaires sont estimés devoir augmenter de +35 % d’ici 2030. Les habitudes que prennent les classes moyennes (ex. : consommation de viande d’animaux nourris aux céréales) provoquent un surcroît de besoins.

Au même moment, les besoins en eau seraient de 40 % au-dessus du niveau actuellement considéré comme durable – l’agriculture en ponctionne actuellement 70%. Et comme les bassins hydrographiques qui s’étendent sur plusieurs pays regroupent autour de 40 % de la population mondiale, on imagine les tensions inter-frontalières qui ne manqueront pas d’en résulter.

On a eu de récents exemples d’à-coups dans la production alimentaire en raison du climat (ex. : sur les céréales en raison d’un été caniculaire en Russie). Les changements climatiques en gestation vont dans le sens de l’aggravation : zones humides le devenant davantage ; zones sèches devenant arides : Moyen-Orient, Afrique du Nord, Sud de l’Europe, Ouest de l’Asie centrale ; écosystèmes bouleversés par la fonte des glaciers dans les Andes et l’Himalaya.

La plupart des terres cultivables étant déjà exploitées les nouvelles surfaces nécessiteront des engrais pour produite de la nourriture (dont les deux tiers dans l’Asie méridionale et en Extrême-Orient). La tendance à long terme d’une baisse des prix des produits agricoles risque fortement de s’inverser, au détriment des pays les plus pauvres – cela a d’ailleurs commencé. Ainsi, bien que désormais devenues principaux producteurs de blé (sic), la Chine et l’Inde ne parviendront probablement pas – malgré l’appel à de nouvelles techniques – à l’autosuffisance sur ce point : elles s’approvisionneront à l’international ce qui poussera les prix à la hausse.

Ces pays, ainsi que l’Amérique latine, s’y sont pris relativement à temps – en revanche, l’Afrique subsaharienne est très en retard (risque supplémentaire : le champignon de la rouille du blé qui a éliminé en grande partie de cette céréale en Ouganda, au Kenya et en Éthiopie et qui semble se propager vers l’Iran et le Pakistan).

Énergie : l’horizon va-t-il se dégager ?

Ce dont on peut être sûr, c’est de la forte progression de la demande : 50 % d’ici 2030. Côté production, une bouffée d’optimisme s’est manifestée qui se base sur les ressources non-conventionnelles, en Amérique du Nord.

Pour l’essentiel, il s’agit de recourir à des forages horizontaux ainsi qu’à la fracturation hydraulique, afin de libérer du gaz et du pétrole de roches (schiste) où ils sont enfermés. Aux États-Unis, cela a débuté il y a peu d’années avec le gaz. À ce rythme, on estime que les besoins du pays sont couverts pour quelques décennies. De plus, la production cette fois pétrolière ne fait que débuter mais on la dit encore plus prometteuse. Le handicap majeur réside dans les incertitudes quant aux retombées sur l’environnement : un accident majeur à cet égard serait susceptible de provoquer une réaction suffisamment négative dans l’opinion et bloquer le processus. Les principaux risques sont la contamination de l’eau que l’on doit utiliser en grande quantité, les secousses sismiques et les émissions de méthane à fort effet de serre.

Vu des États-Unis, le succès de l’entreprise signifierait une indépendance énergétique retrouvée (ce serait aussi une baisse du prix du pétrole qui fragiliserait l’OPEP). Le pays qui deviendrait un pôle d’attraction pour nombre d’activités, et connaîtrait un supplément de croissance, une détente sur l’emploi, et une balance des échanges qui se redresserait.

Ailleurs, c’est la Chine qui serait la mieux lotie (le double des réserves étatsuniennes) mais ne disposant pas du même potentiel technique pour l’exploiter. L’Europe est partagée, et quant à la localisation de telles ressources et quant à l’opinion publique. D’un côté la Pologne y pousse, de l’autre la tendance française est de freiner.

Si ce scénario se réalise, il sera moins nécessaire de faire appel au charbon (très polluant). Les énergies renouvelables – surtout l’hydroélectrique puis l’éolien et le solaire – seraient repoussées au-delà de 2030.




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