jeudi 25 juin 2009

UE : quelles langues ?

Abréviations (celles des plaques minéralogiques) :
A = Autriche – B = Belgique – BG = Bulgarie – CY = Chypre – CZ = Tchéquie
D = Allemagne – DK = Danemark – E = Espagne – EST = Estonie
F = France – FIN = Finlande – GB = Grande-Bretagne – GR = Grèce
H = Hongrie – I = Italie – IRL = Irlande – ISL = Islande
L = Luxembourg – LT = Lituanie – LV = Lettonie – M = Malte
N = Norvège – NL = Pays-Bas – P = Portugal – PL = Pologne
RO = Roumanie – S = Suède – SK = Slovaquie – SLO = Slovénie – TR = Turquie
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A plusieurs reprises, nous nous sommes intéressés aux langues. Nous y avions touché à nos débuts («Quelques ailleurs» : billet du 11 octobre 2008). Nous en avons parlé ces derniers temps, à propos de Daniel Tammet qui les apprend si vite et en si grand nombre (le 15 juin). Et avec Carmen Caffarel qui dirige l’Institut Cervantès (billet du 19 juin), nous avons pris conscience de l’importance que prenaient les langues d’origine hispanique, autour de la planète.

Un document de la Commission
Or une analyse faite par la Commission sur l’enseignement des langues (comme langues étrangères) au sein de l’Union européenne (UE) me fait découvrir un l’éclairage différent. Cela s’appelle «Chiffres clés de l'enseignement des langues à l'école en Europe – Édition 2008». On peut télécharger ce document en français au format PDF – ainsi qu’en anglais et en allemand.
Version en français :

Il fait 136 pages, avec beaucoup d’explications qui reviennent à dire qu’il faut prendre les résultats avec précaution… et avec un esprit critique car – dans toutes les éditions – on déniche de sérieuses erreurs typographiques : ainsi, le tableau numéroté C10 laisse croire que les 2/3 des élèves estoniens s’adonnent au français, alors que sur le graphique correspondant, c’est au ras des pâquerettes – vraisemblablement une inversion avec l’Irlande. Outre les pays faisant partie de l’UE, on trouve parfois des indications complémentaires – pour la Turquie, par exemple. Rien sur la Suisse.

J’ai principalement focalisé mon attention sur la proportion d’élèves apprenant les différentes langues dans le secondaire (de la 6ème à la terminale : collège et lycée). Le fait massif est l’omniprésence de l’anglais et qui va grandissant. Viennent ensuite le français et l’allemand – plus ou moins bien placés selon les pays.

Contraste à propos de l’espagnol dont on avait cherché à estimer la diffusion à travers le monde : dans l’UE, il n’est pas tellement enseigné. Car si, en France, il est choisi une fois sur deux, dans les autres pays (à l’exception des Scandinaves, des Allemands et des Autrichiens) la proportion descend rapidement au dessous de 10%.

L’enseignement de l’anglais
On se doutait de la prédominance de l’anglais. Les chiffres sont là : je prends les derniers disponibles, de l’année scolaire 2005-2006. Dans la majorité des pays, c’est plus que 90% – l’éventail va de 64 à 100%.

Ce qui est également frappant, c’est sa progression, car on a aussi la situation en 2001-2002. En 4 ans, sur l’ensemble de l’UE (ici, statistiques sur 27 pays – UE-27), on est passé de 74 à 86%. Cela est principalement dû à une évolution dans d’anciens pays du bloc de l’Est (BG : 65 > 75% – CZ : 67 > 81% – H : 51 > 64% – SK : 62 > 74%...) ainsi qu’à l’Italie (84 > 96%) et au Portugal (53 > 80%).

Le français et l’allemand
Sur l’ensemble de l’Union (chiffres pour UE-27), la proportion des élèves qui étudient l’une ou l’autre de ces langues est restée à peu près stable : autour de 24% pour le français et de 15% pour l’allemand. Les chiffres les plus importants signifient souvent que la langue en question est considérée comme obligatoire.

S’agissant de l’allemand, sa position est forte dans les pays appartenant à la bande centrale qui va, depuis le nord, presque jusqu’au sud de l’Europe. Sans parler des Pays-Bas ou du Danemark – autour de 85% – la Slovénie, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie se situent dans la zone des 40-50%. S’ils restent à des bons niveaux, une partie des Pays scandinaves et baltes, ainsi que la Tchéquie, ont régressé sur entre 2002 et 2006.

Le français obtient ses meilleurs scores dans les pays dans la mouvance linguistique latine : 87% en Roumanie, 63% au Portugal, 46% en Italie, 36% en Espagne. A noter que ce peut être une langue obligatoire dans certaines classes (c’est ainsi le cas au Portugal mais pas en Roumanie). Autre remarque : ce pourcentage est de 37% en Grèce et à Malte, et de 67% à Chypre – mais en baisse dans ce dernier cas, depuis qu’il a cessé d’être langue obligatoire en 2004.

Qu’en est-il du couple franco-allemand ? Les choix des élèves semblent s’aligner sur la moyenne des autres pays : en légère progression pour les Allemands qui passent de 23 à 25% (la moyenne est de 24) et en régression pour les Français : de 20 à 17 %, face à une moyenne de 15%.

Espagnol, italien et russe
Nous avons évoqué plus haut la situation de l’enseignement de l’espagnol comme langue étrangère en Europe. Le document de l’UE distingue se qui se passe au collège (8% pour EU-27) et au lycée (15%). Tenons-nous en à la proportion au lycée : la France arrive en tête (62%), puis les pays scandinaves (S = 41% – DK =28% – N = 13% – FIN = 10%). Il n’y a sinon que l’Allemagne (15%) et l’Autriche (12%). Electrocardiogramme pratiquement plat - au mieux 2% - pour le Portugal, l’Italie ou la Roumanie.

Évoquons aussi l’italien (chiffres pour l’ensemble collège & lycée) : Malte est l’exception (58%) suivie de Chypre (14%) ; une mention pour l’Autriche, la France et la Slovénie (5% chacune), à la rigueur la Hongrie (2%) – le reste est insignifiant.

Et mentionnons enfin le russe dont on se souvient qu’il était obligatoire tout au long du cursus, du temps du Bloc de l’Est, et dont les racines sont parfois proches de celles des langues qui y sont pratiquées. Au premier rang (ensemble collège & lycée) les États baltes (entre 48 et 60%), puis la Bulgarie (28%) et la Pologne (7%) – l’Allemagne et la Roumanie ferment le cortège avec 2%.

Cas particuliers
Curieusement, la Grande-Bretagne dont la langue pratiquée est omniprésente, n’apparaît pas dans les tableaux d’ensemble. Il faut aller à pêche à la ligne dans le document pour conclure approximativement qu’un tiers des élèves choisissent le français, 13% l’allemand et 8% l’espagnol.

Constat similaire pour les Pays-Bas où, à en croire certaines sources, 45% étudient l’anglais, 39% l’allemand et 32% le français – mais d’autres sources multiplient ces chiffres par 2 !

Venons-en enfin à la Turquie où les 2/3 s’adonneraient à l’anglais, 7% à l’allemand et un petit % au français.

Réciprocités ?
Ce qui suit n’est pas présenté dans le document de l’UE. Voici le tableau auquel je suis parvenu :

.....................Langues choisies (%)
.....................Anglais .......Français .......Allemand ..........Espagnol .........Italien
Pays
GB ...............- .................35% ............13% ................8%
F ..................98% ...........- ..................17% ................44% ..............5%
D .................96% ............25% ............- .....................5%
A ..................99% ............13% ............- .....................2% ................6%
E ..................98% ............36% ...........2% ..................- ....................0.1%
I ...................96% ............46% ...........7% ..................7% .................-

Si nous mettons le cas de l’anglais de côté, une analyse par couples suggère ce qui suit :
- Couple franco-allemand : les Allemands se consacrent plus volontiers au français (25%) que les Français à l’allemand (17%). Mais c’est l’inverse de la part des Autrichiens (13%).
- Couple franco-espagnol : plus forte préférence des Français pour l’espagnol (44%) que l’inverse (36%).
- Couple franco-italien : manifestement dans le sens des Italiens vers le français (46% contre 5%).
- Couple germano-hispanique : plus ou moins équilibré – 2% des Espagnols se consacrent à l’allemand alors que 5% des Allemands et 2% des autrichiens étudient l’espagnol.
- Couple hispano-italien : les Espagnols semblent se désintéresser de l’italien alors que 7% des Italiens apprennent l’espagnol.

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