vendredi 19 juin 2009

Espagnol - Instituto Cervantes


Restons avec Till, qui aime bien fouiner dans la presse internationale, mais changeons de sujet. Il me signale une «tribune» de Carmen Caffarel dans «El País» du 7 avril.

L’Institut Cervantès a 18 ansNée à Barcelone, ayant brillamment défendu une thèse de doctorat en philologie espagnole à l’université de Madrid, puis s‘étant orientée vers ls domaines de la communication, Carmen Caffarel Serra a été quelques années Directrice générale à la RTVE (la télévision espagnole) avant de prendre, il y a deux ans, la tête de l’Institut Cervantès. Celui-ci ayant été créé en 1991, le titre de son article est – sans surprise «Dieciocho años después» (18 ans plus tard).

Elle commence par rappeler que, dans ses mémoires qu’il a confiées à la journaliste Christine Ochkrent en 1986, Alexandre de Marenches se lamentait que le français n’avait pas réussi à occuper dans le monde une place similaire à celle de l’espagnol – ce n’est pas une remarque pour rien.

InstrumentalisationEn ces temps de guerre froide, il avait été pendant 11 ans (1970-81) le patron des services secrets français (le SDECE d’alors). Avec notamment l’avènement du fascisme et du stalinisme, la conception avait sérieusement pris forme, dès l’entre-deux-guerres, que les relations culturelles internationales devaient être considérées comme un instrument au service de la confrontation entre les puissances étatiques. C’est d’ailleurs de cette époque que date la création de divers instituts culturels en Europe.

Une digressionC’est le cas du British Council dont la création date de 1938. L’histoire de l’Alliance française (initialement dite «de Paris») est assez particulière. Elle fut créée en 1883 – sorte de sursaut après avoir plus ou moins mal digéré la défaite de 1870 – pour «la propagation de la langue française dans les colonies et à l’étranger» puis s’implanta progressivement à travers le monde sans dépasser quelques centaines d’étudiants. C’est au lendemain de la 1ère Guerre mondiale que son École pratique de la Langue française s’est ouverte boulevard Raspail à Paris : 10 ans plus tard, elle comptait près de 5 000 étudiants.

L’exemple de l’Institut GoetheAprès la 2nde Guerre mondiale, l’Allemagne montre le chemin dans une autre direction, en fondant le Goethe-Institut en 1951. L’espoir sous-jacent est de modifier l’image extérieure passablement détériorée de ce pays – et non d’en attendre des retombées politiques dans l’immédiat. Conçue comme une institution plurielle et ouverte, ce devint un lieu de rencontre avec d’autres langues et d’autres cultures. Ce fut une réussite, qui s’amplifia après la chute du Mur.

L’Instituto Cervantes s’inscrit dans cette ligne… et – ajoute Carmen Caffarel – il n’est pas impossible que le ministre français des Affaires étrangères emprunte une voie similaire (autre clin d’œil pas si innocent par-delà les Pyrénées : à peine deux semaines plus tôt, Bernard Kouchner a parlé de la réforme qu’il entreprenait en matière d’action culturelle et indiqué la perspective de l’organiser autour d’un «Institut français»).

Spécificité hispaniqueRevenons en Espagne et à ce qui s’est mis en place une quinzaine d’années après la disparition du franquisme. La culture y est alors considérée comme un point d’appui pour la créativité et donner une image de sérieux à ce qui se réfère au pays correspondant – elle devient une des principales composantes d’une diplomatie nouvelle.

Dans le contexte qui est le sien, l’Institut Cervantès s’est voulu, vis-à-vis de l’extérieur, comme étant la maison commune de la culture espagnole et de la culture hispano-américaine (une vingtaine de pays). On y enseigne les différentes variétés de la langue – peu importe la nationalité des créateurs. A ce titre, l’argentin Jorge-Luis Borges, le chilien Pablo Neruda, le Mexicain Octavio Paz… y ont autant leur place que l’Espagnol Federico Garcia Lorca. Tout ceci est accepté sans réticence et se traduit par une autonomie de fonctionnement.

Ce qui est d’autant plus notoire que, du point de vue linguistique au niveau mondial, le 21ème siècle est celui de la prédominance de l’anglais, du chinois et des langues hispaniques (que parlent dès à présent 450 millions de personnes).

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