mercredi 17 septembre 2008

Le Tribunal des Eaux


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Le beau voyage boucle sa boucle. Le titre de cet article reprend le début d'un célèbre sonnet datant du 16ème siècle, de Joachim du Bellay : Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage [...] puis s'en est retourné plein d'usage et raison [...].
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La route du retour
Après avoir longé la Méditerranée puis être passés d'Espagne en France, nous nous dirigeons vers le Nord : depuis cette année, nous bénéficions d'une autoroute qui traverse le Massif central et permet de rejoindre Paris d'une seule traite. Cet itinéraire n'est, à l'heure actuelle, qu'encore peu fréquenté… Cerise sur le gâteau : pas de péage jusqu'à Clermont-Ferrand, à l'exception du viaduc de Millau (voir photo ci-dessus). Dans la première partie du parcours, nous nous trouvons entre 600 et 1000 m d'altitude, il y a quelques brouillards, les piles du viaduc sont entièrement dans les nuages.

Où l'on fait connaissance avec Till
Nous voici à Paris : autre lieu, autre rythme, autres préoccupations... Till, avec qui nous bavardons à la terrasse d'un café, nous en donne une première preuve. Vous ne connaissez pas encore Till : curieux de beaucoup de choses, il se promène avec un sac en bandoulière, rempli de magazines, les feuillette avec avidité, s'arrête soudainement sur un article particulier : ça le fait rêver et cogiter à la fois - et il n'a de cesse de vous faire part des conclusions auxquelles il vient provisoirement de parvenir. Autre caractéristique : pour reprendre le jargon de McLuhan, Till est un homme de la galaxie Gutenberg (il privilégie le papier et l'imprimé) et non de la galaxie Marconi (la communication à base d'électronique, ce n'est pas pour lui). Mais il affirme ne pas trop s'opposer à ce que nous fassions appel à lui pour alimenter notre bloc-notes. Deux conditions : il nous confie la mise sur Internet et préfère que l'on le mentionne quand ça vient de lui.
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Le Tribunal des eaux, un cas d'école
Un exemple : nous évoquons avec lui le Tribunal des Eaux de Valencia. En moins de trois secondes, il entrouvre son sac bourré de revues et en sort un tout récent numéro de The Economist. Voyons... page 73, Commons sense... Il se met à traduire hâtivement l'article : "Bon, ils commencent par opposer l'usage communautaire des ressources au système de la propriété privée. Traditionnellement, dans des régions où les pâturages étaient accessibles à tout le monde, chaque gardien de troupeau avait intérêt à en faire croître la taille... Mais à partir d'un moment, il ne reste plus rien à brouter ailleurs. C'est habituellement le propre de nombreuses économies pauvres - et leur drame. Historiquement, une étape a été franchie au 18ème siècle, quand on est passé à un système de propriété (avec la mise en place de clôtures) - ce qui a rendu possible la révolution agricole en Angleterre. Il y a pourtant d'autres manières de s'en tirer : que les utilisateurs s'organisent entre eux pour gérer ces ressources communes."
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C'est là qu'ils en parlent ! s'écrie Till : "Ils donnent l'exemple des pâturages dans les Alpes suisses et celui des systèmes d'irrigation en Espagne ! Point essentiel : convenir de qui pourra utiliser ces ressources, et quand… Ce que chacun en retire doit être en proportion de ce qu'il y apporte (c'est ce qui se passe au Tribunal des Eaux : les amendes sont estimées en jours de gardiennage du système d'irrigation). Chaque utilisateur doit pouvoir s'exprimer. Autre impératif, porter davantage d'attention à surveiller les abus et résoudre les conflits qu'à sanctionner et punir."
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... et s'en est retourné, plein d'usage et raison...
Attention, attention… car ce que l'on croit être un mieux se révèle souvent l'ennemi du bien. Quand une administration ou un gouvernement intervient avec ses gros sabots dans ce magasin de porcelaine de relations sociales destinées à gérer des ressources communes, formalisées juste ce qu'il faut entre utilisateurs, cela peut se transformer en une tragédie. L'article Common sense évoque ici la sécheresse au Sahel dans les années '70 ?

Till aurait bien voulu nous entretenir de bien d'autres sujets. Mais trop aurait été trop. A l'expérience, chacun sait qu'après un vol cosmique, la rentrée dans l'atmosphère demande un minimum de doigté pour éviter de se volatiliser comme une étoile filante. Till s'est finalement satisfait d'un second café... décaféiné.

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