mercredi 29 décembre 2010

A fin 2010 – Cinéma


Ce billet résulte d’une relecture de ce qui a été publié au cours du second semestre 2010 dans le blog Cinéma : Les bons conseils d’Annie Coppermann où, chaque semaine, celle-ci livre ses coups de cœur et ses coups de griffe sur les films qui sortent en salle. En ce sens, il fait suite à des billets similaires portant sur l’année 2009 (daté du 3 janvier 2010) puis sur le 1er semestre 2010 (daté du 4 juillet). La sélection pourra paraître arbitraire et le compactage – pour rester dans un volume acceptable – en donne parfois une vision déformée : revenir si besoin aux textes originaux :http://blogs.lesechos.fr/annie-coppermann/annie-coppermann-r78.html

28 VIII – L’Arbre – Film de Julie Bertuccelli, tourné en anglais dans le bush australien. Il rassemble les générations autour d’un même manque : celui d’un être cher qui vient de disparaître – un homme dans la force de l’âge, heureux époux d’une adorable Française et père de quatre jeunes enfants, qu’un accident cardiaque fracasse dans son véhicule, contre le tronc de l’immense figuier qui veille sur sa maison. Sa femme ne peut l’accepter, ne réagit plus, se laisse couler. Persuadée que son père n’est pas mort, mais qu’il vit dans les branches du grand arbre, sa petite fille d’à peine 8 ans, s’y perche et dialogue avec le disparu… Elle l’entend, nous l’entendons presque… et Dawn, sa mère, du fond de son chagrin, commence, elle aussi, à tendre l’oreille. Vers lui, ou, mieux, vers le timide espoir que la vie peut recommencer…
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Avis : Présenté en clôture du dernier festival de Cannes, l’Arbre est un magnifique film sur le deuil. Et sur la renaissance. Que l’on peut voir en famille, et qui, même s’il parvient à ne jamais faire pleurer, serre durablement le cœur … pour le meilleur.
10 IX – Des hommes et des dieux – Ce film de Xavier Beauvois s’inspire de l’histoire de ces sept moines français enlevés en mars 1996 dans leur monastère au nord d’Alger, et dont seules les têtes ont été retrouvées, deux mois plus tard, au bord d’une route de montagne. Ce qu’il raconte principalement, ce sont, dans un climat de guerre civile, les travaux et les jours, les certitudes et les doutes, et la montée vers le martyre d’une poignée de religieux que leur foi avait paradoxalement ancrés au cœur d’une communauté musulmane qu’ils aimaient, et dont ils étaient aimés. Ils se réunissent, ils débattent, certains, tout de même, fléchissent, pris de doute, voire d’angoisse. Leur décision est prise : ils restent… Au péril de leur vie, ils le savent. La suite le montrera.
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Le film adopte le rythme monacal, et prend le temps – de la prière, du recueillement, du chant collectif. Il prend dès lors aussi le risque, pas toujours évité, de paraître un peu académique, multipliant les scènes un peu trop belles. Mais il sait, aussi, nous toucher tous, croyants ou mécréants, par le poids d’humanité de ses héros.
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Avis : Un tel film dit, en nos temps d’intolérance, de haine, parfois, de l’autre, l’évidence lumineuse d’une fraternelle compréhension entre peuples et religions différentes. A l’évidence, Xavier Beauvois est un vrai metteur en scène, et un grand directeur d’acteurs. Mais ne s’est-il pas ici un peu… regardé filmer ?.
P.S. – Après avoir rappelé qu’à Cannes, le film avait eu le Grand prix du jury et, depuis, fait l’unanimité de la critique, Annie Coppermann se dit un peu plus mesurée. Mon vieux fond d’éducation anticléricale, peut-être…, avoue-t-ele dans son avis – pour conclure : Réaction personnelle, que je me garderai bien de vous imposer et qui ne m’empêche pas de reconnaitre la force du film et de son message.
Ce qui lui attire, six semaines plus tard dans l’un des rares commentaires qui sont faits à son blog, cette remarque quelque peu acide : L’anticléricalisme de Mme Coppermann la regarde, mais quand il intervient et transpire dans sa critique d’un film sur des religieux, on le trouve un peu lourd. Dommage. On espérait une critique cinéma objective, pas un cours de morale prosélyte.
15 X – The Social Network – Marck Zuckerberg a aujourd’hui 26 ans et pèse 33 milliards de dollars grâce à Facebook, cet immense ce réseau d’amis, sa toile d’araignée géante… Tout ça parce qu’un jour, plaqué par sa petite amie, il a décidé de pirater le site de sa fac pour se venger de la traîtresse. Facebook n’est pas ma tasse de thé. Et pourtant, l’histoire de sa naissance m’a ligotée sur mon fauteuil jusqu’à la dernière image… Le film – écrit par un brillant scénariste, Aaron Sorkin à partir du livre de David Fincher est aussi diabolique que son héros.
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Avis : Zuckerberg est, dit-on, furieux contre le film qui, sans prendre vraiment parti, ne brosse pas de lui un portrait particulièrement louangeur. Peu importe. L’histoire de son bébé est passionnante, avec son quota de bons et de méchants, de coups de génie et de coups… bas. Une histoire d’aujourd’hui et de toujours. Elle peut séduire autant les utilisateurs de Facebook que ceux auquel ce monstre fait peur. Ce qui devrait faire du monde !
05 XI – Le dernier voyage de Tanya - Pas de stars devant la caméra d’un réalisateur inconnu, Alexei Fedorchenko. Et pourtant, ne le manquez pas : vous en sortirez avec des images inoubliables dans la tête, et une sorte d’étrange et rêveuse paix au cœur… Dans une bourgade isolée, enneigée, quelque part en Russie, un homme vit seul dans une baraque en bois. Le photographe de l’usine locale vient de perdre sa femme et lui demande de l’aider à lui rendre les derniers hommages selon le rituel d'une ancienne tribu… Après avoir procédé à la toilette funéraire, les deux hommes partent avec le corps, enveloppé dans une couverture, pour rejoindre une forêt proche des rives de la Volga et y dresser le bûcher avant de’ restituer ses restes au fleuve – l’eau est le berceau de l’avant et de l’après, la source de l’immortalité.
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Avis : Prix de la critique internationale au dernier festival de Venise, ce film ne dure qu’une heure et dix minutes… Je me suis laissée immerger, envoûter par son mélange unique de rudesse et de tendresse et de rudesse, de réalisme et de fantastique, de trivialité et de beauté. Somptueux.

26 XI – Le nom des gens – Impossible de ne pas adhérer à l’esprit de contestation aussi gentiment anticonformiste qu’enlevé du réalisateur, Michel Leclerc. Une comédie, endiablée. Les problèmes abordés sont bien les nôtres, le souvenir de la Shoah, les conséquences de la colonisation, l’immigration, l’identité, le communautarisme, le clivage gauche droite sans nuances… Mais toujours traités avec humour, à la Woody Allen. Époustouflante présence de deux interprètes visiblement aussi séduits que nous et dès lors époustouflants : Jacques Gamblin et Sarah Forestier.
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Avis : Sérieuse et pourtant légère, politique et pourtant romantique, une comédie hors normes qui devrait rassembler droite et gauche dans une même jubilation.

24 XII – Another year, un pur bijou un rien tchékhovien. Fidèle à une équipe de comédiens extraordinaires que l’on retrouve d’œuvre en œuvre, Mike Leigh continue d’approfondir l‘observation tendrement moqueuse des relations humaines de gens ordinaires qui nous ressemblent. C’est autour d’un couple de sexagénaires que tout le monde envie. Uni depuis longtemps et toujours aussi complice.
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Avis : Mike Leigh saisit tout ce qui tisse, silencieusement, l’essentiel de nos existences. Pas toujours très rose. Mais si vrai, et si plein, ici, de compréhension et de tendresse, que l’on en sort tout remué et… reconnaissant.

24 XII – Les émotifs anonymes, de Jean-Pierre Améris, explorent pour les conjurer, la crainte de l’autre, le manque de confiance en soi… Angélique, chocolatière a fabriqué de petites merveilles pour un confiseur dont on s’arrachait les spécialités. Elle était toujours restée dans l’ombre. Le décès de son patron met fin à cette situation. Jean-René dirige une petite fabrique au bord de la faillite. Angélique est engagée dans les cinq minutes. L’entretien est hilarant. Muets l’un et l’autre, tétanisés, ils ne se sont quasiment pas parlé… L’amour, qui les envahit les panique autant l’un que l’autre. Le salut, c’est d’abord la fuite. Pour toujours ?
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Avis : Tendre cocasserie de deux délicieux personnages de comédie auxquels les interprètes, Isabelle Carré et Benoît Poelevoorde, donnent, l’une par sa grâce encore un peu enfantine, l’autre par ses mimiques souvent irrésistibles, une saveur et un fondant parfois proches de la succulence.

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