mardi 1 décembre 2009

Progrès, hésitations, espoirs

Qu’est-ce que c’est que cette grue qui dépose une pyramide sur sa base, sous le regard d’un sphinx ? Normalement, c’est en partant de la base et en allant vers le haut qu’on la construit, cette pyramide… L'image qui illustre ce billet reprend celle que nous avions esquissée au tout début de l’été pour comprendre assez intuitivement le parcours d’enfants autistes (Huit mois avec Émile – 3 juillet 2009). Elle s’inspire de ce que nous a décrit la personne qui anime notre groupe de bénévoles.

Escalade…
Tous, nous devons passer par tous les stades habituels du développement. C’est un parcours qui prend habituellement 4 à 5 ans chez les autres enfants. Mais que se passe-t-il chez ceux pour qui les étapes du début ont soit été escamotées soit les ont submergés – notamment le développement des 5 sens, celui du sens de l’équilibre et celui qui permet de percevoir comment notre corps est constitué et comment il se situe dans l’espace ?

Eh bien, leur cheminement se poursuit pourtant vers les étages supérieurs – ce sont les étages où on devrait par exemple acquérir une bonne conscience des deux côtés de son corps, savoir se tenir debout ou assis, coordonner les yeux et les mouvements et, ensuite, progresser vers des activités intellectuelles. Mais, pour les enfants dits autistes, il s’appuie sur des bases mal consolidées – parfois insuffisantes, parfois trop rigides.

… à rebours
Il en résulte des situations assez variées. On peut ainsi avoir des enfants qui arrivent à développer certaines compétences à force de volonté, qui parlent mais sans faire appel à un langage qu’ils se sont bien approprié, puisque la base (le niveau sensoriel) n’est pas bien en place. Insuffisances ou excès en bas, volonté parfois énorme en haut, c'est comme si notre pyramide tenait par son sommet.

On pourrait, il est vrai, faire appel à une autre image qui a sa poésie et qui donnerait une réponse rassurante – trop rassurante : celle de la clé de voûte à la croisée des ogives d’une cathédrale gothique. Certes, celle-ci est au sommet et semble tenir l’ensemble… mais c’est oublier que cela suppose en même temps des piliers solides et l’existence d’arcs-boutants.

Des plus et des moins
Lors de la réunion qui a récemment rassemblé les volontaires qui s’occupent d’Émile, le contraste est apparu entre des progrès évidents qui se confirment, mois après mois, et la conscience qu’il reste encore du chemin à faire. Progrès dans le langage ; pertinence des questions qu’il pose et des réponses qu’il en attend ; spontanéité et plus grande fluidité – notamment dans les gestes ; humour et bonne humeur ; utilisation mieux appropriée du je et du tu ; phrases réfléchies qu’il construit pour exprimer des sentiments…

En revanche – on revient ici vers le plus basique – l’évolution est plus mesurée, même si elle est certaine, lorsqu’il s’agit de s’habiller, de manger tout seul (ça vient mais ça dépend avec qui), de tenir un feutre à bonne hauteur avec ses doigts et de l’utiliser avec une relative précision. Pour la familiarisation avec d’autres gestes, il se confirme que c’est dans l’imaginaire, et quand sa spontanéité arrive à s’exprimer, qu’il est le plus détendu et qu’il ose dépasser ce qui, dans d’autres circonstances, débouche sur des blocages.

Ce billet fait partie d’une série qui permet de suivre l’évolution d’Émile (ce n’est pas son vrai prénom) depuis septembre 2008 : on y accède directement en cliquant sur le thème Autisme dans la marge de droite.
D’autres articles sont voisins, notamment ceux sous le thème du Cerveau, ainsi que ceux des 15 et 16 juin 2009 (Chiffres, langues… et Savants vs neurotypiques, qui figurent aussi sous le thème de l’Autisme), ou du 27 juin 2009 (Mémoire photographique)

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