mercredi 30 décembre 2009

2009 – Économie


Revue de blogs que j'ai croisés cette année – suite (voir le 27 : philosophie, 28 : finance, et 29 décembre : art et littérature). Rappel : s’agissant d’extraits ou de condensés, merci de vous référer au blog original pour avoir une information mieux appropriée.
Le quotidien Les Échos met en vitrine une grosse douzaine de blogs sur son site lesechos.fr, la plupart signés par des membres de l’équipe de rédaction. Ils ont tendance à tourner, on s’en doute, autour des entreprises, de l’économie et de la finance – ce qui n’exclut pas l’art, ni le cinéma, ni les jeux vidéo, ni Copenhague, ni la politique étrangère, ni l’innovation. Peu de commentaires en général.

S’agissant d’économie, j’ai choisi la rubrique qu’y tient Dominique Seux (DS), Rédacteur en chef (France et International) :
Et ce notamment parce qu’un équilibre intéressant semble s’être pour le moment instauré entre la lecture quotidienne qu’il y fait des évènements économiques, et le commentaire expédié dans la foulée par un lecteur sous le pseudonyme de Blackstream, (B) vraisemblablement à la retraite mais ayant bien roulé sa bosse. Deux expressions bien typées dont la simple mise en regard est loin d’être inintéressante.

24 XII – Premier bilan (de l’année 2009)


DS - Rupture évidente qui concerne l’économie et la modification des rôles : après dix ans de domination de la finance et de retrait de l’État, retour spectaculaire de ce dernier, comme pompier, voire comme architecte d’un nouveau système – mais ce retour semble temporaire. On entre aussi dans un monde où l’Occident n’est plus seul à la barre : la Chine est déjà ou bientôt la deuxième économie mondiale – mais n’oublier ni l’Inde ni le Brésil. Une nouvelle gouvernance mondiale s’élabore – il faudrait plutôt parler de balbutiement. Lié aux évolutions technologiques : l’avènement d’un homme nomade et relié au monde et, peut-être aussi, nous serions sur le chemin d’oublier un jour un siècle de moteur à explosion.

B - La bonne question est de savoir quelles nations ont fait en 2009 des recettes supérieures aux dépenses. Les Chinois seront sans doute financièrement dans le vert (on ne parle pas ici d’écologie) et ce sont les marchés d’Afrique, d’Amérique du Sud et du reste de l’Asie qui les intéressent certainement beaucoup plus que l’Europe. Ce qui est plus grave chez nous, c’est que, outre qu’une bonne partie de la presse préfère regarder ailleurs (par ex. du côté d’un hôpital de Los Angeles), on entend déclarer que l’avenir est aux entreprises importatrices !

L’occasion se présentant, voici le bilan de toute une vie : jusqu’aux années quatre-vingt, j’ai vécu sous le régime du bordel simple… Les choses ont depuis radicalement changé : les premiers organisateurs professionnels de bordel (des esthètes et des poètes) sont d’abord apparus puis, le niveau local ne suffisant plus, une impulsion vigoureuse a été donnée au niveau européen… les banquiers et financiers n’ont pas été en reste et ont fait appel aux meilleurs spécialistes scientifiques pour en organiser un particulièrement noir dans le monde de la finance … les grands patrons ont suivi allègrement … Nos hommes (et femmes) politiques ont bien sûr évolué de concert

21 XII – Climat d’échec (Copenhague)

DS - Notons que le terme d’échec est surtout utilisé en Europe pour laquelle le résultat de Copenhague constitue un désaveu. Pour les États-Unis, c’est au contraire une demi-victoire : lorsque Barack Obama y est revenu après un voyage éclair, on a dit là-bas qu’il avait réussi à sauver le sommet. La Chine a fait la preuve d’une capacité certaine de blocage : l’insertion dans la mondialisation se fait aux conditions voulues par Pékin et non pas dictées par l’extérieur.

B - La véritable révolution industrielle date de 1712 avec les premières machines à vapeur remplaçant l’effort animal pour pomper l’eau des mines puis en 1801, en remplaçant la traction animale : plus de deux ou trois siècles après nous ne pouvons nous résoudre à abandonner les centrales à charbon, et le nucléaire reste dans la logique des moteurs à combustion externe. Le cycle à quatre temps des moteurs à combustion interne date des années 1860 : on a le plus grand mal à s’en débarrasser aujourd’hui. Quant à la dynamo (1871), elle a donné lieu à tant de perfectionnements que nos moteurs de TGV doivent être refroidis par de telles quantités d’air qu’ils consomment de la neige autant que du caviar dans les ministères. Et ne parlons pas de ce que les économistes persistent – depuis une trentaine d’années - à appeler l’industrie financière.

Que les pays développés aient compris qu’ils devaient refaire rapidement tout ce cursus technique avant d’aborder de nouvelles fabrications n’est pas étonnant – et voilà pourquoi Copenhague fut muet. Ce qui avait généré un climat d’espoir lorsque ces techniques sont nées se transforme en un climat d’échec lorsqu’il devient évident que ces techniques ne sont, à elles seules, que des moyens d’oppression non durables (comme on dit maintenant) des autres nations et surtout des moins nantis …

17 XII – Le monde mobile
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DS - Aujourd’hui, 1,6 milliard d’internautes dans le monde alors qu’il y a 4,1 milliards d’utilisateurs de téléphones mobiles. Ceux-ci se vendent partout : en Inde, en Amérique latine, en Afrique, des dizaines de pays ont sauté l’étape du téléphone fixe. On sent que le monde va très vite s’équiper de portables intelligents qui permettront d’utiliser Internet.

Pour que la moitié des Français aient une voiture, il a fallu cinquante ans, pour que la moitié aient le téléphone mobile, sept ans à peine. Combien de temps pour qu’une grosse partie de l’humanité ait accès à la Toile quand elle le veut, d’où elle le veut ?

B - Lorsque j’avais un projet empoisonnant à traiter et que je me trouvais en déplacement pour une semaine, je n’emportais aucun document le concernant et m’efforçais de le reconstituer de tête le soir à l’hôtel : pas commode mais efficace pour trouver des solutions nouvelles. La plupart des grands ingénieurs que j’ai rencontrés avaient souvent les mains dans les poches et faisaient fonctionner leurs cerveaux

Plus que la bougite, je crains celui qui laisse son cerveau en jachère et consulte en permanence des prothèses externes. Ce saut technologique ne va-t-il pas nous fabriquer quelques générations qui ne feront que du pilotage aux instruments, ce qui est parfois nécessaire mais ne fera jamais d’habiles aviateurs ?

Les économistes, qui ont tenu longtemps le haut du pavé – et s’accrochent désespérément maintenant que toutes leurs théories ont été démenties – ont habitué les décideurs à agir sur la base de moulinages imbuvables de chiffres, sans regarder plus loin que le bas de leur tableau Excel™ : on voit les résultats dans la conjoncture actuelle.

9 XII - La CGT a-t-telle vraiment changé ?
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DS - Depuis l’ouverture du congrès de la CGT, tourne en boucle le portrait flatteur d’un syndicat qui s’est converti au réformisme et d’un secrétaire général qui se bat depuis dix ans pile pour imposer la ligne moderne de la négociation contre les durs de la centrale. Partout, c’est l’admiration qui l’emporte pour la conversion au pragmatisme.

Il n’est pas interdit de penser que c’est largement exagéré. Oui, la CGT bouge, c’est incontestable. Mais elle a encore une marge d’évolution.

B - Le MEDEF a-t-il vraiment changé ? Il est toujours délicat de ne s’intéresser qu’à l’un des partenaires, d’autant plus qu’il s’agit en l’occurrence d’un triangle : patronat, salariés, État.

Il fut un temps où, sur le terrain, appartenir au CNPF ou à la CGT tenait chaud à leurs ressortissants et leur donnait un sentiment de sécurité. Mais maintenant ? La CGT et le MEDEF ressemblent de plus en plus à un vaste jeu vidéo aux dépens des réalités de terrain. La fréquentation des allées du pouvoir, tout aussi virtuelles puisque les gouvernants fabriquent de plus en plus de lois aussi fantômes qu’inapplicables, n’arrange rien à l’affaire. Je comprends finalement mieux le métallo de base ou le petit patron qui sont fondés à juger que tout cela est du théâtre.

J’ai aussi fait la guerre dans le désert, terrain où on ne peut que s’exposer car les planques y sont rares… Regardez comme toutes ces élites des syndicats, du patronat ou de l’État refusent de s’exposer : physiquement toujours entourées de gros bras ou de forces dites de l’ordre… et intellectuellement (si j’ose dire), appuyées en permanence sur des conseillers coûteux, des équipes de com’ ou des sondages. Grégaires, immatures, virtuels et froussards…

16 XI – Une ChinAmérique en trompe-l’œil
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DS – Barack Obama en Chine pour sa première visite officielle : les images donnent l’impression que, grâce à sa puissance, le couple que forment la Chine et les Etats-Unis va diriger le monde. En réalité, c’est plus compliqué, non pas sur la puissance, mais sur l’idée même de couple.

Barack Obama est là pour courtiser la nouvelle puissance chinoise, obtenir moins d’agressivité à l’exportation et pour que la Chine continue de financer les déficits américains. C’est comme si le président américain venait voir son banquier : du coup, il a gommé de ces discours toute allusion aux droits de l’homme.
Les Chinois sont ravis de ce ton conciliant, mais ne cèdent rien sur les taux de change, ni sur le climat avant la négociation de Copenhague, ni sur le soutien à la Corée du Nord et à l’Iran. Bref, derrière les sourires et les bouquets de fleurs, il y a des vraies tensions.

Il faudrait que les Chinois consomment plus et que les Américains épargnent plus. Et l’Europe dans tout ça ? Elle est spectatrice Son seul atout de l’Europe est que les Chinois ne sont pas ravis de voir leurs avoirs en dollars se déprécier. Là où l’Europe politique a du mal à s’exprimer d’une seule voix, il y a, pour la monnaie euro, une opportunité à saisir comme alternative au dollar.

B - Il ne s’agit pas dans ce commentaire d’assimiler des idéologies passées (et je l’espère pour l’éternité) aux actuelles : nous allons au contraire comparer froidement des schémas. La stupeur s’empara du monde en août 1939, quand Ribbentrop et Molotov ont signé un pacte de non agression entre l’Allemagne nazie et l’URSS.

Nous assistons aujourd’hui à un schéma parallèle avec une Chine qui doit asseoir son influence sur l’ensemble de l’Asie avant de devenir la première puissance mondiale (gageons qu’elle saura attendre), et une Amérique trop occupée à goinfrer ses banquiers et son lobby militaro-industriel pour se trouver en position véritablement forte à l’extérieur. C’est donc le temps des mamours Mais il est clair que les deux partenaires sont en situation d’attente : l’un du renforcement de sa puissance, l’autre de la récupération de son hégémonie Il s’agit donc d’une alliance pour temporiser dans un conflit … dont j’espère qu’il restera économique.

Intéressons-nous maintenant à la position de l’Europe : le coup fatal semble avoir été porté à la future rencontre de Copenhague sur le climat, comme le souligne l’éditorial du Temps. (*) Vous semblez, par ailleurs, fonder quelque espoir sur le plan monétaire mais c’est peut-être une grave erreur : si la Chine se montrait gourmande d’euros, cela ne pourrait qu’augmenter la parité de la monnaie européenne par rapport au dollar, donc au yuan (et la grande distribution, achetant en yuans et nous refourguant le tout en euros durement gagnés, augmenterait encore ses bénéfices). Bien sûr, Trichet se trémousserait – mais cela faciliterait-il nos exportations ? Allez, comparaison n’est pas raison mais source de réflexion.

* Le Temps est un quotidien édité à Genève. Il résulte de la fusion en 1998 du Journal de Genève et du Nouveau Quotidien. C’est sur son site (http://www.letemps.ch/Home) que Blackstream (qui porte en haute estime ce qu’il publie dans ses rubriques internationale, économique et financière) a identifier l’article auquel il se réfère (http://www.letemps.ch/Page/Uuid/d2aaf862-d22e-11de-97c3-051b2c712e43)… en ajoutant que l’ensemble des articles du jour sur le sujet vaut le détour.

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