lundi 28 décembre 2009

2009 - Finance


Il est de coutume de passer en revue certains aspects de l’année qui se termine.

Je livre ces jours-ci un aperçu sur quelques blogs que j’ai croisés sur mon chemin en 2009. Certains sont hébergés par lemonde.fr et signés par des personnes faisant, à mon goût, preuve d’une suffisante autonomie, voire originalité, et maturité de jugement. D’autres viennent de lesechos.fr – je dirai le moment venu la motivation de mon choix.
L’auteur : Georges UgeuxBelge, né en 1945, sa carrière a été dominée par la finance. En 1996 il est parti aux États-Unis pour diriger la division internationale du New York Stock Exchange. Il vient d’acquérir la nationalité américaine. Son blog, invité de lemonde.fr (Démystifier la finance) date d’un peu plus d’un an (120 articles environ, ayant suscité plus de 2000 commentaires). Il se veut une occasion de clarifier les débats qui, depuis la crise, entourent la finance, parfois victime de ses propres démons, mais en même temps un rouage essentiel de l’économie.

Quelques condensés d’articles
Voici 5 articles, sous une forme condensée : 3 de ce mois de décembre et 2 remontant à mi-2009. J’assume ces choix, ainsi que les biais qui pourraient résulter du fait de les avoir résumés. On peut s’y reporter directement :
http://finance.blog.lemonde.fr/

27-12 – A quoi devons nous nous préparer en 2010 ?
Après un quasi effondrement des marché, 2009 aura été une année infiniment plus positive que les attentes de début d’année. A quoi devons-nous nous préparer ? Tout d’abord a une année de reprise économique : 3 à 4% aux Etats-Unis, de 2 à 3% en Europe et de plus de 5% en Asie.
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Mais il faut se méfier de toute euphorie. Le front de l’emploi et l’absence de crédit à la consommation et aux petites et moyennes entreprises constituent un frein important. La plupart des grandes institutions financières mondiales ont quitté la salle des urgences, mais de nombreuses institutions petites et moyennes sont encore dans une tente a oxygène et n’éviteront pas la faillite en 2010.

23-12 – La SEC s’attaque aux rémunérations et à leur transparence
La SEC est l’instance de régulation des marchés de capitaux des Etats-Unis. Elle vient d’édicter une série de mesures visant à améliorer la divulgation d’informations relatives aux risques, aux rémunérations et à la gouvernance des entreprises lorsque des décisions sont soumises aux votes des actionnaires. Il s’agit des principaux dirigeants, catégorie qui a été élargie aux cadres dont l’activité peut avoir une influence négative importante sur l’entreprise (par ex. : activités de trading pour fonds propres). La valeur potentielle maximum des stock-options doit être précisée et publiée. Tout cela fera l’objet d’un rapport aux actionnaires.
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Je reste convaincu que cette mise au grand jour aura un effet salutaire. La transparence est la mère de toutes les gouvernances… Ces mesures s’appliquent aux sociétés européennes cotées aux Etats-Unis. Tout cela devra être en place pour le 28 février 2010.

15-12 - La Grèce révèle les faiblesses de l’Euro
Les déficits record de la Grèce émeuvent l’Europe : les 300 milliards de dette, plus de 90% du PIB, font exploser les critères de Maastricht (60%) et la dette annuelle est de 9% (contre 3%). L’entrée de la Grèce dans l’Union Européenne était due a la peur du régime des Colonels – il n’aurait pas fallu l’intégrer dans l’Euro tant que ses problèmes structurels n’étaient pas résolus : corruption, économie parallèle et fraude fiscale. Même les chiffres émanant d’Athènes sont sujet à caution.
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L’Europe en a fait une négociation politique : l’Euro, pourtant à un niveau très élevé, ne sera crédible sur le long terme que si la Banque Centrale Européenne et l’Euro-zone se dotent des moyens d’action indispensables au respect de leurs propres critères.

06-08 – Bonus des traders: comment arrêter la supercherie ?
Il faut distinguer le bonus des traders de celui des dirigeants. Lorsque j’ai rejoint Morgan Stanley en 1985, les résultats et les activités de la firme provenaient de la garantie de bonne fin et du placement de titres, de l’activité de conseil aux grandes entreprises et gouvernements et des fusions et acquisitions… Les bonus étaient repartis entre partenaires et employés, à des niveaux qui n’ont rien à voir avec les niveaux actuels (même en tenant compte de l’inflation).
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A la fin des années ’80, tout a changé : les banques ont établi les gigantesques machines de trading que nous connaissons. Elles se sont également cédées à des banques commerciales ou se sont mises en bourse parce que ces activités exigeaient des fonds propres importants. Mais les traders ont réussi à faire se perpétuer un mode de rémunération basé sur les revenus de leur activité, imitant le mode de rémunération des banquiers d’affaires qui, eux travaillent sur base de commissions.
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C’est là que se situe la supercherie maintenue solidement par les patrons de Wall Street qui sont à peu près tous d’anciens traders. En effet, dans une activité de fusions et acquisitions, il n’y a aucune utilisation de fonds propres. Les commissions sont payées sans qu’un risque se perpétue. Dans les activités de trading en revanche, les fonds propres sont importants : les traders ne finissent pas la journée sans avoir sur leur bilan des positions de dizaines, voire de centaines de milliards de dollars.
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Cessons de rémunérer les traders sur leurs revenus. Rétablissons la réalité économique : enlevons de la rémunération le coût de la consommation de fonds propres de cette activité. Dans la plupart des cas, cela diminuerait de prés de 50% la base de référence. Mais surtout, appliquons un coefficient de fonds propres qui tienne compte des risques pris.
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Si ce système n’est pas remis en question, la prochaine crise financière n’est pas loin.

24-07 - Bonus des banques américaines: ne mélangeons pas tout !Un nœud gordien comme celui des rémunérations ne se tranche pas, il se défait comme un écheveau, il se pèle comme un oignon… et il fait pleurer. L’amalgame est une merveilleuse manière de ne pas résoudre les problèmes.

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Voici trois angles d’attaque :
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(1) On aimerait distinguer secteur public et secteur privé et prendre appui sur le fait que l’Etat a la maitrise de son mode de rémunération : il pourrait montrer l’exemple de la vertu et de la modération – cette maitrise atteignant les secteurs où son influence est déterminante. Pourtant, lorsqu’il s’agit de métiers spécialisés, la maîtrise de l’Etat est plus limitée. Pour prendre un exemple qui agace tout le monde, on ne peut pas rémunérer très différemment un spécialiste des produits dérivés selon qu’il travaille pour le privé ou pour le public.
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(2) Les bonus continueront à jouer un rôle dans les rémunérations. Ils sont un élément rémunération variable (intéressement des cadres et employés de l’entreprise basée sur la performance annuelle), principe qui n’est d’ailleurs pas limité au secteur financier.
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(3) Plus crucial semblerait devoir être le rôle des actionnaires : si les montants sont exagérés, pourquoi sont-ils approuvés, et par qui ? Nous retrouvons ici le caractère incestueux des conseils d’administration cooptés entre dirigeants qui en payant grassement un des leurs, protègent par le fait même leur propre rémunération. Toutefois derrière les conseils, le silence des investisseurs institutionnels est choquant. Ce sont eux qui dominent les Assemblées Générales, eux qui laissent faire – et pour cause : eux-mêmes s’octroient des bonus plantureux, souvent plus élevés que ceux des banques.
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Cela nous rend-il impuissants ? Plusieurs moyens sont disponibles pour enrayer les dérivés et les abus du système.
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(A) Renforcer la démocratie d’entreprise : Les rémunérations des dirigeants étant du ressort du Conseil d’Administration, les Assemblées Générales d’actionnaires n’ont aucune voix à ce chapitre. Le plan Obama avance deux moyens : forcer la transparence en publiant de manière beaucoup plus précise et individuelle les rémunérations des dirigeants ; puis en donnant le droit de vote sur certains aspects de ces rémunérations.
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(B) Rendre illégal cette gangrène du système que sont les parachutes dorés.
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(C) La fiscalité : car les gros bonus sont payés à des individus qui bénéficient du bouclier fiscal.
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Ne nous y trompons pas, les dirigeants de Wall Street n’ont aucune intention de réformer leur mode de rémunération. L’autorégulation est un mythe. Il faudra s’y prendre de manière contraignante.
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