samedi 2 mars 2019

Alberto Giacometti - de la quête à la reconnaissance





De l’après-guerre à 1960 nous pourrions nous croire en terrain connu.
D’une part, le lecteur a des points de repères plus nets que ce qu’on a pu lui rapporter sur la première moitié du 20ème siècle - par lui-même ou par sa famille, par des connaissances proches ou par des témoins directs, ou grâce à des livres, des articles, des films…
D’autre part, beaucoup d’œuvres phares d’Alberto Giacometti - celles que tout un chacun saura évoquer spontanément, remontent à cette époque.


La Quête et La Reconnaissance sont les titres qu’Anca Visdei a choisis pour les chapitres correspondants. Qui sait son attachement pour le répertoire et l’interprétation de Jacques Brel ne s’étonnera pas de ce choix : La Quête - également connue comme L’inaccessible Étoile - est un sommet de l'Homme de la Mancha… créé au théâtre de la Monnaie à Bruxelles.


Titre de chapitre auquel elle associe cette citation du sculpteur :
Faire, faire et refaire. C’est cela créer. Refaire sans cesse, c’est là ou j’en suis.

N’est-ce pas ce thème dont elle a souligné la permanence dans l’œuvre et dans le parcours d’une vie d’ascèse et passion ?
Et ce sur quoi elle est revenue dès les premiers entretiens radiophoniques qui ont suivi la sortie son ouvrage. Ils ouvrent à des horizons dont la trop habituelle contemplation esthétique ex-post (celle, après coup, des œuvres “achevées”) n’aurait pas laissé soupçonner le parcours (et quel parcours !) qui avait précédé.


Écoutez le podcast de l’émission Entrez sans frapper à la RTBF - tiens, tiens, la radio belge !

Ou celui de Radio Delta :

C’est tout autant le thème de la quête inaccessible que l’on retrouve dans le pénétrant documentaire de Jean-Marie Drot, réalisé en 1963 :


La Quête - Chapitre bref qui, alors que Giacometti ne parcourt en rien le monde, nous familiarise avec Pierre Matisse (fils du peintre et sculpteur Henri Matisse), marchand à New York, où il organise des expositions sur ses tableaux et ses bronzes, qui seront de francs succès.
Qui nous familiarise avec Eberard Kornfeld, ce grand marchand d’art à Berne, qui connaissait très bien Giacometti et qui a apporté d’inestimables témoignages sur l’artiste.
Qui nous familiarise avec Aimé Maeght et le directeur de sa galerie, Louis-Gabriel Clayeux, qui joueront en France le rôle que Pierre Matisse jouait à New York - la Fondation Maeght près de Saint-Paul-de-Vence reste un lieu de passage obligé pour y voir des sculptures de Giacometti.

Le chapitre suivant - La Reconnaissance - s’attache à des personnes et personnages dont la fréquentation d’Alberto nous éclaire, et sur eux-mêmes et, en retour sur Giacometti.

Jacques Dupin, jeune écrivain ; Jean Genet dont la sensibilité est  proche de l’artiste ; le philosophe japonais Isaku Yanaihara qu’Alberto réussira à retenir presque jour après jour pendant trois bons mois en France, au prétexte qu’il doit continuer à poser pour son portrait en cours - et qui reviendra encore quatre étés - ce qui a donné de nombreux portraits ainsi qu’un témoignage minutieux à partir des notes qu’ils consignait ; Michel Leiris autre figure littéraire et poète ; Paola Caròla qui, non seulement, a presque imposé que Giacometti lui fasse son buste mais qui, devenue psychanalyste lacanienne et promotrice de la pensée de Lacan et de sa pratique en Italie, fut ensuite assez proche d’Annette, la femme d’Alberto.

Le titre du chapitre se mentirait à lui-même si on n’y retrouvait pas les expositions qui ont constellé cette période de 1955 et 1960 : chez Maeght, à Londres, au Guggenheim de New York, à la Biennale de Venise, au Kunsthalle de Berne…

Et surtout, loin de la sécheresse de l’énumération ci-dessus, l’ouvrage d’Anca Visdei combine la richesse de l’information et la pétillance qui font de sa lecture un plaisir.


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