samedi 9 mars 2019

Un temps pour vivre



De la même façon que dans les précédents articles, ces quelques lignes ne sont que des aperçus de la biographie d’Alberto Giacometti, par Anca Visdei : Ascèse et passion (paru tout récemment chez Odile Jacob). Ils ne peuvent que s’effacer devant la lecture de l’ouvrage lui-même.

Nous en sommes à l’avant-dernière étape : nous l’avions accompagné au cours de sa jeunesse dans sa contrée natale - les Grisons en Suisse, puis lors de sa venue à Paris, du temps de l’aventure surréaliste, puis sa “longue marche” et ,enfin après la Guerre,  les étapes de la quête et la reconnaissance.
La femme qui a le plus compté dans la vie d’Alberto Giacometti est, de toute évidence, sa mère. Outre Flora, l’américaine du temps de la Grande Chaumière, et une femme dont Alberto n’a pas dit grand-chose, sauf que leur relation fut pour lui alors importante, nous avons évoqué celle particulièrement intense avec Isabel. À Genève, pendant la Guerre, il a rencontré Annette, elle l’a suivi à Paris et elle est devenue sa femme alors qu’il approchait de la cinquantaine. Une bonne part de ses rencontres sont avec des prostituées : on en comprend progressivement les raisons en parcourant la biographie que nous livre Anca Visdei. J’ai eu l’impression qu’elle l’a clairement souligné lors d’une des émissions de présentation de son ouvrage à la radio : ce type de relation avait l’avantage de ne pas interférer avec sa recherche artistique.
Après la longue marche, la quête et la reconnaissance, le voici à 60 ans. Caroline est trois fois moins âgée. Il la rencontre dans un bar à filles de Montparnasse. Certes un peu vulgaire, elle fréquente aussi la pègre, mais fascinante - et elle sait l’écouter. Ce sera un amour profond pour ses dernières années : car il ne lui reste encore que cinq ans à vivre.
Y compris physiquement. Autrement formulé : sa vie d’homme commence. Il se plie à ses caprices. Significatif : Marlène Dietrich est à Paris, lui fait une cour presque éhontée, l’invite à dîner - Alberto refuse à la demande de Caroline. Il offre à celle-ci bijoux, parures, cabriolet : ils sillonnent Paris… Paris sans fin - titre d’un recueil de ses lithographies. Elle pose pour lui.

Couverture du recueil récemment édité de lithographies d'Alberto Giacometti,
alors qu'il accompagnait Caroline dans la voiture qu'il lui avait offerte.

Cabriolet MG rouge de vers les années '60 
Tension entre Annette (qui de son côté se rapproche du Japonais Yanaihara) et Caroline : Alberto, qui a, toute sa vie, été locataire offre un appartement à Annette et poursuit sa relation avec Caroline.
Son activité de dessinateur, peintre et sculpteur ne faiblit pas. Il reçoit une commande monumentale pour le Plaza de New York, expose à Venise, se consacre à un décor pour le Godot de Beckett, participe à une rétrospective qui lui rend hommage à Zurich.

“En attendant Godot” à Avignon - 1978
L’arbre du décor s’inspire de celui conçu par Giacometti
Photo : Michaud/Gallica/Wikipedia

Mais la fatigue commence à le guetter. On l’opère de l’estomac en lui cachant qu’il s’agit d’un cancer. Il finira par l’apprendre - ce qui le décidera à rompre avec ses médecins pourtant très proches.

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