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Ce
billet est le dernier d'une suite de trois.
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A chaque fois que l’on ne saisit pas bien le problème et
qu’on n’a pas de solution en vue, on cherche à gagner du temps. Souvent, ça
marche… mais pas ici, en raison du couplage entre la crise financière et
l’amorce d’une désintégration politique : le leadership qui cherchait
jusqu’ici à promouvoir une plus grande intégration a basculé en faveur d’une
préservation du statu quo… Ce statu quo devenant insupportable pour certains,
ces derniers ont opté pour une attitude anti-européenne – une course à la
désintégration s’est trouvée enclenchée : tel est le versant effondrement
de la bulle politique.
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Marche
arrière : de l’Europe aux nations
A fil de cette crise, le système financier s’est
progressivement restructuré selon des critères nationaux. Ainsi, la Banque
centrale européenne a lancé une opération de refinancement à long terme, ce qui
a permis aux banques italiennes et espagnoles de se délester des obligations de
leur propre pays et idem pour d’autres investisseurs vis-à-vis de la dette
souveraine de pays à la périphérie de l’UE.
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A ce rythme, on pourrait aboutir d’ici quelques années à un effondrement
ordonné de l’euro – sauf que les banques centrales des pays créditeurs n’auraient
aucune chance de récupérer leurs fonds auprès des banques centrales des pays
débiteurs. Cela est notamment dû au fait que, contrairement à ce qui se passe
au sein de la Réserve fédérale américaine, il n’y a pas de clearing
interbancaire annuel et que les déséquilibres ne font que s’accentuer d'une année sur l'autre.
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Principale intéressée, la Banque centrale allemande
(Bundesbank) a vu venir le coup. En mars de cette année 2012, elle avait déjà
660 milliards d’euros qui lui étaient dus par les banques centrales de la
périphérie de l’UE. Elle a donc commencé à prendre ses dispositions pour limiter la
casse en cas d’effondrement de l’euro. Ce que voyant, tout monde s’est empressé
de faire de même – ce qui a accéléré la dynamique vers le bas.
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Que ce soient les banques ou les gestionnaires de fonds à
risque, le motto devient de raisonner à partir du critère de frontière nationale
(pays débiteur ou pays créditeur ? se demande-t-on à chaque coup) et non
plus globalement, au sein de la zone euro.
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Dommage collatéral : un assèchement
progressif du crédit, en particulier pour les PME pourtant les plus créatrices
d’emplois. Sur le plan économique, l’Allemagne est en croissance alors que le
reste est sur le déclin. Les résultats des élections, ailleurs en Europe, montrent que l’opinion n’est
pas favorable à l’austérité et que ce n’est qu’un début.
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Rôle pivot de
l’Allemagne
Selon George Soros, il n’y a guère plus que trois mois
(l’été) pour renverser la vapeur et, pour lui, c’est l’Allemagne (gouvernement
et Bundesbank) qui en détient les clés. A l’automne, en effet – et quel qu'y
soit le résultat des élections – la crise va empirer en Grèce ; l’économie
allemande va s’essouffler et la Chancelière aura du mal à demander à son
opinion d'assumer des responsabilités accrues pour aller au secours de l’Europe.
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Renverser la vapeur
signifie des mesures exceptionnelles : le système bancaire a besoin que ses
dépôts soient garantis, si on veut éviter une fuite des capitaux ; il faut
coupler le financement du Mécanisme européen de stabilité avec une supervision
et une régulation pour la zone euro dans son ensemble ; et il est
nécessaire d’alléger le coût de financement pour les pays les plus fortement
endettés.
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Euro : 1 – Europe : 0
C’est là-dessus que l’Allemagne (gouvernement et Bundesbank)
doit être d’accord et c’est là que se situe le blocage. D’une part, il est à
craindre et quasiment certain que le sommet européen de fin juin n’ira pas plus
loin que ce sur quoi tout le monde est prêt à se mettre d’accord ; et dans
trois mois, d’autre part, la pression sera encore plus vive et personne n’aura
de solution pour y faire face. On ne peut pas dire vers où ça ira, mais ce sera
dans le désordre : un arrêt de Schengen vraisemblablement, un blocage du
marché commun, la fin de l’UE.
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Ce à quoi on peut en revanche s’attendre, est que l’euro
survivra : sa disparition serait non seulement un désastre pour les pays
de la périphérie mais aussi pour l’Allemagne : à commencer par la
Bundesbank qui va constater dès fin 2012 qu’on lui a laissé dans les 3000
milliards d’euros d’ardoises que personne n’est en mesure de lui rembourser. Un
retour au DM signifierait pour l’Allemagne une éviction de ses positions à
l’export. Conclusion : elle va préserver l’euro – rien de plus. Elle va
dominer la zone euro ; la divergence entre pays créditeurs et débiteurs va
s’accentuer ; un Empire germanique
dont la périphérie sera l’hinterland.
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Il ne faut pas attendre un quelconque sursaut de la part de
l’opinion allemande : celle-ci ne peut pas comprendre pourquoi les
réformes et l’austérité fiscale que les Allemands ont consenties et qui ont marché chez eux au cours de la
réunification, ne marcheraient pas pour l’Europe aujourd’hui. On n’y constate
pas de décroissance ; les salaires augmentent ; l’offre d’emplois
qualifiés doit faire appel à des émigrés venus du reste de l’Europe ; par
ces temps incertains ailleurs, l’épargne ainsi générée s’investit dans le pays
même.
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On comprend que les autorités allemandes soient placées
devant un sacré dilemme : il lui faut faire preuve de leadership dans les
trois mois, avec une opinion qui n’y est pas préparée. Peut-on les y
aider ? Il le faudrait.
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