Le présent billet fait suite à celui du 15 mai. Il fait partie d’une séquence sur le Cerveau commencée le 4 juin 2010 (voir la liste des thèmes dans la marge de droite). Il n'est pas exclu qu'au cours de la traduction et en cherchant à condenser, il y ait eu des erreurs ou une mauvaise compréhension : se référer directement à l'ouvrage mentionné ci-dessus.
vendredi 15 juin 2012
Entre les deux… (22)
Heidegger et la
nature de l’être
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Remarques préalables
Avant de reprendre mon adaptation très condensée de l'ouvrage de Iain McGilchrist, je préfère indiquer ceci : près de la moitié du texte
qui souligne l’intérêt de l’apport de philosophes relativement récents – de
John Dewey à Max Scheler qui viendra clore cette liste – est consacrée à Martin
Heidegger. C’est dire l’importance qui lui est accordée. Or on sait
qu’Heidegger a été contesté, non seulement en raison de certains de ses
engagements avec le nazisme, mais dans la mesure où sa pensée peut être considérée
comme reflétant de tels engagements.
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L’auteur, qui lui reconnaît
d’ardents admirateurs comme d’ardents détracteurs, se contente de quelques
lignes à ce sujet : It is this extraordinary achievement which makes him,
in my view, a heroic figure as a philosopher, despite all that might be, and
has been, said against the ambivalence of his public role in the Germany of the
1930s. Ceci est suivi d’un renvoi
en note : For an unbiased account, see J. Young, 1998. Ce qui, dans la bibliographie, donne : Young, J., Heidegger, Philosophy, Nazism, Cambridge
University Press, Cambridge, UK, 1998, ainsi que : Heidegger’s
Philosophy of Art, du même auteur et
chez le même éditeur, 2004..
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C’est en 1927 qu’Heidegger publie Sein und Zeit – cette œuvre est
immédiatement reconnue. Elle est motivée par son insatisfaction de voir
l’être considéré jusque-là comme un attribut – pire, une chose –
parmi d’autres attributs et d’autres choses : ce qui conduisait à une
incompréhension, et du monde et de nous-même.
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À propos de la vérité
Pour lui, quelle que soit la chose que nous cherchons à
appréhender, la démarche ainsi entreprise prend part dans ce que cette chose va
devenir. Pas de vérité unique donc, ce qui ne veut pas dire qu’aucune ou que
toutes les versions se valent, ni qu’il faille rejeter la vérité
– ce qui reviendrait à dire que l’affirmation : la vérité n’existe
pas serait une vérité plus forte que l’affirmation contraire. Et nous
avons besoin d’un concept de vérité – ne serait-ce que pour pouvoir agir.
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Le mot vérité est lié à une croyance. Cela
vaut pour le verum latin, dont la racine en sanskrit se rattache
à choisir/croire. En anglais, true et trust (confiance) sont de la même famille. Heidegger
rattache ce mot à aletheia, concept qui, en grec, peut être pris
au sens de la découverte de quelque chose qui existait déjà ; ce peut
aussi être la description en négatif d’une autre chose ; ou encore un
processus de dévoilement (un-concealing)
progressif. La vérité relève d’ailleurs de ce processus – ce qui s’oppose à
l’idée d’une vérité statique qui serait donnée une fois pour toutes.
L’être est caché et la vérité des choses requiert une attention
patiente et empathique envers le monde.
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Mais, au même moment où elle dévoile certains aspects, la
démarche de la vérité en masque d’autres : il n’y a pas de point de vue
privilégié. Exemple : la couleur bleue correspond-elle à la longueur
d’onde de 0,46µ ? A ce que l’on perçoit dans un tableau d’Ingres ? Ou
au bleu du ciel ? En ce sens, nous créons le monde en fonction de la
manière dont nous lui portons attention. Passons à un autre niveau : la
vérité des choses est insaisissable, ineffable. Les voir véritablement n’est
qu’un tour de passe-passe : on y substitue quelque chose de familier et de
saisissable. On est dans le monde de la représentation – suivez mon
regard : on est sous la coupe de l’hémisphère gauche.
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Être à l’écoute et prendre
soin de
Se tournant vers l’œuvre d’art, Heidegger estime que le fait
d’être caché n’implique pas qu’il faille se désespérer devant ce
qu’elle a d’incompréhensible, ni y voir n’importe quoi. Sa signification s’y
trouve totalement présente mais ne peut pas en être extraite ni mise en lumière
tout de go. Il nous faut en avoir une idée, et sa découverte sera liée à un patient mûrissement
(la comparaison proposée ici est avec l’attitude d’écoute dans
L’Annonciation de Fra Angelico). Il ne s’agit pas de
répondre à mais d’entrer en correspondance avec.
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Pour Descartes (par exemple – mais aussi bien pour Platon ou
Locke), la vérité est déterminée et validée par une certitude située dans un
ego qui parvient ainsi à connaître et s’approprier le monde. Pour Heidegger,
nous sommes un auditeur privilégié qui fait écho à l’existence : non pour
savoir et utiliser, mais pour être à l’écoute, être en réponse/responsabilité.
Ne pas se contenter de connaître mais pour prendre soin de.
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Ce qui est familier ne s’entend pas comme
étant un cliché utilisé à force d’habitude dans le monde de la représentation –
mais comme étant de la famille dont notre être au
monde (Dasein) prend
soin dans le monde concret de tous les jours (Sorge). Cela passe par notre corps et par nos sens : mais pas
via ce corps étranger qui habite un être cartésien occupé à disséquer les
choses de façon analytique et verbale.
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Le temps
vécu
De même que c’est le cas pour le corps, nous ne vivons pas
au fil d’un temps qui est de notre conception : nous vivons le temps
(l’ouvrage cité d’Heidegger s’intitule Sein und Zeit). Cette expérience fait du Dasein un être qui s’achemine vers la mort
– en l’absence d’une telle perspective, notre existence ne prendrait pas soin
de, il lui manquerait ce pouvoir qui nous attire vers les autres et vers le
monde. Le temps ne se réduit pas à une succession de moments.
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Décodage en
hémisphère droit/hémisphère gauche
L’auteur fait ici un
parallèle entre ce qu’exprime Heidegger à propos de la vie de tous les jours,
et le sujet de son ouvrage consacré à l’hémisphère droit et à l’hémisphère
gauche du cerveau. [Je le signalerai de façon abrégée dans ce paragraphe :
D/G.] Il prend l’exemple du marteau : quand je l’utilise, c’est l’ensemble
de cette action qui prime (D) mais quelque chose se met à clocher, il se peut
que mon attention se focalise sur le marteau lui-même (G). La vie est pourtant
plus complexe (D) que le simple schéma analytique (G) qui vient d’être esquissé.
Il n’y a pas, d’un côté, une simple énumération d’objets (G) et, de l’autre,
ceux-ci ne se contentent pas d’habiter un monde plus vaste (D) : il y a un
va-et-vient entre les deux.
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Dans la vie courante, les
choses trouvent leur place concrète (D), mais la routine peut les reléguer à
une inauthenticité de représentation (G) ; à savoir que l’idée de marteau
(G) se substitue à l’expérience que nous en faisons (D). Mais pourtant, si à
quelque occasion inattendue nous sommes amenés à nous focaliser sur ce marteau
(G), ce peut être une redécouverte, un retour étonné à son authenticité oubliée
(D). Étonnement qui – pour bien des philosophes, dont Heidegger – est le point
de départ de la philosophie.
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Les limites du langage
À partir du moment où les choses sont reléguées dans
l’inauthentique, conceptualisées, elles sortent de leur contexte vivant et
apparaissent comme à travers une fenêtre (référence à la démarche cartésienne),
ou comme à l’intérieur du cadre d’un tableau ou d’un écran de TV ou
d’ordinateur – avec une coupure à l’endroit des contours de ce cadre.
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De même, par rapport à une réalité ramifiée et
interconnectée en réseau, le langage est, dans sa linéarité séquentielle, un
intermédiaire qui fixe des limites et qui, éventuellement, fausse et distord.
Heidegger l’estime néanmoins nécessaire. Mais il faut que l’écriture parvienne
à épouser des images et des métaphores de cheminements, parcourir des circuits,
procéder de façon indirecte. La vérité est un processus en marche, et non un
objet dans sa fixité.
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On voit de nouveau ici la différence avec Descartes, pour
qui embrasser plusieurs objets du regard était n’en voir aucun : il
préconisait une démarche, un pas après l’autre. La réponse d’Heidegger a
notamment été la métaphore. Il se plaignait cependant du caractère trop à sens
unique du langage – surtout à l’arrivée de l’âge informatique – au point, comme
Ludwig Wittgenstein, de recourir à la poésie, y compris en philosophie.
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Écouter le
langage, éveiller la compréhension qui est en nous
Pour lui, par ailleurs, il ne s’agit pas de manipuler les
mots à notre usage : ce n’est pas nous qui parlons un langage mais un
langage qui parle en nous. Il nous faut écouter ce que notre hémisphère droit
(réputé silencieux) a à nous dire – ce qui n’est pas facile à partir du moment
où nous sommes tentés d’entrer dans le monde de ce langage séquentiel linéaire
dont l’autre hémisphère a le monopole.
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Nous en arrivons ainsi à cette expérience - ô combien familière à l’expérience – que notre
compréhension ne cherche pas à attraper une proie, mais qu’elle porte sur
quelque chose qu’il nous faut éveiller et déployer en nous-même. De même, il
n’est pas possible de faire comprendre quelque chose à d’autres, s’ils ne l’ont
pas déjà compris : tout ce que nous pouvons faire dans ce cas est
d’éveiller une compréhension latente qui est en eux.
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Remarques finales
Au moment de terminer l’exposé des réflexions que lui
inspire Heidegger, l’auteur se dit convaincu que, en dépit des apparences, la
philosophie prend sa source dans l’hémisphère droit et y retourne finalement,
après passage par l’hémisphère gauche. Il souligne aussi que la philosophie
n’est pas le chemin obligé de la compréhension du monde – Heidegger avait
lui-même esquissé une échappatoire via la poésie. Arthur Schopenhauer, par
ailleurs, estimait que les médiations de l’art – en particulier de la musique –
sont mieux capables que la philosophie de révéler la nature de la réalité.
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S’appuyant enfin sur l’ouvrage Die Frage nach dem Technik (1949),
l’auteur remarque qu’Heidegger avait estimé que, à la suite de la
theoria grecque et de la contemplatio latine, une continuité fatale s’était établie
entre le langage de la métaphysique occidentale (qui cherche à affirmer,
prédire, définir, classifier) et une maîtrise technique rationnelle de la
vie : l’évènement fondamental de l’âge moderne est la conquête du
monde en tant qu’image. Ne considérant le capitalisme et le communisme
que comme deux variantes de cette exploitation technique de la nature,
Heidegger prédisait que l’oubli concomitant de l’être mènerait au
désastre.
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Scheler : la
valeur pour constituer la vérité
S’étant intéressé au développement de l’enfant et à la
linguistique, Max Scheler a affirmé que notre première expérience du monde est
intersubjective, au point de ne pouvoir distinguer soi-même de l’autre. Cela se
base sur l’émotion et se rattache à une primauté de l’affect (et nous rappelle
Pascal : Le cœur a ses
raisons que la raison ne connait pas)… Mais pas n’importe quel
affect : l’amour, pouvoir d’attraction aussi fondamental que la gravité
pour l’univers physique.
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Pour lui, la valeur est un fait primaire, un aspect
pré-cognitif du monde existant, ni purement subjectif ni purement consensuel –
la même action peut, pour deux personnes différentes, avoir des valeurs
différentes. Notre capacité d’apprécier les valeurs détermine l’attention que
nous portons aux choses – en commençant par le tout, plutôt que par les
parties.
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Scheler a hiérarchisé les valeurs. En commençant par le bas,
il y aurait celles relatives à l’utilité et au plaisir (les sens), puis des
valeurs de vitalité (courage, loyauté, traitrise…), celles de l’intellect ou de
l’esprit (justice, beauté, mensonge…) et enfin le sacré. À noter que, pour revenir
à l’hémisphère droit, les valeurs du niveau inférieur dépendraient de celles du
haut – et à l’inverse pour l’hémisphère gauche.
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The Master and his Emissary – The divided brain and the making of the Western world – Iain McGilchrist – Yale University Press – 2009 – 597 pages...
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Le présent billet fait suite à celui du 15 mai. Il fait partie d’une séquence sur le Cerveau commencée le 4 juin 2010 (voir la liste des thèmes dans la marge de droite). Il n'est pas exclu qu'au cours de la traduction et en cherchant à condenser, il y ait eu des erreurs ou une mauvaise compréhension : se référer directement à l'ouvrage mentionné ci-dessus.
Le présent billet fait suite à celui du 15 mai. Il fait partie d’une séquence sur le Cerveau commencée le 4 juin 2010 (voir la liste des thèmes dans la marge de droite). Il n'est pas exclu qu'au cours de la traduction et en cherchant à condenser, il y ait eu des erreurs ou une mauvaise compréhension : se référer directement à l'ouvrage mentionné ci-dessus.
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vendredi 8 juin 2012
Euro vs Europe ? (3)
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Ce
billet est le dernier d'une suite de trois.
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A chaque fois que l’on ne saisit pas bien le problème et
qu’on n’a pas de solution en vue, on cherche à gagner du temps. Souvent, ça
marche… mais pas ici, en raison du couplage entre la crise financière et
l’amorce d’une désintégration politique : le leadership qui cherchait
jusqu’ici à promouvoir une plus grande intégration a basculé en faveur d’une
préservation du statu quo… Ce statu quo devenant insupportable pour certains,
ces derniers ont opté pour une attitude anti-européenne – une course à la
désintégration s’est trouvée enclenchée : tel est le versant effondrement
de la bulle politique.
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Marche
arrière : de l’Europe aux nations
A fil de cette crise, le système financier s’est
progressivement restructuré selon des critères nationaux. Ainsi, la Banque
centrale européenne a lancé une opération de refinancement à long terme, ce qui
a permis aux banques italiennes et espagnoles de se délester des obligations de
leur propre pays et idem pour d’autres investisseurs vis-à-vis de la dette
souveraine de pays à la périphérie de l’UE.
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A ce rythme, on pourrait aboutir d’ici quelques années à un effondrement ordonné de l’euro – sauf que les banques centrales des pays créditeurs n’auraient aucune chance de récupérer leurs fonds auprès des banques centrales des pays débiteurs. Cela est notamment dû au fait que, contrairement à ce qui se passe au sein de la Réserve fédérale américaine, il n’y a pas de clearing interbancaire annuel et que les déséquilibres ne font que s’accentuer d'une année sur l'autre.
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A ce rythme, on pourrait aboutir d’ici quelques années à un effondrement ordonné de l’euro – sauf que les banques centrales des pays créditeurs n’auraient aucune chance de récupérer leurs fonds auprès des banques centrales des pays débiteurs. Cela est notamment dû au fait que, contrairement à ce qui se passe au sein de la Réserve fédérale américaine, il n’y a pas de clearing interbancaire annuel et que les déséquilibres ne font que s’accentuer d'une année sur l'autre.
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Principale intéressée, la Banque centrale allemande
(Bundesbank) a vu venir le coup. En mars de cette année 2012, elle avait déjà
660 milliards d’euros qui lui étaient dus par les banques centrales de la
périphérie de l’UE. Elle a donc commencé à prendre ses dispositions pour limiter la
casse en cas d’effondrement de l’euro. Ce que voyant, tout monde s’est empressé
de faire de même – ce qui a accéléré la dynamique vers le bas.
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Que ce soient les banques ou les gestionnaires de fonds à
risque, le motto devient de raisonner à partir du critère de frontière nationale
(pays débiteur ou pays créditeur ? se demande-t-on à chaque coup) et non
plus globalement, au sein de la zone euro.
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Dommage collatéral : un assèchement progressif du crédit, en particulier pour les PME pourtant les plus créatrices d’emplois. Sur le plan économique, l’Allemagne est en croissance alors que le reste est sur le déclin. Les résultats des élections, ailleurs en Europe, montrent que l’opinion n’est pas favorable à l’austérité et que ce n’est qu’un début.
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Dommage collatéral : un assèchement progressif du crédit, en particulier pour les PME pourtant les plus créatrices d’emplois. Sur le plan économique, l’Allemagne est en croissance alors que le reste est sur le déclin. Les résultats des élections, ailleurs en Europe, montrent que l’opinion n’est pas favorable à l’austérité et que ce n’est qu’un début.
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Rôle pivot de
l’Allemagne
Selon George Soros, il n’y a guère plus que trois mois
(l’été) pour renverser la vapeur et, pour lui, c’est l’Allemagne (gouvernement
et Bundesbank) qui en détient les clés. A l’automne, en effet – et quel qu'y
soit le résultat des élections – la crise va empirer en Grèce ; l’économie
allemande va s’essouffler et la Chancelière aura du mal à demander à son
opinion d'assumer des responsabilités accrues pour aller au secours de l’Europe.
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Renverser la vapeur signifie des mesures exceptionnelles : le système bancaire a besoin que ses dépôts soient garantis, si on veut éviter une fuite des capitaux ; il faut coupler le financement du Mécanisme européen de stabilité avec une supervision et une régulation pour la zone euro dans son ensemble ; et il est nécessaire d’alléger le coût de financement pour les pays les plus fortement endettés.
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Renverser la vapeur signifie des mesures exceptionnelles : le système bancaire a besoin que ses dépôts soient garantis, si on veut éviter une fuite des capitaux ; il faut coupler le financement du Mécanisme européen de stabilité avec une supervision et une régulation pour la zone euro dans son ensemble ; et il est nécessaire d’alléger le coût de financement pour les pays les plus fortement endettés.
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Euro : 1 – Europe : 0
C’est là-dessus que l’Allemagne (gouvernement et Bundesbank)
doit être d’accord et c’est là que se situe le blocage. D’une part, il est à
craindre et quasiment certain que le sommet européen de fin juin n’ira pas plus
loin que ce sur quoi tout le monde est prêt à se mettre d’accord ; et dans
trois mois, d’autre part, la pression sera encore plus vive et personne n’aura
de solution pour y faire face. On ne peut pas dire vers où ça ira, mais ce sera
dans le désordre : un arrêt de Schengen vraisemblablement, un blocage du
marché commun, la fin de l’UE.
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Ce à quoi on peut en revanche s’attendre, est que l’euro
survivra : sa disparition serait non seulement un désastre pour les pays
de la périphérie mais aussi pour l’Allemagne : à commencer par la
Bundesbank qui va constater dès fin 2012 qu’on lui a laissé dans les 3000
milliards d’euros d’ardoises que personne n’est en mesure de lui rembourser. Un
retour au DM signifierait pour l’Allemagne une éviction de ses positions à
l’export. Conclusion : elle va préserver l’euro – rien de plus. Elle va
dominer la zone euro ; la divergence entre pays créditeurs et débiteurs va
s’accentuer ; un Empire germanique
dont la périphérie sera l’hinterland.
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Il ne faut pas attendre un quelconque sursaut de la part de
l’opinion allemande : celle-ci ne peut pas comprendre pourquoi les
réformes et l’austérité fiscale que les Allemands ont consenties et qui ont marché chez eux au cours de la
réunification, ne marcheraient pas pour l’Europe aujourd’hui. On n’y constate
pas de décroissance ; les salaires augmentent ; l’offre d’emplois
qualifiés doit faire appel à des émigrés venus du reste de l’Europe ; par
ces temps incertains ailleurs, l’épargne ainsi générée s’investit dans le pays
même.
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On comprend que les autorités allemandes soient placées
devant un sacré dilemme : il lui faut faire preuve de leadership dans les
trois mois, avec une opinion qui n’y est pas préparée. Peut-on les y
aider ? Il le faudrait.
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Libellés :
* Allemagne,
Economie et finance,
Histoire et politique
Euro vs Europe ? (2)
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Ce
billet est le second d'une suite de trois.
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George Soros en vient alors à la crise de l’euro qui lui semble
particulièrement instructive. Les autorités se sont imaginé que la crise était
due à un problème de prélèvements (fiscalité) – alors que le problème était du
côté des banques… plus un problème de compétitivité. Et [devant un public
d’économistes] il prévient qu’il va sortir de l’économie pure et parler
politique et dynamique du changement social.
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En résumé, il estime que, dans le cas présent, la bulle
n’est pas financière mais politique, qu’il s’agit de l’évolution de l’Union
européenne (UE), et que la crise de l’euro menace de détruire l’UE.
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L’Union européenne
serait-elle une bulle ?
En fait, c’est l’UE qui fonctionne comme une bulle – elle
est quelque chose d’irréel et de profondément attirant : une association
de nations, fondée sur la démocratie, les droits de l’homme, la primauté du
droit, sans qu’aucune des nation(alité)s soit en position dominante. Les visionnaires
qui ont constitué le fer de lance de l’intégration européenne ont bien compris
que, la perfection n’étant pas de ce monde, il valait mieux procéder par étapes
limitées et que chaque pas franchi montrerait bien qu’un pas suivant serait vite
nécessaire. Mais – à l’image des bulles financières – chaque pas du chemin déjà
parcouru a conforté encore plus leur vision : on avait mis en place un
feedback positif (qui s’entretient et qui enfle).
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L’Allemagne s’est trouvée au premier rang. Ainsi, après la
chute du Mur, elle s’est dit que la réunification ne se comprenait qu’au sein
d’un Europe elle-même unifiée et a été prête à des sacrifices importants pour
qu’il en soit ainsi. Point d’orgue : Maastricht (dont : union
monétaire sans qu’il y ait d’union politique) ; plus l’euro (dont :
les États de la zone euro ont abandonné leur droit de créer de la monnaie et
l’ont confié à la Banque centrale européenne). Est alors arrivée une période de
stagnation, puis le crash de 2008. C’est là que la désintégration a commencé.
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L’euro et les
banques
Sur le plan bancaire, l’introduction de l’euro a permis aux
banques d’acheter autant d‘obligations souveraines (émises par les États) qu’elles le voulaient. Mais
elles l'ont surtout fait sans immobiliser, en regard, une part de leur capital – les banques centrales acceptant sans sourciller de reprendre ces obligations au taux affiché. Dans un tel contexte, les banques ont de plus trouvé quelqu'avantage à acheter des obligations
émises par des pays financièrement affaiblis.
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Résultat : les taux d’intérêt se sont mis à converger et, en contrepartie, les compétitivités à diverger. Alors que les efforts consécutifs à la réunification avaient incité l’Allemagne à se réformer, dans d'autres pays d’Europe – les bas taux d’intérêt aidant – ce sont l’accès à la propriété et la consommation qui se sont mis à fleurir.
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Résultat : les taux d’intérêt se sont mis à converger et, en contrepartie, les compétitivités à diverger. Alors que les efforts consécutifs à la réunification avaient incité l’Allemagne à se réformer, dans d'autres pays d’Europe – les bas taux d’intérêt aidant – ce sont l’accès à la propriété et la consommation qui se sont mis à fleurir.
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Le crash arrive. Plusieurs gouvernements sont acculés à
inscrire dans les comptes nationaux ce qu'ils doivent aux banques [comme obligations à rembourser] : on glisse vers des déficits accrus et
on met son mouchoir sur les critères de Maastricht. L’Europe se trouve clivée entre des
pays créditeurs et des pays débiteurs. On finit par se rendre compte que des obligations
souveraines – réputées jusqu'alors sans risque – peuvent devenir sujettes à des attaques
spéculatives… et faire grimper les primes de risque de façon dramatique. Celles
des banques qui ont acheté un trop grand nombre de ces obligations deviennent
insolvables. En conclusion : une crise des dettes souveraines et une crise
bancaire, fortement liées entre elles.
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Comme ce fut le cas en 1982, on assiste au scénario selon
lequel, afin de protéger le système bancaire, les autorités financières
sacrifient la périphérie pour sauver le noyau central. L’idée reste la même et
c’est ce à quoi on assiste aujourd’hui de la part de l’Allemagne et d’autres
pays créditeurs : on fait porter le poids de l’ajustement sur les pays
débiteurs. A l’époque, c’est l’Amérique latine qui avait souffert : elle a
ainsi perdu une décennie. C’est ce qui attend l’Europe aujourd’hui.
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Libellés :
* Allemagne,
Economie et finance,
Histoire et politique
Euro vs Europe ? (1)
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Dans les précédents billets, nous avons eu affaire à trois
historiens. Ce n’est pas le cas ici avec George Soros que l’on considère plutôt
comme un financier, un spéculateur, un philosophe ou un philanthrope.
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A mon sens, l’intérêt de son point de vue vient de ce qu’il
est dans l’action et qu’il a affiché depuis assez longtemps quelle théorie sous-tendait
cette action. Il a réussi d’assez jolis coups qui l’ont rendu multi-milliardaire.
Il s’est tout aussi bien trompé mais affirme qu’il sait reconnaître quand il se
trompe. L’intérêt complémentaire est que le texte que je vais chercher à
condenser ici nous ramène à l’Europe et à l’Allemagne et – financier oblige – à
l’euro. C’est tout récent – du 2 juin – et cela s’intitule : Remarks at the Festivals of Economics,
Trento Italy.
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Ce billet est le premier d'une suite de trois.
On a accès au texte original en anglais par le lien suivant :
On a accès au texte original en anglais par le lien suivant :
J’aurai pu faire appel à un autre financier, tel
Georges Ugeux dont l’intéressant blog Démystifier la finance (http://finance.blog.lemonde.fr/) tourne autour
des mêmes sujets, presque au jour le jour, mais sans s’insérer aussi bien dans
la poursuite de ce que j’ai rassemblé ces derniers temps.
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L’économie :
une science sociale qui se voudrait science dure
George Soros commence par ce qu’il pense être l’échec de la
théorie économique : fondamentalement newtonienne à ses origines, elle cherche
à formuler des lois qui seraient universelles. Or, à la différence des sciences
qui portent sur des phénomènes naturels et qui se basent sur des faits,
l’économie est une science qui relève du social : on a affaire à des
acteurs qui pensent et qui prennent des décisions sur la base d’une interprétation
souvent tordue de la réalité – décisions qui ont une influence sur le cours des
évènements.
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Les économistes ont cru s’en sortir par une approche
axiomatique – notamment avec leur théorie des attentes rationnelles et leur
hypothèse d’un marché efficient. Il y a des cas où ça marche – ainsi la
théorie d'une concurrence parfaite qui suppose elle-même une connaissance parfaite de la part des acteurs : elle semble convenir tant
qu’on s’en tient aux échanges de biens physiques… Elle ne tient plus dès qu’on
aborde la production, l’usage de la monnaie ou le crédit – car il faudrait
alors que les acteurs sachent parfaitement ce qui va se passer dans le futur, ce qui n’est pas le cas.
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Finance :
vouloir comprendre/influencer – pouvoir se tromper
Voilà pour l’économie. Il est clair que George Soros préfère s’avancer sur les marchés financiers qu’il connaît mieux. Ne pas confondre, note-t-il, la réalité et l’interprétation qu’on s’en fait : les gens
cherchent effet à comprendre quelle est la situation dont on part (fonction cognitive) et à
l’influencer (fonction manipulatrice). Ces deux fonctions agissent l'une sur l'autre : il se
produit un feedback – c’est ce qu’il désigne par le terme réflexivité.
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L’autre terme qu’il emploie est la faillibilité (le fait de pouvoir se tromper). Il dit que la réflexivité et la faillibilité sont comme deux sœurs siamoises – à une nuance près : on peut se tromper même s’il n’y a pas de feedback entre chercher à comprendre et chercher à influencer ; en revanche, ce feedback ne s’amorcerait pas si on était infaillible. Quoi qu'il en soit, le résultat est qu'il y a une première divergence entre la façon dont les acteurs se représentent la réalité et se qui se passe en fait ; et il y a une autre divergence entre ce à quoi ils s’attendent et ce qui arrive finalement.
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L’autre terme qu’il emploie est la faillibilité (le fait de pouvoir se tromper). Il dit que la réflexivité et la faillibilité sont comme deux sœurs siamoises – à une nuance près : on peut se tromper même s’il n’y a pas de feedback entre chercher à comprendre et chercher à influencer ; en revanche, ce feedback ne s’amorcerait pas si on était infaillible. Quoi qu'il en soit, le résultat est qu'il y a une première divergence entre la façon dont les acteurs se représentent la réalité et se qui se passe en fait ; et il y a une autre divergence entre ce à quoi ils s’attendent et ce qui arrive finalement.
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Bulles
financières, bulles politiques
Tel est le point de départ qui a conduit George Soros à élaborer le modèle
d’une bulle qui ne résulte pas de
chocs extérieurs mais qui est endogène aux marchés financiers. Le mécanisme est
le suivant : on détecte qu'une tendance se manifeste mais cette tendance est interprétée de
façon inexacte. Une bulle se forme quand la tendance et l'interprétation inexacte
qu'on s'en fait se renforcent l’une l’autre. Au point de parvenir à une situation intenable : c’est là où
l’effondrement survient. Si, enfin, la montée reste progressive, la chute est soudaine
et dévastatrice. La direction que prennent les évènements, et le contrecoup à en
attendre, peuvent être prévus – mais pas l’amplitude ni la durée.
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Les marchés financiers connaissent bien sûr des phases
d’équilibre. Remarque, cependant : c’est à la suite de crises
consécutives à des bulles que des régulations se sont mises en place et que les
banques centrales ont pris de l’importance.
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Par ailleurs, les marchés financiers n’ont pas le monopole du duo réflexivité/faillibilité – on le trouve ailleurs, notamment dans la sphère politique… Le simple fait de parler de régulation, comme on vient de le faire, nous rapproche du politique : ce qui conduit à prendre conscience d'interactions possibles entre marchés financiers et sphère politique.
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Par ailleurs, les marchés financiers n’ont pas le monopole du duo réflexivité/faillibilité – on le trouve ailleurs, notamment dans la sphère politique… Le simple fait de parler de régulation, comme on vient de le faire, nous rapproche du politique : ce qui conduit à prendre conscience d'interactions possibles entre marchés financiers et sphère politique.
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Libellés :
* Allemagne,
Economie et finance,
Histoire et politique
dimanche 3 juin 2012
Europe – vision en relief ?
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Nous avions commencé avec un historien allemand, selon qui l’année
et demi passée par Montesquieu
à travers l’Empire germanique lui avait donné à un avant-goût de ce que
pourrait être une Europe fédérale (billets des 30 et 31 mai).
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Suivi d’un autre historien, britannique, ayant un faible
suffisant pour l’Allemagne au point d’imaginer que si on l’avait laissée gagner
rapidement la 1ère Guerre mondiale l’Europe en serait sortie
prospère et n’aurait pas été tentée par le fascisme ni par le communisme… et
qui a livré récemment un autre scénario où, d’ici une dizaine d’années, cette
même Allemagne serait au cœur d’États-Unis d’Europe – dont les Britanniques et
les Scandinaves se seraient volontairement exclus (billet du 1er
juin).
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Notre 3ème historien est un Polonais, Marek Cichocki,
spécialiste de l’intégration européenne et de l’Allemagne : un entretien
auquel il s’est prêté, pour Gazeta Wyborcza (*) laisse à
penser qu’il considérait alors avec un relatif intérêt le rôle que ce pays voisin de la Pologne assumait ces temps-ci dans
le difficile concert européen.
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Conservateur ? Comme il a été conseiller diplomatique
du président défunt Lech
Kaczynski, ce qui correspond à la réponse spontanée serait : oui –
d’autant que l’article ici présenté date de début novembre 2006. (**) Nuance
pourtant : ledit article est paru dans Tygodnik Powszechny
(L’Hebdomadaire universel – ou général),
considéré d’excellente tenue et qualifié de catholique libéral (***) – et qui pour
cette raison, il s’attire d’ailleurs régulièrement les foudres des catholiques
conservateurs auxquels s’est progressivement ralliée une bonne partie du monde
ecclésiastique polonais.
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(*) On peut lire une traduction en
français de cet entretion, réalisé quelques semaines après le decès tragique de
Lech Kaczynski et de la
centaine de personnes qui l’accompagnaient lorsque l’avion présidentiel s’est
écrasé près de Smolensk – voir le lien suivant :
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(**) Comme on peut le constater dans
sa version polonaise d’origine, c’est un assez long article (http://tygodnik2003-2007.onet.pl/3229,12763,1370596,tematy.html).
La traduction en français d’extraits, qu’en a faite Courrier
International le mois
suivant, correspond à une réduction en volume d’environ la moitié.
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(***) Créé en 1945, cet hebdomadaire
a réussi à traverser toute la période communiste, à l’exception des années
1953-56 : à la mort de Staline, il avait refusé d’en publier une nécrologie.
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Quelle est la teneur du propos de Marek Cichocki ?
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Pourquoi
l’UE ? Hier et aujourd’hui
Il rappelle les motivations qui ont conduit à créer la
Communauté européenne, puis de quelle façon elles ont évolué au fur et à mesure
de son élargissement – surtout avec l’arrivée des pays d’Europe centrale et
orientale.
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Pour Robert
Schuman, il s’agissait d’abord de de réconciliation franco-allemande, de
paix, de stabilité et de croissance écnomique. Pour le premier président de la
Commission, l’Allemand Walter
Hallstein, (****)
il fallait se fonder sur la raison et non
sur les émotions… sur le savoir et non sur les mythes.
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(****) Walter Hallstein avait par
ailleurs préconisé une organisation fédérale pour l’Europe – il se vit aussitôt
opposer un veto sur ce point par le général de Gaulle.
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Or, d’une part, les nouveaux États-membres d’Europe centrale
ou orientale n’ont aucune raison de réduire la raison d’être d’une Europe unie
et pacifique à la seule réconciliation franco-allemende et, d’autre part, il
semble que depuis longtemps dans les propos des dirigeants européens les
émotions ont pris le dessus sur la raison – au point que, le préambule du Traité constitutionnel évoque une
communauté de destin et une expérience historique comme étant les liens qui
unissent, et les États-membres ainsi que leurs citoyens. L’auteur remarque que
ce socle en arrive à servir de critère à l’Union européenne (EU) pour juger –
de manière parfois autoritaire – du comportement de ses États-membres, ainsi
que des relations entre eux ou avec des pays tiers.
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Se référer à la
paix de Westphalie ?
On sait que cette paix avait mis fin à la Guerre de 30 ans qui
avait ravagé le centre de l’Europe au cours de la première moitié du 17ème
siècle. Plusieurs princes allemands s’étant rangés du côté de la Réforme
protestante, (*****)
le reste du Saint Empire romain germanique,
mené par les Habsbourg,
a voulu les ramener dans le droit chemin.
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(*****) Ils ont été notamment soutenus
par les Suédois qui étaiens luthériens, et par les Français pour une tout autre
raison : bien que cherchant à mater les protestants sur le territoire
national, Richelieu souhaitait, en Allemagne, contrer les Habsbourg dont il
craignait les visées hégémoniques. Plus tard dans le siècle, Louis XIV fera de
même en ne s’opposant pas à l’Empire ottoman – il fut
particulièrement chagriné que Jean Sobieski, dont il
avait pourtant soutenu la candidature pour devenir roi de Pologne, soit accouru,
en 1683, libérer Vienne qui était
assiégée par les armées turques.
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Conclusion de ce long et tragique épisode, la paix de Westphalie sonne
la fin d’une logique fondée sur la religion et fait entrer l’Europe dans une
nouvelle période : des États souverains, dotés d’un centre de pouvoir et
d’un terrritoire bien définis. L’État-nation ayant failli au 20ème
siècle, on a pu considérer cette période comme intermédiaire, avant d’en
arriver à une UE post-souveraine et supranationale.
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C’est une manière de voir que les Polonais se sentent en
droit de ne pas approuver. A la même époque, ils ont vécu dans une république nobiliaire :
les nobles avaient leur parlement/diète, et élisaient le roi – qui n’était donc
pas héréditaire. La coopération des Polonais avec les Ruthènes, Ukrainiens
Lituaniens… était fondée sur une fédération pacifique entre les peuples et sur
une conception multi-ethnique de la citoyenneté, en symbiose avec la religion,
dans la vie publique.
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Cette situation a duré pendant environ deux siècles jusqu’au
partage de leur pays entre les empires russe, prussien et autrichien en 1795.
Or, si la paix de Westphalie a
instauré une coupure entre l’Église et la politique, on voit ici qu’elle a
conduit à ce que les plus forts se mettent à phagocyter les plus faibles.
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Le partage de la Pologne a duré plus d’un siècle et elle n’a
joui de son indépendance recouvrée en 1918 que pendant une vingtaine d’années,
avant de se retrouver sous la coupe des nazis puis des communistes pour un
demi-siècle. Tout ce qui précède laisse supposer que, vue par les Polonais, la
question de la faillite de l’État-nation ne correspond pas à l’histoire directe
de leur pays.
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Se référer aux
Lumières ?
Les effets de la paix de Westphalie
digérés, on aborde le siècle des Lumières. Il va
de soi que celles-ci peuvent être considérées comme constituant un des
principaux éléments de l’identité européenne. Mais on met trop souvent sous le
boisseau qu’il y a Lumières et Lumières : celles des Français, guidées par la raison,
ne sont ni celles des Britanniques (par la vertu sociale), ni celles des
Américains (par la liberté politique), ni celles des Polonais qui, les premiers
en Europe, sont parvenus à se donner une constitution (en 1791) à forte
composante de républicanisme politique.
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On voit les effets de la cécité sur les différences ici
rappelées : dans le préambule du Traité
constitutionnel de l’Europe, l’absence de références à des valeurs
chrétiennes correspond bien aux Lumières françaises
mais se trouve en contradiction avec les autres.
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Se référer à la 2nde
Guerre mondiale ?
Dans l’histoire de l’Europe, la 2nde
Guerre mondiale succède à une
longue série de conflits – elle apparaît comme la pire, comme suscitée par une
idéologie aberrante, et se caractérise par des destructions massives et par
l’Holocauste. L’intégration européenne est, à cet égard, une réponse
institionnalisée pour en empêcher le retour.
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Mais qu’en est-il pour les pays qui ont vécu, plusieurs
décennies durant, l’expérience du communisme et qui, depuis, rejoignent l’UE.
Évoquer cette expérience donne parfois l’impresssion d’enfreindre un tabou. (******)
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(******) L’auteur pointe certaines
réactions négatives exprimées dans la presse allemande, quand a été évoqué un
projet d’interdire le symbole de la faucille et du marteau au même titre que celui la croix gammée – au motif que ce n’était pas
comparable. Notons incidemment que ce symbole figure dans les armoiries de
l’Autriche, dont l’aigle tient, bien verticalement chacun d’entre-eux entre ses
griffes. Aller au lien :
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L’illustration de ce billet
se compose d’ailleurs d’armoiries de 12 des 27 pays de l’un – de gauche à
droite et de haut en bas :
GB - DK - S - PL
F - NL - D - A
P - E - I - GR.
GB - DK - S - PL
F - NL - D - A
P - E - I - GR.
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Ces pays sont-ils tenus de réciter comme un credo que l’UE
ne peut se justifier que dans l’optique d’une réconciliation
franco-allemande ? Qu’elle apporte une sécurité contre le retour du
nazisme mais qu’il faut se taire, s’agissant de l’idéologie et des pratiques de
l’ère communiste ? Qu’il faut la considérer comme une étape qui prolonge
la dynamique de la paix de Wesphalie ?
Qu’elle n’est héritière que de la seule version à la française des Lumières ?
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Ne vaudrait-il pas mieux remettre en perspective l’acquis
historique communautaire ? Et, peut-être plus difficile encore, reprendre
la réflexion sur les différentes philoophies de l’organisation de l’espace
européen commun, quand on prend conscience que chacune de celles jusqu’ici avancées,
si elle puise dans l’Histoire, cherche aussi à y trouver sa propre
légitimité ?
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