jeudi 20 mai 2010

Let’s facebook it


Ne nous leurrons pas : parmi nos connaissances, une fraction non négligeable est sur Facebook. Il y en aurait actuellement dans les 10 millions en France. Quant on se souvient que ce pays compte 20 millions de foyers et 30 millions d’inscrits sur les listes électorales, on est dans des ordres de grandeur comparables.

Contrepartie de cette popularité, me raconte Ivona pour qui ce qui touche à Internet n’est guère étranger, quelques horreurs et bien des craintes étalées sur la place publique.

Conséquences inattendues
- Ces temps-ci, ce sont les apéros géants dont la tenue turlupine les pouvoirs locaux autant et encore plus que le gouvernement.
- Il y a peu, une faille de sécurité avait permis à n’importe quel tiers d’accéder en quelques clics à l’historique des échanges au sein de groupes d’amis dont certains n’avaient pas du tout envie de laisser s’ébruiter leurs propos.

Problème de Droit du travail
Au tribunal des Prudhommes de Boulogne-Billancourt, quelques employés ont contesté leur licenciement, au prétexte d’avoir critiqué leur hiérarchie au cours de leurs conversations au sein de leur groupe Facebook pourtant extérieur à l’entreprise, l’un de leurs amis (bien intentionné) de ce même groupe les ayant dénoncés – ces propos doivent-ils être considérés comme privés, et relever du libre droit de s’exprimer en dehors du temps de travail ? On voit que l’affaire peut faire jurisprudence.

Quant à Till, dont les investigations vont préférentiellement vers la presse écrite internationale, il a vite fait de repérer deux articles – moins alarmistes mais qui n’en perdent pas pour autant de leur intérêt : l’un dans Die Zeit, l’autre dans The Economist.

Épidémies : pile et face
L’article de The Economist (Social networks catch a early glimpse of disease outbreaks) date d’il y a moins d’une semaine et rend compte d’une recherche signée par deux universitaires (Nicholas Christakis, à Harvard, et James Fowler, à San Diego). L’idée de départ a été de comparer les effets de la grippe entre deux ensembles d’étudiants au cours des quatre derniers mois de 2009 – les premiers avaient été choisis au hasard et n‘avaient donc pas de raison particulière de se fréquenter ; le second ensemble était l’addition d’une centaine de petits groupes de connaissances.

Premier constat, la grippe s’est diffusée plus rapidement au sein du deuxième échantillon : le pic a précédé de deux semaines celui constaté dans le groupe où l'on ne se connaissait pas. Second constat : s’agissant des symptômes spontanément signalés par ceux qui étaient touchés, ils sont apparus 12 semaines plus tôt dans le 2nd groupe que dans le 1er (le décalage n'est plus que de 6 semaines si on se réfère aux diagnostics enregistrés dans les cahiers du Service de santé de l’Université).

On sait que, par ailleurs, Google est en mesure d'informer les autorités sanitaires à quel moment les internautes se mettent à consulter de façon plus intensive quels sont les symptômes de telle ou telle maladie contagieuse. C'est considéré comme une sorte d’indicateur avancé qu’une épidémie pourrait se déclencher. Conclusion de l’article : avec les groupes sociaux, on disposerait de nouveaux indices permettant d'en être alerté encore plus à l’avance.

Littérature et notoriété
Nous abordons une époque où l’Internet est vécu comme une menace par le monde du livre et où les relations entre éditeurs et auteurs se modifient en conséquence, Il y a un mois et demi, Die Zeit (Nietzsche schlägt Schiller par David Hugendick) s’est intéressé à la notoriété de ces derniers, non pas en consultant les chiffres de leur tirage mais à la quantité d’amis qu’ils réussissent à attirer sur Facebook. On y trouve même des sites affichant le nom d’écrivains qui ont disparu depuis longtemps, avec – ainsi que pour nos contemporains – le nombre de leurs fans. On y apprend ainsi que Nietzsche en rassemble près de 150000, que, devançant le Bayern de Munich, Hermann Hesse en a près de 40000, Goethe plus de 20000, Thomas Mann autour de 10000, mais que, loin derrière dans la tranche des 1000 à 2000, se trouvent Günther Grass, Hölderlin, Schiller

Mis ainsi en appétit, je suis allé faire un tour dans l’Hexagone. Moins facile qu’on pourrait le croire – surtout pour les écrivains qui peuplent nos Lagarde & Michard : nombre d’établissements scolaires portant leur nom se sont empressés de figurer sur Facebook et de drainer vers eux des fans-amis de l’écrivain en question. On ne trouvera donc pas ici, ni Jean de La Fontaine ni Charles Péguy, par exemple. J’ai néanmoins réussi à repêcher Sartre (dans les 60000), Camus (40000), Michel Foucault et Amélie Nothomb (plus de 20000), Voltaire (18000), Cocteau (7000), Molière (4000), Victor Hugo (2500), Maalouf et Modiano (dans la tranche 1000-2000), Le Clézio et Feydeau (quelques centaines)…

Mais si vous préférez vous sentir plus entouré, laissez donc la littérature et allez vous joindre aux champions de la mondialisation. En ce printemps 2010, les bonnes adresses sont notamment : Starbucks (5 millions), Coca Cola et You Tube (autour de 4), Adidas (2 millions). Plus sélectif ? Louis Vuitton ne fait que 750 000 et Calvin Klein dans les 340 000.

L’illustration de ce billet provient d’un tableau de Myriam Rougemaille, actuellement exposé (mai – juin 2010) à l’Hôtel de Ville de Château-Gontier.

http://rougemaille.info/images/la_farandole21.jpg

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