vendredi 29 mars 2013
Rareté et récupération
Matières premières critiques
Ce doit être il y a deux ou trois ans, j’avais griffonné sur
un bout de papier quelques chose sur ce sujet et si je me relis bien, cela
avait dû paraître dans The Times de Londres. Une petite histoire éclairante, ainsi
que quelques tableaux d’ensemble dont j’ai tiré l’illustration placée en début
de ce billet.
L’illustration donne les 14 matières premières que l’Union Européenne considérait
comme critiques en 2010. Pour 11 d’entre elles, le pays qui domine la
production mondiale est indiqué avec le pourcentage correspondant. Je n’ai pas
noté ou ne me souviens pas y avoir trouvé de chiffre pour les trois derniers,
parmi lesquels le Palladium
utilisé pour la désalinisation de l’eau de mer.
De la lecture d’une autre source, l’Indium était ce qui permettait de
naviguer sur un Smartphone ou équivalent en glissant les doigts sur l’écran… mais
que, vu le succès de ces bidules et la rareté du produit, les réserves mondiales
risquaient d’être épuisées en peu d’années.
C’était l’époque où se confirmait la présence sur les hauts
plateaux boliviens d’importantes réserves de lithium. Quèsaco ? De quoi confectionner
des batteries électriques assurant l’autonomie, non seulement des téléphones
mobiles, des tablettes et PC portables, mais aussi des voitures électriques du
futur. On estimait que ce pays détenait plus du tiers des réserves mondiales,
suivi du Chili
(presque 30%), l’Argentine,
les États-Unis et la Chine se partageant l’essentiel du reste à parts
sensiblement égales.
Ancien gardien de lamas et leader de syndicat de
cultivateurs de coca (la Bolivie
en est le 3e producteur mondial), le président élu Evo Morales
était alors reçu en grandes pompes par la Corée du Sud :
d’une part, les chaebols comme Samsung, Hyundai, LG… étaient
bigrement intéressés par ce Lithium ; d’autre part, les autorités coréennes
étaient prêtes à puiser dans les caisses de retraite et dans les fonds de
réserve souverains pour en faciliter l’approvisionnement.
La Corée
du Sud n’était bien sûr pas la seule : la Chine, le Japon, la Russie et la France étant alors sur les rangs.
Voyons voir un peu plus loin
Il s’agit maintenant d’une réflexion prospective menée par le
National Intelligence Council placé auprès du
Président des États-Unis.
Son rapport qui s’intitule Global Trends 2030
a été rendu public fin 2012. Il avait été soumis, au cours des mois qui
précédaient, au commentaire d’analystes de pays du monde entier. C’est, depuis
ses débuts dans les années 1990, sa quatrième édition – ce qui suppose un exercice
plus ou moins quinquennal.
Il est loin d’être le seul pour ce genre d’exercice et il reflète
bien sûr les préoccupations, voire une vision du monde, de ses rédacteurs et en
fonction de à qui il est destiné. Mais l’éventail de ce ainsi couvert, la
présentation articulée qui en est donnée, l’ouverture à quoi sa vocation publique
l’incite, et la méthodologie sous-jacente qui y transparaît, me laissent à
penser que – pour reprendre la formule du guide touristique de Michelin – il vaut
le détour.
Parmi les tendances majeures qui y sont identifiées, il y a
celle évidente de la démographie mais croissant plus en raison de l’allongement
de la vie avec la montée des classes moyennes plus exigeantes dans des grands
pays comme la Chine,
l’Inde ou le Brésil et se
concentrant au sein de mégalopoles – non seulement la population mondiale aura
triplé depuis le milieu du 20ème siècle mais la population urbaine
aura été multipliée par 6 ou 7 quand nous arriverons en 2030.
S’agissant de ressources vitales, les tensions seront
manifestes à propos de l’énergie et de l’eau. Mais tel n’est pas provisoirement
l’objet de ce billet. En revanche – aussi bien pour un usage direct par les
personnes ou les groupes plus nombreux et avides d’y prétendre, que pour mettre
en œuvre à grande échelle de nouvelles technologies qui allégeront les tensions
sur les ressources vitales ou qui en garantiront une meilleure efficacité – de
nouveaux objets et systèmes techniques seront de forts consommateurs de
matières premières critiques.
Les téléphones mobiles et tablettes ne se limitent pas à
communiquer, ils facilitent par exemple l’organisation des travaux agricoles,
ou celle de la commercialisation des récoltes dans les pays aux conditions
difficiles et encore peu développés.
On l’a vu pour le Lithium ou l’Indium ; pensons aux terres rares qui tapissent
l’intérieur des lampes à basse consommation – nous allons y revenir dans un
instant.
Récupérer - recycler
Le quotidien de Suisse romande, Le Temps, est l’héritier
de journaux qui avaient déjà une longue carrière à leur actif. Il célèbre
actuellement le 15e anniversaire de cette fusion. Ce qui l’a
conduit – pour ce qui mous intéresse ici – à notamment livrer un article mi-rétrospectif,
mi-prospectif, dont la bande annonce est : Longtemps considérés comme un
problème, les déchets pourraient devenir une solution face à la pénurie de
certaines matières premières. Et qui se conclut par : Les pays les plus
riches en certains métaux ne seront bientôt plus ceux qui en possèdent
naturellement mais ceux qui en auront accumulé artificiellement.
Il l’illustre par le virage pris par deux importantes sociétés
belges venues de l’extraction minière (Umicore) et
de la chimie (Solvay). La première
s’attaque massivement (mille tonnes par jour) aux déchets
électroniques, sachant par exemple que l’on arrive à extraire d’une
tonne de circuits d’ordinateurs 50 fois plus d’or que d’une tonne de minerai… à savoir (si je sais
encore utiliser la « règle de 3), 20 kg à partir d’un million de
téléphones portables, sans compter 200 kg d’argent et dans les 8 tonnes de cuivre.
La second vise le recyclage de terres rares (Cérium, Europium,
Gadolinium, Lanthane, Terbium, Yttrium) déposées dans les lampes d’éclairage
à basse consommation : des investissements viennent d’être faits dans ce
sens à Lyon et
à La Rochelle.
Il suffit de jeter un nouveau coup d’œil à l’illustration du début :
prendre un brin d’autonomie par rapport à une dominance à 97%, c’est tentant.
Côté prospectif, l’article souligne que faire prendre conscience
de l’intérêt du tri lors de la collecte
des déchets est une chose. Mais il faut tout autant faciliter le
démantèlement et le raffinage dès la fabrication des objets.
Sources utilisées :
Une recherche
très sommaire sur Internet ne m’a pas permis de retrouver l’article paru dans The Times en 2010. J’avais noté qu’il était signé par Leo Lewis.
· Les informations
concernant Evo Morales sont une
digression par rapport au sujet de ce billet. Certaines se trouvent dans un dossier de début 2009 de La Vanguardia (Joaquim Ibarz) :
·
Le rapport Global Trends 2030 est directement accessible sur le site : www.dni.gov/nic/globaltrends
· Le volet scientifique
du dossier anniversaire du Temps est paru le 18.03.2013. Le volet consacré à la
récupération des déchets de valeur s’intitule : La conversion des villes en mines. Il est signé par Étienne Dubuis (http://www.letemps.ch/)
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