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Récents billets sur l’Europe
(rappels)
Au cours de ces dernières
semaines et d’une démarche, reconnaissons-le un peu décousue, j’ai recueilli
quelques réflexions sur l’évolution passée de Europe et sur son devenir, les ai
arrangées à ma sauce et présentées sur ce bloc-notes.
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Trois historiens…
Cela se trouvait
d’abord dans des articles de trois historiens : un Allemand à propos de la
dimension fédérative que pourrait prendre l’Europe dans la pensée de Montesquieu ; un Britannique qui imaginait, pour
dans 10 ans, une Union européenne expurgée des Britanniques et des Scandinaves,
et autour d’un pôle essentiellement germanique sur lequel se grefferaient une
sous-traitance productive dans les autres pays de la Baltique et une sorte de
Club Med au Sud ; tandis que, s’appuyant sur quelques analyses – de la
Paix de Westphalie, de ce que sous-entendent les Lumières, et des retombées de
la 2nde Guerre mondiale – un Polonais argumentait que la façon
d’appréhender l’Europe avait tout lieu de différer, selon que l’on s’y trouvait
plus à l’Ouest ou plus à l’Est.
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… et un financier
Autre
réflexion : celle de George Soros
sur les raisons qui font que des bulles se développent et éclatent, tout en
soulignant qu’il n’y a pas que des bulles financières – ici l’Euro – mais tout
aussi bien des bulles politiques – ici l’Union européenne (UE) – et que
l’autodestruction de cette dernière risquait d’être plus radicale que ce qui
pourrait se passer pour l’Euro.
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Après le nième
sommet de
fin juin, à l’issue duquel des espoirs s’étaient temporairement exprimés, mon
attention a été attirée par deux autres textes – dont les liens avec ce qui
précède aussi bien qu’entre eux restent assez lâches mais qui me semblent
également apporter quelques éclairages intéressants.
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Croissance et
emploi : des gouvernements tout-puissants ?
L’auteur du
premier texte n’est pas inconnu aux lecteurs de ce bloc-notes. Georges Ugeux, dont le parcours s’est
essentiellement inscrit dans le monde de la finance, s’attache à en démystifier
certains aspects dans un blog qu’il tient comme invité, dans l’édition
électronique du journal Le Monde. J’en avais, à quatre reprises en
2010 et 2011, effectué une revue semestrielle avec quelques extraits
significatifs – m’imaginant que les lecteurs les plus sensibilisés à ces
questions continueraient à suivre par eux-mêmes son blog.
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Ce qu’il cherche
à montrer dans son billet du 6 juillet est qu’il est parfaitement illusoire de
croire que c’est aux gouvernements relancer la croissance et l’emploi :
ils ne peuvent au mieux que faciliter une croissance qui résulte de l’activité des entreprises,
par les mesures macroéconomiques qu’ils prennent.
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Selon lui, la
croyance au mythe de la toute-puissance gouvernementale en la matière repose
sur quatre piliers :
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Les gouvernements eux-mêmes
cherchent à maintenir ce mythe
Les exemples
donnés valent aussi bien aux États-Unis qu’en Europe : les quantitative easings de la Federal Reserve, comme la facilité de 1000 milliards
d’euros aux banques européennes, sont restées sans produire une hausse de
l’activité.
Les entreprises évitent de se
sentir concernées
Le mythe de la
toute-puissance des gouvernements leur permet, et de les blâmer et de leur
demander des cadeaux. De plus, les PME – potentielles créatrices d’une bonne
part des emplois – considèrent que l’État les ignore délibérément : il
part sauver les grandes banques et des États voisins en difficulté, il ne peut
empêcher les grandes entreprises de se délocaliser et reporte impôts et charges
sociales sur les PME : si l’opportunité se présente, elles se délocalisent
alors en douce.
Les syndicats défendent plus
l’augmentation des salaires (de ceux qui ont un emploi et élisent
des représentants syndicaux) que la création
de nouveaux emplois.
Au cours des cinq
dernières années, le
pouvoir d’achat des ménages a été détruit – notmment par le taux des
cartes de crédit aux États-Unis (20% alors que les banques empruntent à 1%) et
par la TVA en Europe.
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Plutôt que de
continuer à vivre sur ce mythe et le mettre en scène à longueur de sommets de chefs d’États,
ne vaudrait-il pas mieux chercher à construire – avec entreprises, syndicats,
représentants des consommateurs – un modèle social et économique, en vue de la
croissance, de l’emploi, du pouvoir d’achat et de la réduction de la dette
souveraine ?
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Plus d’Europe - aux dépens de la
démocratie ?
L’autre texte est
paru dans Gazeta Wyborcza, également le 6 juillet. Il s’interroge d’abord
sur la double signification (solidarité économique ou unité politique ?)
de l’actuel maître-mot plus d’Europe mais, surtout, sur les fondements
démocratiques des prises de décision qui vont dans ce sens. L’article est signé
par Piotr
Buras, du Centre pour les Relations Internationales de Varsovie.
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Si, en clair, la
question du dernier sommet de l’Union européenne était de savoir jusqu’où
l’Allemagne devrait mettre la main à la poche, n'est-il pas tout aussi essentiel de s'interroger si un tel sauvetage reste possible sans porter
préjudice aux fondements démocratiques de ladite UE ?
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Monnaie commune vs jeux
nationaux
Car il faut
reconnaître que l’existence d’une monnaie commune n’a pas empêché que les États
continuent de décider, chacun de leur côté, de leur budget, de leurs impôts, et
donc du niveau d’endettement qui en résulte. Par ailleurs, et malgré nombre de
décisions prises à l’échelle européenne, le vrai jeu politique (partis
élections, rôle des médias…) se poursuit au niveau national. Enfin, la politique des petits pas (abaissement des barrières douanières,
intégration des marchés, règles communes…) s’essouffle sérieusement.
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Un nouveau souverain qui
a souvent le dernier mot
Alors que,
derrière plus d’Europe, certains entendent plus d’argent allemand et d’autres des transferts
de souveraineté nationale à l’échelle de l’UE, les souverains traditionnels
(les nations) sont désormais aux prises avec la souveraineté des marchés. Et
ces derniers ont généralement le dernier mot.
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Petits arrangements
entre soi
On s’est arrangé entre
chefs de gouvernement. Ce qui a permis à Bruxelles d’imposer à la Grèce et l’Italie,
devenues institutionnellement muettes,
des réformes présentées comme contrepartie de l’aide financière… et à l’Allemagne
d’octroyer cette aide, en passant sur le dos de l’opinion publique et des
procédures parlementaires.
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Ingérence ?
Renforcer les structures parlementaires de l’UE
Avec ce qui se
prépare en matière de supervision des banques ainsi que d’une garantie
européenne sur les dépôts, les institutions européennes vont s’ingérer dans la
politique budgétaire des États. Pour le ministre allemand des Finances, un tel
transfert devrait s’accompagner d’un renforcement des structures parlementaires
au niveau de l’UE – établissement d’une 2ème chambre (sur la base de
représentants des parlements nationaux) et élection du président de l’UE au
suffrage universel.
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Il y a un
mais… mais ce n’est pas une raison
Le problème est
qu’il n’est pas évident que les Européens soient prêts à un tel transfert –
considéré comme un renoncement à leur souveraineté nationale. En revanche, se contenter
de seriner plus d’Europe sans y garantir les conditions d’une démocratie, serait de la
plus grande naïveté.
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Sources :
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Le billet du 6 juillet 2012 de Georges Ugeux s’intitule : Croissance et Gouvernement : la grande illusion. Voir son blog Démystifier la finance : http://finance.blog.lemonde.fr/.
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La présentation de l’auteur précise notamment qu’il
est docteur en Droit et licencié en Sciences Économiques de
l'Université Catholique de Louvain. Sa carrière a été à la croisée des secteurs
privés, publics et académiques, dominée à travers toutes ces étapes par la
finance. Banquier commercial à la Société Générale de Banque, banquier
d’affaires chez Morgan Stanley et Kidder Peabody, président du Fonds Européen
d’Investissement, il est parti aux États-Unis en 1996 pour diriger la division
internationale du New York Stock Exchange. En 2003, il fonde Galileo Global
Advisors, une banque d’affaires active au niveau international, et
exclusivement dans le conseil. Belge, il vient d'acquérir la nationalité
américaine. Il est l'auteur d'un livre sur "La Trahison de la finance:
douze mesures pour rétablir la confiance" édité en Septembre 2010 par
Odile Jacob.
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L’article de Piotr Bura est paru dans Gazeta Wyborcza du 6 juillet 2012 sous le titre : DNA
Europy, czyli jak uratować Unię Europejską i nie zniszczyć demokracji.
Une version en français (traduction par Lucyna Haaso-Bastin) est diponible sur le site de Presseurop (Remodeler l’ADN de l’Europe) :
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Ce site indique par ailleurs que
l’auteur est analyste politique, commentateur et collaborateur au Centre pour les relations
internationales de Varsovie. Il est aussi un spécialiste de l’Allemagne.
Professeur au centre Willy Brandt pour les études allemandes et européennes de
l’université Wroclaw jusqu’en juin 2006, il a été maître de conférence à
l’Institut d'études allemandes de l’université de Birmingham.
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L’illustration, redimensionnée et légèrement teintée (L’œuf de
Colomb – gravure de William Hogarth), provient du site du Projet Gutenberg :
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