jeudi 15 décembre 2011
Entre les deux… (16)
C’est à mi-2010 qu j’ai entrepris – en premier lieu pour moi-même car le
sujet me semblait intéressant – de progresser à petits pas le long de l’ouvrage
de Iain McGilchrist : The Master and his Emissary. J’en avais eu écho
fin-2009, par le biais de la revue qui en avait été faite dans The Economist et
qui (à en croire ce qu’on peut lire dans Wikipedia – uniquement en anglais) est
de très loin plus sobre dans son éloge que la plupart des autres commentaires
qui y figurent.
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En deux mots : une première partie qui s’attache à décrire les deux
hémisphères du cerveau, leur fonctionnement respectif, leurs spécificités à la
fois inconciliables et indispensablement complémentaires. Et une seconde partie
qui, en remontant les siècles, cherche à montrer que, dans le monde occidental,
le cerveau droit pourtant le plus ouvert à notre environnement, s’est fait
chiper la place par son alter ego de gauche – besogneuse mais efficiente
mécanique en arrière-boutique. C’est en quelque sorte la manière de voir et d’agir
en vase clos de ce dernier qui fait peu à peu la loi, au risque – pense l’auteur
– d’envoyer notre civilisation droit dans le mur.
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Ce qui a ainsi transparu dans ce bloc-notes est le mélange d’une
traduction parfois incertaine et d’une tentative d’en condenser le produit pour
ne laisser subsister que des points qui me semblaient importants. Avec le
secret espoir qu’une véritable traduction serait bientôt publiée, à laquelle je
pourrais me reporter directement. Car l’ouvrage fait ses 500 pages aux
caractères bien serrés, aux notes précises et abondantes, et il est lesté d’une
bibliographie conséquente.
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C’est dans cette attente que je me suis autorisé à souffler vers le
début de 2011, après avoir catapulté mon 15ème épisode d’une série
intitulée : Entre les deux… Près d’une année s’est depuis écoulée :
toujours pas de traduction à l’horizon. Je reprends ainsi mon bâton de pèlerin.
Consacrés à La pensée sans le langage, les quelques paragraphes ci-dessous
servent en fait de conclusion au billet qui avait été rédigé le 11 janvier
2011. D’autres billets suivront à un rythme que je ne saurais garantir. Si une
publication en français s’annonce, je ne manquerai pas de le signaler – et d’inviter
ceux qui m’ont accompagné à aller y voir plus directement. Et les aprecçus que
j’en donne jusqu’à présent perdront leur raison d’être.
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La pensée sans
le langage
Communiquer sans en passer par le langage – soit. Mais penser ? le
langage ne s’est-il pas avéré nécessaire aux êtres humains pour formuler des
concepts, élaborer des jugements, prendre des décisions, résoudre des
problèmes ? Eh bien non – pas du tout. C’est en fait au cours d’une démarche d’introspection
consciente, sur le langage et à l’aide des mots, que nous ne faisons rien
d’autre que de nous persuader nous-même de l’importance du processus de
verbalisation et que nous en arrivons à croire qu’il est impossible de penser
sans recourir au langage. Or ce n’est pas ainsi que cela se passe.
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L’auteur
illustre alors son propos avec une succession d’exemples dont je ne donne ici
qu’un aperçu. Ainsi, bien des questions dans le monde des sciences ont été
résolues en court-circuitant le langage : la structure du benzène
(Kekulé) ; les fonctions fuchsiennes puis la géométrie non-euclidienne
(Poincaré) ; sans oublier Einstein, Gauss, Helmholtz, Arnheim… Il note
aussi que, chez le animaux, des pigeons savent reconnaître des catégories de
feuilles, de poissons, de personnes humaines… distinguer un tableau de Monet
d’un Renoir, d’un Picasso ou d’un Braque ; un air de Bach d’un morceau de Hindemith
ou de Stravinski ; pointe d’humour s’agissant de carpes à propos d’un
blues et de la Truite de Schubert ; quant à la capacité de se représenter
l’état mental d’un autre que soi (ladite théorie
de l’esprit auquel, chez l’enfant ne parvient que vers l’âge de 4 ans)
semble exister chez les chimpanzés et les primates.
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On a aussi vu,
pour l’être humain, l’échange d’expériences faciales entre l’enfant est sa
mère, bien avant l’acquisition du langage – ce qui montre qu’il dispose déjà
d’un large éventail de signaux pour exprimer son état interne. Autre
exemple : des personnes ayant traversé et surmonté une période d’aphasie
racontant comment ils pouvaient alors penser, sans pourtant avoir de mots à
leur disposition pour s’exprimer. Il en va de même pour la capacité de calculer
dans des cas où l’hémisphère gauche – dit du langage – est endommagé ; à
propos du calcul encore : des populations primitives ne disposant de
nombres que jusqu’à 3, sont néanmoins capables de calculs allant bien au-delà de cette valeur.
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Qu’apporte donc
le langage ? Il permet de mettre en avant certaines notions ou catégories
– ce qui en rejette d’ailleurs d’autre dans un relatif arrière-plan… mais pas
totalement (les Allemands n’ont pas la couleur rose dans leur vocabulaire mais cependant la perçoivent bien). Si
le langage et les mots permettent de baliser de façon beaucoup plus organisée
note appréhension du monde, c’est parfois au prix d’un certain appauvrissement.
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