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jeudi 15 mars 2012
Entre les deux… (19)
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Quand l’hémisphère droit se développe
Ce n’est pas seulement en
raison d’une capacité utilitaire (à base d’outils) que l’espèce humaine a
réussi sa percée mais, tout autant, en créant des sociétés aux liens assez
forts, qui ont servi de base à des civilisations. C’est là où l’hémisphère
droit intervient : il faut prendre en considération le développement du
lobe frontal droit.
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Fœtus… 2 ans… 5 ans
Est-ce que le développement
du cerveau chez le fœtus décalque la chronologie de ce qui s’est passé lors de
l’apparition de l’espèce humaine ? On ne peut l’affirmer avec certitude.
On remarque néanmoins que la
partie frontale de l’hémisphère droit s’y développe avant même la partie occipitale
de l’hémisphère gauche ! Et ce n’est que vers l’âge de deux ans que l’hémisphère gauche
prend le dessus, avec la mise en œuvre des aires de la parole et du
langage. Mais on ne s’arrête pas là : l’hémisphère gauche étant ainsi
devenu mature, le droit
continue sa poussée, permettant à des éléments plus émotionnels et prosodiques
du langage de se développer entre 5 et 6 ans.
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Il est curieux que, jusqu’à
encore récemment, on ait exploré en long et en large ce qui se passe dans
l’hémisphère gauche et que, en formulant les choses en termes de langage
référentiel, on ait considéré que le droit était silencieux –
pour ne pas dire idiot (dumb).
Alors que pourtant, à peu près tout ce qui différencie l’homme des autres
espèces vient de là.
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Le propre de l’homme
Il y a beaucoup d’animaux qui
sont capables de déduction et de fonctions utilitaires. Mais pour ce qui est de
l’imagination et de la créativité, de la religiosité, de la crainte, de la
musique, de la danse, de la poésie, de l’amour de la nature, du sens moral, de
celui de l’humour, de la capacité de changer d’avis… toutes facultés mettant en
en bonne partie l’hémisphère droit en jeu, tout cela est bien propre à l’homme.
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Au fond, l’autre hémisphère,
le gauche, agit avec quelque chose en vue, il est l’instrument de notre volonté
consciente, afin de saisir/attraper et d’utiliser – tandis que l’hémisphère
droit s’en tient à mettre en relation sans se référer à un objectif a priori.
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Selon l’auteur, il y a ainsi
deux façons opposées – vitales mais pourtant incompatibles, y compris pour des
espèces qui ont précédé l’homme – d’être au monde.
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Au nom de l’utilité
L’une est importante quand il
s’agit d’obtenir quelque chose (êtres vivants inclus) que l’on vise – ce qui
suppose savoir l’isoler du reste d’un monde perçu comme objectif. Tout cela –
qui pousse à la manipulation et dont la valeur mise en exergue est l’utilité –
a dû avoir son origine dans l’hémisphère gauche, puis par cette capacité de son
lobe frontal de prendre des distances par rapport au monde tel que médiatisé
par l’expérience, ainsi que de parvenir à manipuler l’environnement dans un
sens aussi bien symbolique que physique. Et c’est dans cette région du cerveau
qu’est naturellement venu se loger le langage référentiel chez les êtres
humains.
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Relationnel et empathie
L’autre tendance s’oriente
dans le sens de la mise en relation avec les choses, avant même qu’une
réflexion ne vienne s’en mêler – c’est donc un engagement immersif dans un
monde extérieur à soi. Et avec le développement du lobe frontal droit, une
capacité d’empathie s’est trouvée accrue.
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Cela ne veut pas dire que ces
deux tendances soient inéluctablement en conflit. Rien n’empêche que ces
différences puissent se combiner de façon créative (ex. : harmonie,
contrepoint). Les deux hémisphères permettent d’exprimer une tension qui se
manifeste à bien des niveaux entre des forces qui agissent dans le sens de plus
de cohérence et d’unification, et d’autres vers l’incohérence et la séparation.
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Risques d’un langage scientiste
L’hémisphère droit est celui
sur lequel se fonde l’expérience, qui a la vision la plus large et qui est
ouvert à ce qui existe en dehors du cerveau. Le problème vient de ce que des
scientifiques qui s’appuient sur le langage et l’argumentation analytique (sous
contrôle de l’hémisphère gauche), ont tendance à ne regarder le cerveau que
sous cet angle. Jusqu’à il y a peu, ces neuroscientifiques ont fait preuve d’un
aveuglement sur ce point et, même pour certains, d’un chauvinisme qui rejette
le fait de prendre en compte l’hémisphère droit et qui emploie à cet égard un
vocabulaire dépréciatif. Il avait été mentionné plus avant que la production de
l’hémisphère gauche pouvait être outre mesure optimiste, au point de devenir
déraisonnable et en dénégation de ses propres limites
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Petite digression…
sur la prédominance des droitiers dans la population
(la main droite est sous contrôle de l’hémisphère gauche). Cela n’empêche pas
une bonne proportion des artistes, des mathématiciens, des athlètes, par
exemple, d’être des gauchers
et – au sein de ces disciplines – que ces derniers soient en meilleure
place : on peut supposer que les droitiers ne disposent pas d’un accès
aussi aisé aux fonctions globalisantes de l’hémisphère droit.
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Mais il faut en même temps admettre que d’autres
personnes qui ne bénéficient pas du cadrage que procurent les règles plus
systématiques mise en jeu dans l’hémisphère gauche, peuvent être victimes de
désavantages évidents (ex. : dyslexie, schizophrénie, trouble bipolaire,
autisme…)
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The Master and his Emissary – The divided brain and the making
of the Western world – Iain McGilchrist – Yale University Press – 2009 – 597
pages...
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Le présent billet fait suite à celui du 15 février. Il fait
partie d’une séquence sur le Cerveau
commencée le 4 juin 2010 (voir la liste des thèmes dans la marge de droite). Il
n'est pas exclu qu'au cours de la traduction et en cherchant à condenser, il y
ait eu des erreurs ou une mauvaise compréhension : se référer directement à
l'ouvrage mentionné ci-dessus.
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vendredi 9 mars 2012
Jung referait-il surface ? (B)
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Thèmes actuels et résurgence de Jung
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Suite au précédent billet sur
ce sujet, il ne s’agit pas d’établir un lien fort entre des thèmes qui
réapparaissent avec une certaine insistance depuis quelques années et la
remontée en surface de Jung dont le film (Une Méthode dangereuse) et l’ouvrage (Le Livre Rouge) évoqués plus haut seraient des indices dans le champ médiatique.
Je me contenterai simplement d’amorcer un semblant d’énumération de thèmes qui ont
souvent conduit à débat.
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On a ainsi eu, au cours des années ’90, la thèse
(controversée) de Samuel
Huntington sur le choc des civilisations. Il a principalement cherché à
élaborer un modèle de relations internationales qui prenne acte de l’effondrement
du système soviétique et substitué des oppositions culturelles plus ou moins
floues aux clivages idéologiques politiques antérieurs.
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Il y a bien sûr eu levée de boucliers. Mais force est de
constater que, depuis, des refrains autres mais cependant apparentés se sont
fait entendre, qui semblent désormais avoir la vie dure : communautarisme ;
importance donnée aux religions (tout aussi bien le rôle que l’on prête à
l’Islam de ce côté de l’Atlantique que d’aussi vigoureux débats, sur son autre
rive, au cours de la campagne présidentielle américaine) ; montée en
puissance de la Chine (mélange de civilisation et d’idéologie ?) ;
attitude vis-à-vis des immigrés…
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Sur ce dernier thème, je me souviens aussi (ce n’est pas une conclusion) de la
réflexion qu’avait livrée Emmanuel Todd à la fin
de L’invention de l’Europe (Seuil, 1990). Le corps de
l’ouvrage est une fresque de l’évolution de l’Europe au cours de cinq derniers
siècles, en s’appuyant sur une cartographie à son sens remarquablement stable
des valeurs qui en caractérisent les différentes microrégions (découpage en
près de 500 unités géographiques).
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Il s’agissait de déterminer si dans chaque entité on
privilégiait la liberté ou l’autorité d’une part ; l’égalité ou
l’inégalité de l’autre. Et c’est au filtre de cette analyse qu’il a interprété
les évolutions différenciées qui, d’un endroit à l’autre, ont coloré les
transitions de la Réforme et de la Contre-Réforme ; le décollage culturel
et l’alphabétisation ; l’industrialisation ; la
déchristianisation ; le contrôle des naissances ; la montée des
idéologies – puis leur décomposition au cours du dernier tiers du 20ème
siècle.
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Pour clore son livre, Emmanuel Todd
avait choisi de s'interroger sur l’immigration – sorte de test au sein d’une
Europe qui cherche (nous sommes encore en 1990) à parvenir à encore davantage de
cohérence mais dont la diversité bien enracinée qu’il venait d’analyser pouvait
réserver quelques surprises.
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… Ainsi, en France, les
valeurs de liberté et d'égalité continuaient d'imposer le dogme de
l'assimilation : 95% des enfants nés en France de parents étrangers étaient
francisés.
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… À l'opposé, en
Allemagne pays d'ordre et de hiérarchie, le code de la
nationalité faisait que 95% des enfants qui y étaient nés de parents étrangers
restaient des étrangers et que 70% des étrangers présents étaient nés en Allemagne.
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… La Grande-Bretagne très ouverte à l'origine, avait encore sur
son territoire une importante population de nationalité britannique en
provenance de ses colonies. Avec son individualisme non égalitaire et le respect de la différence qui en résulte, on y assistait à la constitution de ghettos ethniques qui se repliaient sur
eux-mêmes.
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Comment définir une citoyenneté commune ? Qui donc pourrait être considéré européen ? L'enfant de
l'Algérien, devenu français ? L'enfant du Turc, restant un Turc vivant en Allemagne
? L'enfant du Pakistanais, devenu un type particulier de citoyen britannique ?
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Certes,
plus de 20 après, il y a eu ici ou là des tentatives d’ajustement. Certes, le
positionnement par rapport au double duo de valeurs (autorité/liberté et
inégalité/égalité) ne résume pas en soi-même ce que l’on peut définir
comme un inconscient collectif à la Jung. Mais on ne peut exclure qu’une approche
plus riche aille dans le même sens, ni que des renvois de balles existent entre
les deux thématiques.
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