lundi 14 juin 2010

Entre les deux… (3)


Esquisse pour une structure
La densité des interconnexions est considérable dans le cerveau. Cela se fait de façon étagée – de la même façon que l’on passe des villages aux cantons, aux régions, aux pays… – la plus forte densité se constatant au sein des entités locales. De niveau à niveau, on en arrive aux lobes qui se séparent en deux hémisphères. On a ainsi une esquisse de cette structure, ce qui n’est pas neutre quant à la nature de notre conscience qui y est associée.

Au sein de cette structure se mettent en jeu des forces qui s’opposent. Ce qui est important, si on se rappelle que c’est ainsi que l’on parvient à effectuer un travail de précision : pensons au jeu de contrôle réciproque qui s’instaure entre nos deux mains pour mener à bien une opération délicate.

Il semble qu’il en aille de même avec notre cerveau, et ce dans trois circonstances :
- Les effets inhibiteurs du cortex quand il reçoit des réponses automatiques en provenance des régions sous-corticales.
- Idem de la part des lobes frontaux pour ce qui lui arrive du cortex postérieur.
- Et, enfin, les influences réciproques entre les deux hémisphères.
C’est ce troisième type d’interactions que le présent ouvrage prend prioritairement en considération.

L’auteur s’apprête maintenant à boucler son introduction – mais il tient au préalable à attirer notre attention sur deux points.

Causes modestes, effets plus conséquents
Ceux qui ne veulent pas sombrer dans la caricature admettent volontiers que les différences entre les deux hémisphères sont, somme toute, assez relatives : ils sont tous deux parties prenantes pour la plupart de nos processus mentaux. Si, pourtant, le monde tel que nous le connaissons en est en quelque sorte la synthèse, l’apport de chacun d’eux reste néanmoins très spécifique – une différence qui a donc ses limites… mais indéniable.

Or si, sur un point donné, l’un des deux se révèle plus efficace, nous aurons souvent tendance à nous en remettre complètement à lui. Qui plus est : lui ayant une fois fait confiance, il nous arrive de récidiver la fois suivante… et, par habitude, de continuer à aller dans son sens à toute occasion – au risque d’adhérer à des schémas mentaux unilatéraux et inadéquats.

Illustration par le rappel de cette boutade qui remet en question la trop grande rigidité du dualisme cartésien – le monde se divise en deux sortes de gens : ceux qui considèrent qu’il y a deux sortes de gens… et les autres.

Mais si tout le monde n’est pas pareil ?
Belle évidence ! Mais qu’en est-il pour ce qui nous intéresse ? Pensons aux droitiers et aux gauchers, par exemple. Pour la quasi-totalité des gens, le centre du langage et de la parole se situe dans l’un ou l’autre des hémisphères (chez les Occidentaux : 95% dans le gauche – qu’ils soient droitiers ou gauchers – et, pour la plupart des autres, dans l'hémisphère droit). Il reste un pourcentage minime où ces fonctions sont plus diffuses entre les deux hémisphères, avec les avantages et inconvénients qui en résultent pour eux. Ce n’est pas parce que c’est peu fréquent que cela ne pose pas toute une série de questions : sur la transmission génétique de ces particularités, sur ce qui touche à la latéralisation, sur la créativité telle qu’elle s’y manifeste…

Même si, par la suite, on s’intéresse presqu’exclusivement aux 95 % qui possèdent une structure standard, il ne faut pas oublier ce qui est mis en relief par les autres 5%.

Un mot sur le titre du livre
Ainsi notre cerveau présente une asymétrie dont les deux volets conjuguent leurs représentations pour nous permettre d’appréhender celle que nous avons du monde. L’univers lui-même est d’ailleurs marqué par une certaine asymétrie : viennent à l’appui de cette affirmation un certain nombre d’évolutions physiques irréversibles comme celle de l’entropie, la flèche du temps, ou encore l’hypothèse qu’à la création de l’univers, un déséquilibre aurait permis à la matière de l’emporter sur l’antimatière…

[Voir à ce sujet l’article Intermède (du 12 juin) sur la notion d’entropie et celle de l’asymétrie entre matière et antimatière, lors du big bang.]

Au moment de conclure son introduction, l’auteur revient sur le titre de son ouvrage en disant l’avoir probablement emprunté à une allégorie figurant chez Nietzsche (very roughly, indeed, and I cannot now remember where). Le Maître était un homme sage dont le domaine florissait et s’étendait en conséquence. Il eut alors besoin de déléguer son autorité à des émissaires : l’un des plus habiles en abusa – et tout se termina mal. Iain McGilchrist vise ici la prise de pouvoir (en Occident depuis cinq siècles environ) par l’un des hémisphères et se demande comment y remédier.

The Master and his Emissary - The divided brain and the making of the Western world - Iain McGilchrist - Yale University Press - 2009 - 597 pages.

Le présent billet fait suite à celui du 8 juin, agrémenté de « l’intermède » du 12 juin. Il fait partie d’une séquence sur le Cerveau commencée le 4 juin 2010 (voir la liste des thèmes dans la marge de droite). Il n'est pas exclu qu'au cours de la traduction et en cherchant à condenser, il y ait eu des erreurs ou une mauvaise compréhension : se référer directement à l'ouvrage mentionné ci-dessus.

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