mercredi 22 octobre 2008

Autisme : sortir de sa bulle

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Aider cet enfant à sortir de sa bulle. Au point de pouvoir se réinsérer comme tout un chacun, dans son milieu familial, social et notamment scolaire, de communiquer spontanément avec les autres, de progresser, d'être armé pour la vie.
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Des bénévoles à domicile
Il y a presqu'un mois, le 25 septembre, je mettais cette phrase dans mon bloc-notes, à propos de l'autisme. Parmi une trentaine de bénévoles, je suis tout juste embarqué pour faciliter cette sortie de bulle. Il s'agit d'un garçon. Appelons-le ici Émile pour respecter l'anonymat.
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A l'âge qu'a actuellement Émile, on entre généralement en CP (cours préparatoire). En prenant appui sur plusieurs dizaines d'expériences qui ont pour la plupart bien réussi, une autre voie est choisie : jour après jour, semaine après semaine, des bénévoles se relaient auprès de lui dans une petite salle de jeu et d'éveil, aménagée là où il habite. Une heure et demi chacun, cinq présences par jour – de 9 heures à midi puis de 2 heures à 6 heures et demi.
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Comme dans la plus tendre enfance
Qu'y fait-on ? On donne du temps, de l'affection et – c'est une salle de jeu et pas une salle de classe – on joue. En jouant dans une atmosphère de détente, Émile dépasse ses phobies. En jouant, il apprend aussi à communiquer comme le font les enfants entre la naissance et 2 ans – étape qu'il n'a souvent pas bien franchie : à communiquer par le regard, par les gestes (pointer du doigt) puis en allant vers la parole en passant par le babillage. Rétablir le regard, c'est pouvoir alors imiter, faire semblant, se situer par rapport aux personnes autour de lui, et se repérer...
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Comme avec un tout jeune enfant, on se laisse guider par ce qui l'intéresse, on n'hésite pas – au contraire – à entrer dans son monde, dans les activités obsessionnelles où il se sent à l'abri... à imiter ses gestes répétitifs, quitte à faire évoluer par le jeu, en approuvant et en valorisant ce qu'il fait, par une communication qui, en particulier, accroche le regard.
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A suivre
Tout ce que je vous raconte ici a un petit côté théorique. Je ne viens que depuis peu de semaines – et les autres bénévoles aussi. Des réunions sont organisées chaque mois pour mettre en commun ce que nous avons vécu, faire le point, préparer la suite afin qu'Émile puisse parcourir ce que les autres enfants ont spontanément parcouru depuis leur naissance, se trouver au même niveau qu'eux en un ou deux ans, pouvoir alors poursuivre son développement avec les autres – et non plus rester dans sa bulle.
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Ce billet fait partie d’une série qui permet de suivre l’évolution d’Émile (ce n’est pas son vrai prénom) depuis septembre 2008 : on y accède directement en cliquant sur le thème Autisme dans la marge de droite.
D’autres articles sont voisins, notamment ceux sous le thème du Cerveau, ainsi que ceux des 15 et 16 juin 2009 (Chiffres, langues… et Savants vs neurotypiques, qui figurent aussi sous le thème de l’Autisme), ou du 27 juin 2009 (Mémoire photographique)

mardi 21 octobre 2008

Pub low-cost

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Low-pub
L'avez-vous remarqué ? La publicité qui agrémente les escaliers et les couloirs d'accès aux bouches du métro parisien est un cocktail de banalité terre-à-terre mais aussi de tentatives créatrices qui méritent un temps d'arrêt. Les grandes affiches sur les quais, c'est du soigneusement pensé par de grandes agences ; ça coûte cher, précisément pour cette raison, à cause de leur taille et aussi de leur nombre, puisqu'on les retrouve à presque toutes les stations. Mais avec les affiches de petit format, de moindre diffusion ou pour un évènement momentané... on est dans un autre monde.
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C'est ainsi que, pas plus tard qu'hier - et par quel diable poussée ? mon attention s'est figée sur un panneau modeste, vert tendre comme de l'herbe printanière. Trois adjectifs et la magie du verbe : brisé... martyrisé... libéré...
Plus exactement : prix brisé... prix martyrisé... mais prix libéré...
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Détournement
Magie mais détournement du verbe hors d'un tout autre contexte, puisqu'il suffit de reprendre le discours du général de Gaulle à l'Hôtel de ville, au moment même de la libération de Paris, le 25 août 1944 : [...] Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! Libéré par lui-même [...]
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Le 25 août, jour anniversaire de cette Libération et de ces paroles historiques, c'est dans moins d'une semaine. Et pourtant, s'agissant ici d'une compagnie aérienne low-cost, dont il est signalé qu'elle évolue sous l'aile de la compagnie nationale d'envergure mondiale, je doute qu'un tel message s'adresse à ceux qui vont se recueillir, se souvenir... Reste la magie du verbe... Survient son détournement.
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Un virtuel les pieds sur terre
Redescendons de nos nuages et allons sur leur site Internet : la pub, basta ! le brisé... le martyrisé... le libéré... à la trappe ! On est dans le virtuel concret, on vend des billets. Attention : il n'y a qu'une lettre de différence (un a) entre le nom de ladite compagnie à bas prix et celui d'une autre entreprise, dans un secteur tout proche. Quelques journalistes ont fait la confusion et à la moindre erreur de frappe au clavier, on peut se tromper.
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Comparaison n'est pas raison
Au lieu de réserver sa place depuis Orly vers une destination plus ou moins méditerranéenne auprès de notre gaullienne compagnie, nous sommes invités... en espagnol uniquement, à voir ce que proposent ses concurrentes à de meilleur prix. Pas de chance pour notre transporteur : il n'y apparaît pas comme étant parmi les plus économiques... Pour les lecteurs familiers de la langue de Cervantès, c'est la compagnie aérienne nationale d'envergure mondiale de la péninsule qui rafle la mise. En élargissant notre recherche auprès d'autres sites de comparaison de prix, notre low-cost bien hexagonal remonte vers la tête du peloton. Il suffit simplement de bien choisir les jours de départ et d'arrivée.
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Un éventail pour Séville
Le véritable émerveillement vient de l'éventail des prix. Au mieux, si on en croit notre comparateur, un Paris-Séville et retour se situe autour de 170 euros. Le vol est direct et dure un peu plus de 2 heures. Mais prenons un billet similaire (aux mêmes dates, mais en classe économique), vendu par l'une ou l'autre de ces compagnies nationales d'envergure mondiale, celle de la péninsule comme celle de l'hexagone : il se situe au-delà de 1900 euros... au point qu'une de ces chères institutions financières habituellement liées à la VPC, s'empresse de vous proposer un crédit-revolving. Il y a de plus une escale, ce qui multiplie par 3 la durée du trajet.
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Enfin, calmez vos ardeurs au moment de choisir votre vol. On vous commence par vous donner l'illusion que l'aller-retour est à 60 euros. Mais, avec les taxes, surcharges, frais administratifs et assurances (hors coût pour rejoindre l'aéroport) vous retrouvez les 170 indiqués ci-dessus.
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lundi 20 octobre 2008

Scène de rue à Paris


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Une rue que je découvre
Dernier dimanche avant celui du retour à l'heure d'hiver. Plus frisquet, tôt le matin, que les jours précédents, malgré un ciel limpide. Mais quelques heures ont passé et les rues se sont animées.
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En voici une que je connaissais mal. Droite, assez longue, résidentielle, aux pavillons et immeubles éparpillés sur des pelouses, séparés par de petits grillages ou des murets bas. Nous sommes en plein Paris mais il n'est pas nécessaire de lever haut la tête ou de traîner des pieds dans les feuilles mortes pour goûter des couleurs de l'automne qui tapissent herbes et allées.
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Je surprends un dialogue
Les marchés et leur habituelle cohue ne sont sans doute pas loin mais on n'en n'a pas écho - et cette rue semble presque déserte. De dos, à quelques mètres devant, un homme petit, dans la soixantaine, parka, écharpe discrète, avance tranquillement mais d'un pas guilleret. Par dessus son épaule, guère plus haut que l'oreille, on distingue le bout pointu de deux baguettes, comme des fusils voire des baïonnettes. Alors que je le dépasse, je l'entends chantonner un air relativement familier aux accents presqu'italiens. Bribes de mots: ... elle leur dira... quand ils partiront...
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De face un peu plus loin, arrêté, une main occupée par une laisse sur laquelle tire avec détermination un mini Yorkshire dont on a dû lui confier la promenade hygiénique et qui semble obnubilé par les grands espaces si proches, l'autre main tapotant du doigt une cigarette à peine entamée, un individu, un peu plus jeune et plus grassouillet, tousse misérablement. Le marcheur l'interpelle. Ils se connaissent, se tutoient. Dans ce que l'autre lui répond, j'ai l'impression de retrouver les paroles de la chanson : ... elle m'a pourtant dit... c'est vrai que je suis en train de partir...
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Manifestations annoncées
Partir de la caisse ? Je ne le saurai pas : dans une rue parallèle, derrière pavillons et immeubles, une sorte de musique martiale ou de cirque couvre ce qu'il voulait dire. Silhouette fugitive d'une camionnette bleu foncé, surmontée de deux haut-parleurs, qui délivre aussi un message pressant de venir je ne sais trop où, je ne sais trop quand. Elle sillonne sans relâche le quartier - je la retrouverai plusieurs fois avec ses grosses lettres blanches : NOUVEAU SPECTACLE et une remorque bâchée de rouge sautillant à l'arrière. L'explication se trouve de façon assez évidente sur des affiches, collées sur du carton et attachées à des réverbères : Guignol... A ne pas confondre avec une autre affichette apposée de fraîche date sur des supports de parcmètre : Apéro revendicatif.
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Espace-temps
Replongée dans des rues plus passantes. Il est bientôt midi. Au pied des marches d'un restaurant qui cherche à tenir son rang, causerie de personnes comme endimanchées : ... Ils ont une quinzaine d'années de plus que nous mais ils ne les font pas... Moi qui suis de 71...
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Le temps d'éviter un Vélib qui s'engouffre dans cette rue piétonne, je fais mes comptes : ... 2008... 71... 15 ans de plus. Il est grand temps que je rentre car nous attendons des connaissances (qui ont quinze ans de moins que nous) et c'est à moi de préparer l'apéro.
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samedi 11 octobre 2008

Langue orale, langue écrite

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Passer d'une langue à l'autre
Je ne suis pas particulièrement doué pour les langues. Au contraire. Mais, par nécessité professionnelle, j'ai eu à pratiquer l'anglais de façon relativement suivie des années durant. Je me débrouille pour le lire et l'écrire. J'ai cependant dû à la gentillesse de mes interlocuteurs ou de mes auditeurs que des conversations avec eux, voire quelques présentations en public, ne se soient pas soldées par des désastres. Et quand je regarde un film non sous-titré, il m'arrive de décrocher rapidement.
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Les hasards de la vie m'ont suffisamment fait me frotter avec l'allemand et l'espagnol pour que je sache retenir une chambre d'hôtel par téléphone… et avec le polonais et l'italien, où je ne suis pas totalement déboussolé devant un menu.
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Mais – sans qu'une quelconque surdité soit en cause – il est également vrai qu'il me faut parfois écouter plus d'une fois certaines chansons dans ma langue maternelle, le français, pour comprendre ce qu'elles veulent dire.
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La langue orale
J'avoue avoir été séduit en lisant ce qu'a découvert au siècle dernier un ORL, Alfred Tomatis. Selon lui, l'enfant tout jeune est capable de percevoir un grand éventail de sons : imaginons toute l'étendue du clavier d'un piano. Mais, rapidement, son oreille se forme à partir de ce qu'il entend. Or, d'une langue à l'autre, ce ne sont pas les mêmes sons ni les mêmes rythmes qui sont mis en valeur.
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Ainsi, les Français (et plus ou moins les Espagnols, eux aussi) se limitent à une octave au milieu du clavier, plus une autre dans les graves, à main gauche. De la part des Anglais, c'est comme s'ils se réservaient des partitions pour main droite seule – dans les aigus. A l'inverse pour les Allemands : prédominance dans les graves. Quant aux Slaves, leur luxe est de jouer sur la totalité du clavier.
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Babillage, imitation… la façon dont on apprend à parler se calque sur ce que l'on entend. Avec des profils sonores aussi différents d'une langue à l'autre, on se doute qu'il devait être difficile de se comprendre au moment de construire la tour de Babel.
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Dans un monde devenu plus ouvert, chaque fenêtre sur une autre langue permet d'aller explorer quelques pas plus loin, par rapport à ce que l'on nous offre lors d’excursions touristiques packagées.
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La langue écrite
La langue écrite permet de contourner quelques unes des barrières qui viennent d'être évoquées et qui sont propres à la langue orale - ce qui nous aide à faire encore un bout du chemin supplémentaire. Au détour d'une revue qui sélectionne des articles parus dans la presse allemande, je tombe ces jours-ci sur les réflexions d'un écrivain syrien, installé Outre-Rhin et publiant en allemand. Cette langue, dit-il, je ne cherche pas à la maîtriser mais à l'aimer comme une femme que l'on courtiserait afin de gagner son cœur.
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Son écriture est celle d'un conteur nourri de la tradition arabe – le récit c'est la vie ; et le silence, la mort. Comme Schéhérazade qui avait réussi à captiver un Sultan tout puissant, pour en faire un enfant avide du prochain épisode... il privilégie la beauté des mots sur le portrait psychologique.
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Il apprécie pourtant la littérature à l'occidentale : il en cite des auteurs qu'il admire parce qu'ils ont su emmener leur lecteur dans un univers parallèle et y faire l'expérience de vies auxquelles, sinon, il n'aurait pas eu accès.
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jeudi 9 octobre 2008

Vadrouille à Montparnasse

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Quand Paris s'appelait Lutèce
La vue aérienne qui illustre cet article nous montre Paris à l'époque romaine - son nom était alors Lutèce qui se limitait à ce qu'on appelle aujourd'hui le Quartier Latin. On y aperçoit distinctement la Seine et ses deux principales îles : celle de la Cité et l'île Saint-Louis - plus une 3ème, qui a été rattachée en 1847 à la rive droite du fleuve. Plus loin, c'est la Bièvre : elle se jette dans la Seine du côté de l'actuelle gare d'Austerlitz. Mais on ne la voit plus aujourd'hui : voici un siècle, elle a été complètement recouverte sur son parcours parisien. Au creux de sa dernière boucle, ce sont les Arènes de Lutèce - que l'on peut toujours visiter.
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Au premier plan, Montparnasse qui, à la fin du 19ème et sur la première moitié du 20ème siècle, est devenu un quartier universellement célèbre dans le monde de l'art et de la littérature. Aujourd'hui, son point de mire est une tour. Construite à la place de l'ancienne gare, elle fête ses 35 ans. C'est un poignard, un sabre planté au cœur de Paris, ai-je entendu à l'époque.
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Sous la tour Montparnasse
Cette tour a toujours ses détracteurs. Ceux qui pestent le plus sont ceux qui viennent prendre le train, mais sont arrivés par le métro du mauvais côté. Le comportement des longs tapis roulants qu'ils doivent emprunter est très capricieux. Pour ceux qui ont valises, poussettes et enfants, les boyaux et escaliers sont particulièrement fatigants. Il arrive, de surcroît, que le fléchage de la signalisation soit ubuesque.
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Une des causes est que les 210 m de la tour qui se trouve juste au dessus, reposent sur de solides piliers allant à 70 mètres en profondeur - véritables obstacles à des solutions plus rationnelles en sous-sol. Ne peut-on pas sortir dehors et avoir recours à un itinéraire de surface ? La tour, toujours… Depuis des mois, des travaux de rénovation obligent les piétons à partager la chaussée avec bus et autos. Des écriteaux nous assurent que c'est pour le bien-être des 5000 personnes qui y travaillent et que cela va durer jusqu'à fin 2011 (les copropriétaires vous remercient de votre compréhension... ).
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Esprit de géométrie et esprit tout court
5000 d'un côté. Mais combien de l'autre ? Je consulte l'ami Till : il me donne quelques ordres de grandeur... assez approximatifs. En sous-sol, il estime le flux à 8000 personnes à l'heure ; plus 2000 en surface ; chiffres qui valent pour 100 heures par semaine - et comme on l'a vu, c'est pour 5 ans. Sa calculette donne 250 millions…
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Flânerie sur le boulevard du Montparnasse. Une librairie, des cartes postales, chacune avec une citation d'écrivain célèbre. De Sacha Guitry : la meilleure façon de faire tourner la tête à une femme serait de lui demander de se mettre de profil. La mécanique appliquée au vivant - n'y aurait-il pas un peu de Bergson là-dessous ? Me revient un autre conseil du même Sacha Guitry, que je tiens de mon stomato : Plutôt que de lui dire qu'elle a de jolies dents, faites-la rire.
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