samedi 23 janvier 2010

Pour quelques degrés de réchauffement


On sait à quel point la question du réchauffement climatique est une belle foire d’empoigne et ce pour de multiples raisons qui interfèrent entre elles : il y a des scientifiques qui se querellent à ce sujet ; malgré les apparences ce sont des politiques de tout poil qui ont fait main basse sur l’écologie plutôt que le contraire ; qu’il s’agisse de nucléaire, d’éoliennes ou de panneaux solaires… les enjeux économiques sont parfois considérables et les décisions publiques pour subventionner les énergies de renouvellement donnent des résultats qui laissent parfois rêveur.

Au niveau mondial, un des lieux les plus en vue pour ce type d’échanges est le GIEC, organisation créée au sein de l’ONU, essentiellement composée de diplomates et d’une minorité de climatologues. GIEC veut dire Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (retenez l’équivalent anglais – IPCC – ça aide pour quand on utilise un moteur de recherche).

Le dernier rapport du GIEC date de 2007. On s’y est largement référé lors du sommet de Copenhague et il continue, ces temps-ci de faire quelques vagues : il y est par exemple affirmé, au détour de l’une de ses nombreuses pages, que les glaciers de l’Himalaya auront fondu d’ici 25 ans – ce qui bouleverse en moins d’une génération les conditions de vie d’un pays aussi peuplé que l’Inde, sans compter ses voisins. Or ce n’est qu’une boulette… On aurait recopié une interview publiée dans un magazine indien en 1999 ; personne ne l’aurait vraiment vérifié… à moins qu’on ait confondu 2035 et 2350.

C’est justement le rapport du GIEC qui est à l’origine d’un autre scénario sélectionné par Courrier International. Sobrement : une carte (c’est là l’essentiel) et le texte d’un article du New Scientist de février 2009, réduit à la Jivaro dans un rapport de 6 à 1, dont on ne cite pas l’auteur. En cherchant bien, vous retrouverez la carte en partant de la même adresse Internet (http://www.scribd etc.) que celle donnée à la fin du précédent billet. Mais elle est abondamment renseignée et, en même temps, difficilement lisible. C’est pourquoi j’ai pris ma palette et mes pinceaux pour vous en donner un aperçu au début, juste après le titre. Ceux qui veulent aller plus loin se rendront à la carte qui illustre l’article original en anglais (voir les références à la fin). Il vous suffira alors de cliquer sur une quinzaine d’emplacements pour tout savoir des horreurs qui attendent les survivants dans les différentes régions indiquées.

J’ai trouvé qui avait écrit l’article lui-même. C’est une journaliste que les sciences, l’environnement et les aspects sociaux intéressent. Elle s’est mise à son compte et parcourt le monde après avoir travaillé pour New Scientist et Nature. Sous le titre How to survive the coming century, Gaia Vince (ce semble être son nom de plume) nous raconte ce que serait un monde dont la température aurait globalement grimpé de 4°C. En quelques mots : des alligators qui se dorent au soleil des côtes britanniques, le Brésil transformé en désert, bon nombre de villes réputées, mettons Venise, qui auraient disparu – même sort pour 90% de la population mondiale. Ce n’est pas rien.

Car si la survie de l’humanité n’est pas en jeu, celle des 7 milliards que nous sommes et bientôt plus, l’est sérieusement, puisque le rapport 2007 du GIEC prévoit, au cours du 21ème siècle, une élévation de la température quelque part entre 2 et 6,4°C – ce qui veut dire que 4°C dès 2050 est très envisageable.

Or un exemple de cette amplitude, nous en avons un, même s’il remonte à 55 millions d’années. Ce qui permet de se faire une idée des conséquences. Première d’entre elles : en grande partie, les endroits où les gens vivent et produisent leur nourriture actuellement ne conviendront plus – extension rapide des déserts ou, pour d’autres raisons, ils deviendront invivables. Régions refuges : le Canada, la Scandinavie et le nord de la Russie. C’est ce qui fait dire au célèbre James Lovelock (le père de la théorie Gaïa que notre journaliste a eu par ailleurs l’occasion d’interviewer) que la sélection générée sur la planète entière par cette mutation si brutale et soudaine, sera si intense qu’il ne restera pas plus d’un milliard d’individus à l’arrivée.

Les conflits sur des enjeux à dimension planétaire pour disposer des ressources vitales vont prendre une grande ampleur – mais les gouvernants, élus sur une base strictement locale, seront démunis face à cette situation. Bien sûr, sur le papier il y a des solutions : avec 20 m² par personne (à Paris, il en tient deux fois plus), on peut faire tenir 9 milliards de gens dans moins de 500 km sur 500 km – or le seul Canada en dispose de près de 50 fois plus. En raison des contraintes (dont les délais courts pour se retourner), il s’agirait de villes verticales.

Par ailleurs l’avenir irait dans le sens des végétariens : océans acides, plus de plancton ; plus de plancton, plus de poisson ; manque de place pour le nourrir, plus de bétail – au mieux quelques chèvres et surtout de la volaille ; ressources en eau limitées, le riz cèdera la place aux pommes de terre ; on s’orientera vers des récoltes flottantes, dont celles à base d’algues.

Énergie : d’abord, des dizaines de milliers de km² de panneaux solaires sur le sud des États-Unis, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient pour fournir une électricité transportée à haute tension et stockée dans des piles à hydrogène (dans une des estimations, la consommation actuelle de l’Europe nécessiterait dans les 30 mille km² de ces panneaux). Viendraient ensuite le nucléaire, l’éolien, l’hydroélectrique et le géothermique.
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De toute façon, on peut faire une croix sur l’époque bienheureuse que nous vivons actuellement.
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Références : d’abord l’adresse Internet pour accéder à l’article de Gaia Vince dans le n° de fin février 2009 de New Scientist, puis celle de la carte interactive qui l’illustre :http://www.newscientist.com/article/mg20126971.700-how-to-survive-the-coming-century.html
http://www.newscientist.com/embedded/mg20126971700-surviving-in-a-warmer-world
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Et pour clore cette série de scénarios, un rapide aperçu d’un article-fiction paru dans le Guardian : nous sommes en 2039. Les sombres prévisions énoncées ci-dessus ne se sont pas réalisées, on utilise la téléportation et on a affaire à des robots pensants. Ceux qui s’en souviennent se moquent gentiment des premières années du millénaire – mais on en cultive une certaine nostalgie. N’est-ce pas le sort de ces décennies sombres qui ne prennent consistance qu’après coup, un peu comme ce qui s’était passé pour les seventies, précisément au début des années 2000 ?

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