mardi 2 février 2010

Autisme : suivre du regard


Première retrouvaille 2010 pour les bénévoles qui accompagnent Émile dans son parcours.

PersonnalitéÉvocation des Fêtes de fin d’année, puis des jours qui ont suivi. Tout c’est bien passé : beaucoup d’énergie à dépenser et plus d’autonomie de la part d’Émile ; il pose davantage de questions – parfois pour voir car il en connaît la réponse. C’est ainsi qu’il en arrive maintenant à l’étape du pourquoi ? Comme le font les petits enfants. Vis-à vis de ses parents, il teste les règles, il négocie, il ruse… mais sans toujours bien savoir moduler. Sa relation avec sa sœur aînée évolue : à la fois, il commence à s’opposer à elle mais cherche aussi un soutien face aux parents.

Plusieurs estiment qu’Émile exprime davantage ses sentiments – si besoin de façon indirecte, sous forme de chants ou de poésies qu’il invente. Autre remarque : sa manière de s’exprimer peut prendre une tournure théâtrale (comme s’il jouait). Il fait aussi mieux la distinction entre le je et le tu, ce qui n’empêche pas d’ignorer l’autre dans certaines de ses actions (ex. : parcourir un livre sans s’assurer que cet autre peut aussi y jeter un œil).

A vue d’œilDepuis quelques semaines, Émile dispose d’une boite avec des engrenages que l’on peut enficher de telle sorte que si l’un tourne, les autres sont entraînés à leur tour : il l’utilise souvent et l’on se rend alors compte des progrès réalisés au fil des mois quant à la dextérité des mains et à la coordination entre l’œil et la main.

En revanche, il reste encore à faire, s’agissant de suivre du regard un objet – ou une main – qui se déplace. Sur ce point, notre attention a été attirée sur l’importance critique de la vitesse du mouvement oculaire chez les autistes. Voici, extrêmement condensés, quelques extraits d’un article de Bruno Gepner (Laboratoire Parole et langage – Université de Provence) paru dans le n° de mars-octobre 2008 de la revue Interactions :
Il semble bien que les processus sensoriels guident et influencent la construction et le fonctionnement de la pensée sur soi, sur autrui et sur le monde – et réciproquement. Chez les enfants autistes, on peut faire l’hypothèse qu'un relatif déficit pour percevoir la vitesse des mouvements environnants (qu'ils soient physiques ou biologiques - tels ceux des yeux, des lèvres, les mimiques émotionnelles de la face, les mouvements du corps) conduit à ce que leur pensée fonctionne avec un manque de continuité – telle une pensée stroboscopique, une succession d’images instantanées sans lien entre elles.D’où la proposition de donner l'occasion à Émile d'exercer et améliorer sa vision du mouvement, lentement pour commencer, et accéder ainsi à plus de continuité et de logique dans sa pensée.

Autre évolution : il accepte mieux d’essayer à nouveau même s’il a raté (ex. : lancer de balles vers la cible où elles vont s’accrocher). Cette acceptation semble aller de paire avec plus de réflexion, et avec la capacité de créer des liens et une logique

A suivre…Les orientations pour la suite partent toujours, comme depuis les débuts, de ses centres d’intérêt : on va poursuivre les expériences sensorielles, les jeux physiques et les jeux de constructions.

Partir, par exemple, de son goût pour les lettres pour en faire percevoir la texture, les tracer dans différents matériaux. Ou encore au cours d’un jeu : trier, partager en 2 tas, notion de permanence du nombre de cartes – même si elles sont réparties en 2 ou plusieurs tas, ranger dans un certain ordre (ex. : depuis le plus grand). Essayer également d’installer un vélo d’appartement (mouvement alterné des jambes).

On se souvient enfin qu’au cours de cette seconde année des séances de préscolarisation se panachent avec celles avec les bénévoles. C’est là où l’on voit qu’Émile devient lecteur (il identifie les titres et les illustrations qu’il commente, notamment). Il manipule les notions plus que, moins que, autant que. Quand il compte c’est surtout avec la vue… mais pas avec ses mains. Ici et pour le reste arrive une demande d’apprentissage : on cherchera encore à favoriser la création interactive plutôt que l’accumulation encyclopédique.
Références de l’article cité :
Attention, c’est un travail de chercheur – pas immédiat pour les non-initiés ni dans les préoccupations au jour le jour de ceux qui entourent Émile. Dans les 25 pages (dont une bibliographie conséquente), il est lisible via Internet en format PDF
http://www.ctnerhi.com.fr/images/revue_interactions/GepnerFR.pdf
Tout récemment, le Dr Gepner vient de signer avec le Pr Carole Tardif dans la revue La Recherche (n° 436 de décembre 2009) un article beaucoup plus abordable pour le commun des mortels dont je fais partie : Le monde va trop vite pour l'enfant autiste.

A mentionner également, sur un registre proche, la vidéo d’une conférence d’environ 35 minutes, un exposé largement illustré, fait par Monica Zilbovicius, chercheuse à Orsay et qui utilise l'imagerie du cerveau. Cela se passait il y a un an (5 décembre 2008) à l'occasion de la séance de rentrée du Collège de France.
http://www.college-de-france.fr/default/EN/all/col_rent/les_raisons_de_lautisme_monica.jsp
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Ce billet fait partie d’une série qui permet de suivre l’évolution d’Émile (ce n’est pas son vrai prénom) depuis septembre 2008 : on y accède directement en cliquant sur le thème Autisme dans la marge de droite.
D’autres articles sont voisins, notamment ceux sous le thème du Cerveau, ainsi que ceux des 15 et 16 juin 2009 (Chiffres, langues… et Savants vs neurotypiques, qui figurent aussi sous le thème de l’Autisme), ou du 27 juin 2009 (Mémoire photographique)

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