mercredi 17 décembre 2008

Van Gogh

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Zapolska n'a sans doute pas rencontré Van Gogh...
Nous venons de l'apprendre à la fin du précédent article, Zapolska place Van Gogh au premier rang de ces individualistes, de ces artistes véritables qui, l'Impressionnisme ayant pratiquement fait son temps, se détachent maintenant du lot. L'a-t-elle directement rencontré ? J'en doute. Quand il meurt, en juillet 1890, cela fait à peine deux mois que, venu de Saint-Rémy-de-Provence, il est à Auvers-sur-Oise. Son œuvre est d'ailleurs encore pratiquement inconnue. Quant à Zapolska, elle n'est à Paris que depuis un an, occupée à s'installer et à se former en français pour percer au théâtre. Et, surtout, elle est encore loin de s'être familiarisée avec le monde de la peinture.
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... mais elle possédait un de ses tableaux
Il n'empêche que, en 1894, dans cet article sur les courants artistiques, elle peut écrire : « Une toile de Van Gogh, j'en ai une qui est accrochée dans mon atelier – un joyau qui, dans quelques dizaines d'années, n'aura pas de prix. Sur cette toile, les arbres sont de couleur orange, les feuilles de couleur saphir, la terre est noire et, dans le fond, une silhouette de femme disparaît dans une brume bleuâtre. […] Il y en a qui ricaneront en voyant ce tableau mais moi je n'arrive pas à détacher mes yeux de ces feuilles bleues… »
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Ce que Zapolska dit de Van Gogh
Pour expliquer en quoi consistait le symbolisme de Van Gogh, l'exemple qui lui vient est cette idée qu'il avait eue de représenter la Passion du Christ – uniquement en peignant une série des paysages : « En partant d'êtres sans vie, inanimés, des formes que prennent la terre, les rochers, les oliviers et les cyprès, par un type d'éclairage et par la composition d'ensemble, [il] voulait traduire ce qu'il sentait dans son âme, à savoir de la joie, le triomphe d'une idée, l'angoisse, la souffrance, la trahison, la douleur… la Mort enfin et l'apothéose de la Résurrection. Il ne voulait pas [que] des personnes […] tiennent le rôle principal tandis que le paysage [ne serait] qu'un décor. »
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Autre exemple : « Un grand fauteuil vide. Sur ce fauteuil est posé une pile de livres et une bougie allumée. Ce tableau doit présenter l'absence physique de l'un de ses amis – Gauguin – mais en même temps une présence spirituelle qui lui a donné l'idée d'une bougie allumée et d'un recueil de pensées alignées sur les pages d'un livre. »
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Commentaire : « En laissant la bride à son tempérament ardent, flamboyant, Van Gogh […] s'est élancé vers la lumière, vers des lueurs aveuglantes et, tout à coup, il s'est enfoncé dans l'obscurité... il est devenu fou ! Qu'est-ce c'est que la folie ? Qu'en savons-nous ? Est-ce que la folie c'est bien de la folie ? Le génie et la folie ne sont-ils pas du même lit ? Sur leurs ailes, les génies portent le monde vers la lumière et aucune camisole n'en a entravé les ailes ! […] Dans cette orgie de couleurs quelque chose est restée de l'âme d'un fou – et l'âme d'un tel fou est un livre plus intéressant que celle de ces hommes "raisonnables" qui regardent lucidement les choses ! »

« Je disais que Van Gogh était… symboliste. Le Symbolisme est ainsi le plus parfait des individualismes. […] chaque Symboliste nous livre une partie de l'état de son âme telle qu'elle était au moment où il créait - non pas l'âme d'un esclave qui copie mais une âme libre, sans entraves, qui ne se sent pas gênée au moment où vient l'inspiration. »

N.B. : Il n'est pas évident que le tableau qui illustre cet article (Allée des Alyscamps par Van Gogh) soit celui que possédait Zapolska.

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