vendredi 8 juin 2012

Euro vs Europe ? (2)

.
 .
Ce billet est le second d'une suite de trois.
.
George Soros en vient alors à la crise de l’euro qui lui semble particulièrement instructive. Les autorités se sont imaginé que la crise était due à un problème de prélèvements (fiscalité) – alors que le problème était du côté des banques… plus un problème de compétitivité. Et [devant un public d’économistes] il prévient qu’il va sortir de l’économie pure et parler politique et dynamique du changement social.
.
En résumé, il estime que, dans le cas présent, la bulle n’est pas financière mais politique, qu’il s’agit de l’évolution de l’Union européenne (UE), et que la crise de l’euro menace de détruire l’UE.
.
L’Union européenne serait-elle une bulle ?
En fait, c’est l’UE qui fonctionne comme une bulle – elle est quelque chose d’irréel et de profondément attirant : une association de nations, fondée sur la démocratie, les droits de l’homme, la primauté du droit, sans qu’aucune des nation(alité)s soit en position dominante. Les visionnaires qui ont constitué le fer de lance de l’intégration européenne ont bien compris que, la perfection n’étant pas de ce monde, il valait mieux procéder par étapes limitées et que chaque pas franchi montrerait bien qu’un pas suivant serait vite nécessaire. Mais – à l’image des bulles financières – chaque pas du chemin déjà parcouru a conforté encore plus leur vision : on avait mis en place un feedback positif (qui s’entretient et qui enfle).
.
L’Allemagne s’est trouvée au premier rang. Ainsi, après la chute du Mur, elle s’est dit que la réunification ne se comprenait qu’au sein d’un Europe elle-même unifiée et a été prête à des sacrifices importants pour qu’il en soit ainsi. Point d’orgue : Maastricht (dont : union monétaire sans qu’il y ait d’union politique) ; plus l’euro (dont : les États de la zone euro ont abandonné leur droit de créer de la monnaie et l’ont confié à la Banque centrale européenne). Est alors arrivée une période de stagnation, puis le crash de 2008. C’est là que la désintégration a commencé.
.
L’euro et les banques
Sur le plan bancaire, l’introduction de l’euro a permis aux banques d’acheter autant d‘obligations souveraines (émises par les États) qu’elles le voulaient. Mais elles l'ont surtout fait sans immobiliser, en regard, une part de leur capital – les banques centrales acceptant sans sourciller de reprendre ces obligations au taux affiché. Dans un tel contexte, les banques ont de plus trouvé quelqu'avantage à acheter des obligations émises par des pays financièrement affaiblis.
.
Résultat : les taux d’intérêt se sont mis à converger et, en contrepartie, les compétitivités à diverger. Alors que les efforts consécutifs à la réunification avaient incité l’Allemagne à se réformer, dans d'autres pays d’Europe – les bas taux d’intérêt aidant – ce sont l’accès à la propriété et la consommation qui se sont mis à fleurir.
.
Le crash arrive. Plusieurs gouvernements sont acculés à inscrire dans les comptes nationaux ce qu'ils doivent aux banques [comme obligations à rembourser] : on glisse vers des déficits accrus et on met son mouchoir sur les critères de Maastricht. L’Europe se trouve clivée entre des pays créditeurs et des pays débiteurs. On finit par se rendre compte que des obligations souveraines – réputées jusqu'alors sans risque – peuvent devenir sujettes à des attaques spéculatives… et faire grimper les primes de risque de façon dramatique. Celles des banques qui ont acheté un trop grand nombre de ces obligations deviennent insolvables. En conclusion : une crise des dettes souveraines et une crise bancaire, fortement liées entre elles.
.
Comme ce fut le cas en 1982, on assiste au scénario selon lequel, afin de protéger le système bancaire, les autorités financières sacrifient la périphérie pour sauver le noyau central. L’idée reste la même et c’est ce à quoi on assiste aujourd’hui de la part de l’Allemagne et d’autres pays créditeurs : on fait porter le poids de l’ajustement sur les pays débiteurs. A l’époque, c’est l’Amérique latine qui avait souffert : elle a ainsi perdu une décennie. C’est ce qui attend l’Europe aujourd’hui.
. 

Aucun commentaire: