vendredi 8 juin 2012

Euro vs Europe ? (1)


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Dans les précédents billets, nous avons eu affaire à trois historiens. Ce n’est pas le cas ici avec George Soros que l’on considère plutôt comme un financier, un spéculateur, un philosophe ou un philanthrope.
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A mon sens, l’intérêt de son point de vue vient de ce qu’il est dans l’action et qu’il a affiché depuis assez longtemps quelle théorie sous-tendait cette action. Il a réussi d’assez jolis coups qui l’ont rendu multi-milliardaire. Il s’est tout aussi bien trompé mais affirme qu’il sait reconnaître quand il se trompe. L’intérêt complémentaire est que le texte que je vais chercher à condenser ici nous ramène à l’Europe et à l’Allemagne et – financier oblige – à l’euro. C’est tout récent – du 2 juin – et cela s’intitule : Remarks at the Festivals of Economics, Trento Italy.
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Ce billet est le premier d'une suite de trois.
On a accès au texte original en anglais par le lien suivant :
J’aurai pu faire appel à un autre financier, tel Georges Ugeux dont l’intéressant blog Démystifier la finance (http://finance.blog.lemonde.fr/) tourne autour des mêmes sujets, presque au jour le jour, mais sans s’insérer aussi bien dans la poursuite de ce que j’ai rassemblé ces derniers temps.
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L’économie : une science sociale qui se voudrait science dure
George Soros commence par ce qu’il pense être l’échec de la théorie économique : fondamentalement newtonienne à ses origines, elle cherche à formuler des lois qui seraient universelles. Or, à la différence des sciences qui portent sur des phénomènes naturels et qui se basent sur des faits, l’économie est une science qui relève du social : on a affaire à des acteurs qui pensent et qui prennent des décisions sur la base d’une interprétation souvent tordue de la réalité – décisions qui ont une influence sur le cours des évènements.
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Les économistes ont cru s’en sortir par une approche axiomatique – notamment avec leur théorie des attentes rationnelles et leur hypothèse d’un marché efficient. Il y a des cas où ça marche – ainsi la théorie d'une concurrence parfaite qui suppose elle-même une connaissance parfaite de la part des acteurs : elle semble convenir tant qu’on s’en tient aux échanges de biens physiques… Elle ne tient plus dès qu’on aborde la production, l’usage de la monnaie ou le crédit – car il faudrait alors que les acteurs sachent parfaitement ce qui va se passer dans le futur, ce qui n’est pas le cas.
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Finance : vouloir comprendre/influencer – pouvoir se tromper
Voilà pour l’économie. Il est clair que George Soros préfère s’avancer sur les marchés financiers qu’il connaît mieux. Ne pas confondre, note-t-il, la réalité et l’interprétation qu’on s’en fait : les gens cherchent effet à comprendre quelle est la situation dont on part (fonction cognitive) et à l’influencer (fonction manipulatrice). Ces deux fonctions agissent l'une sur l'autre : il se produit un feedback – c’est ce qu’il désigne par le terme réflexivité.
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L’autre terme qu’il emploie est la faillibilité (le fait de pouvoir se tromper). Il dit que la réflexivité et la faillibilité sont comme deux sœurs siamoises – à une nuance près : on peut se tromper même s’il n’y a pas de feedback entre chercher à comprendre et chercher à influencer ; en revanche, ce feedback ne s’amorcerait pas si on était infaillible. Quoi qu'il en soit, le résultat est qu'il y a une première divergence entre la façon dont les acteurs se représentent la réalité et se qui se passe en fait ; et il y a une autre divergence entre ce à quoi ils s’attendent et ce qui arrive finalement.
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Bulles financières, bulles politiques
Tel est le point de départ qui a conduit George Soros à élaborer le modèle d’une bulle qui ne résulte pas de chocs extérieurs mais qui est endogène aux marchés financiers. Le mécanisme est le suivant : on détecte qu'une tendance se manifeste mais cette tendance est interprétée de façon inexacte. Une bulle se forme quand la tendance et l'interprétation inexacte qu'on s'en fait se renforcent l’une l’autre. Au point de parvenir à une situation intenable : c’est là où l’effondrement survient. Si, enfin, la montée reste progressive, la chute est soudaine et dévastatrice. La direction que prennent les évènements, et le contrecoup à en attendre, peuvent être prévus – mais pas l’amplitude ni la durée.
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Les marchés financiers connaissent bien sûr des phases d’équilibre. Remarque, cependant : c’est à la suite de crises consécutives à des bulles que des régulations se sont mises en place et que les banques centrales ont pris de l’importance.
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Par ailleurs, les marchés financiers n’ont pas le monopole du duo réflexivité/faillibilité – on le trouve ailleurs, notamment dans la sphère politique… Le simple fait de parler de régulation, comme on vient de le faire, nous rapproche du politique : ce qui conduit à prendre conscience d'interactions possibles entre marchés financiers et sphère politique.
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