vendredi 3 juillet 2009

Autisme - 8 mois de progrès


Flash-backA plusieurs reprises, j’ai évoqué dans ce bloc-notes l’action à laquelle je participe avec d’autres bénévoles auprès d’Émile, garçon d’environ six ans, qui manifeste quelques symptômes d’autisme (voir les billets des 25 septembre, 22 octobre, 27 novembre et 26 décembre 2008, puis du 7 avril 2009 ; voir aussi l’échange de commentaires, suite à un récent billet du 16 juin sur un thème proche).

Cette action destinée à se prolonger vraisemblablement jusqu’à la rentrée scolaire 2010-2011 dure depuis huit bons mois. Les progrès sont dès à présent visibles : cette affirmation n’est pas un simple enthousiasme de participant : une de mes connaissances qui ne l’avait pas vu de toute cette période a exprimé une franche surprise devant les changements qu’elle constatait.

Ce qui suit reprend ce que – avec l’aide des professionnels qui facilitent le pilotage – les bénévoles et les parents ont pu échanger au cours des dernières réunions mensuelles.

Commencer par les soubassements ou par le toit ?Classiquement, le petit enfant a d’abord des expériences sensorielles :
- les différentes manières de toucher,
- le sens de l’équilibre qu’il commence à acquérir dès les premiers bercements, qui lui permettront ensuite de se tenir assis puis debout,
- situer son corps dans l’espace quand on le tient par le bras, par exemple, ou qu’on le masse,
- les autres sens (sentir les odeurs, voir, écouter, goûter)…

Ce qui est acquis à ce stade sert de base à son futur développement. Chez les autistes, cette acquisition de base ne se fait pas de façon suffisamment équilibrée : pour certains points, il y a comme des vides ; pour d’autres points, c’est excessif (ces «moins» et ces «plus» ne sont pas les mêmes d’un autiste à l’autre, ce qui explique en partie qu’il puisse y avoir plusieurs formes d’autisme).

Ce qu’on a pu voir chez Émile mais qui est en train d’évoluer maintenant, c’est qu’il ne sentait pas encore bien son corps (d’où, par exemple des problèmes de propreté), qu’il avait des réticences au toucher et qu’il cherchait à mieux assurer son équilibre, dès qu’il s’agissait de sauter, de tourner, de se balancer...

Il est alors passé aux étages supérieurs sans que le sous-sol et le rez-de-chaussée soient bien consolidés. Depuis, dans cette situation, c’est comme si, de là-haut, il retapait ce qui n’avait pas été bien mis au point aux niveaux du bas, en utilisant son intelligence et à force de volonté. C’est comme s’il se télécommandait : son cerveau étant obligé de réfléchir à ce qu’il fait au lieu que ça vienne naturellement… et quand il se concentre sur quelque chose, il a du mal à s’occuper du reste.

Où en sommes-nous ?
C’est en ce sens que les bénévoles sont invités – tout en se laissant guider par les activités que propose Émile – à privilégier celles qui favorisent la détente, le ressenti du corps, l’imaginaire et l’imitation, plutôt que la réflexion (on peut lui faire par ailleurs confiance sur ce dernier point).

A la date d'aujourd'hui, Émile prend de plus en plus sa place parmi les autres Dans sa famille et auprès des bénévoles, son caractère s’affirme de plus en plus. Différence avec avant, il dit «je». Il aborde aussi le stade du «non», ce qui, pour lui, est un vrai progrès. Lorsque des amis viennent à la maison, il joue avec eux mais il n’ose pas encore leur parler. Lorsqu’on sort à l’extérieur, il emporte un livre pour communiquer plutôt que de s’isoler avec une console de jeux.

Effets en retourDécrit comme je viens de le faire, tout tourne autour d’Émile. Mais il est de plus en plus clair que l’effet est pour le moins à double sens.

Il a fallu aux parents qui ont fait ce choix une bonne dose d’initiative, ne serait-ce que pour installer chez eux une salle qu’ils ont équipée pour Émile et où il rencontre chaque bénévole. Il leur a fallu trouver les 20 à 30 bénévoles qui s’y succèdent tout au long de la semaine, dans une perspective de 1 à 2 ans. Et il leur faut jongler avec le planning des présences et les inévitables surprises. Mais il me semble aussi que ce tissu de relations individuelles ou en groupe (réunions mensuelles) a pour contrepartie d’avoir créé autour des parents et de leurs enfants une communauté chaleureuse, sorte d’antidote à un éventuel risque d’isolement

Mais la conscience est également venue aux participants – cela a été particulièrement net ces derniers temps – que leur action apportait beaucoup à chacun d’entre eux en retour. Alors que l’ensemble des bénévoles se réunissent pour, a priori chaque mois et c’est très nécessaire, parler des manques, acquisitions et progrès d’Émile, ils en sont arrivés à dire qu’il se produisait aussi autre chose en eux-mêmes : la présence d’Émile les fait jouer, danser, rire, voire rêver... ou les apaise.

Et après ?
Cette action est destinée à se poursuivre. D’abord pendant les vacances d’été sur un rythme adapté. Puis au cours de la prochaine année scolaire, toujours en suivant le même schéma mais en y adjoignant des activités d’apprentissage devant faciliter l’insertion scolaire, plus tard... ainsi que des activités avec d’autres enfants – il s’agit cette fois d’insertion sociale.

Ce billet fait partie d’une série qui permet de suivre l’évolution d’Émile (ce n’est pas son vrai prénom) depuis septembre 2008 : on y accède directement en cliquant sur le thème Autisme dans la marge de droite.
D’autres articles sont voisins, notamment ceux sous le thème du Cerveau, ainsi que ceux des 15 et 16 juin 2009 (Chiffres, langues… et Savants vs neurotypiques, qui figurent aussi sous le thème de l’Autisme), ou du 27 juin 2009 (Mémoire photographique)

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